Des réservoirs découverts dans les macrophages

Publié par jfl-seronet le 25.02.2019
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ThérapeutiquemacrophagesréservoirVIH-1

L’existence de réservoirs cellulaires où se cachent des virus VIH « dormants » chez les personnes vivant avec le VIH sous traitement est un obstacle majeur à l’éradication du virus, rappelle un communiqué commun de l’Inserm, du CNRS, de l’ANRS, de l’université Paris Descartes et de Sidaction. Dans une étude publiée (4 février) dans la revue scientifique Nature biology, une équipe de recherche coordonnée par Morgane Bomsel, directrice de recherche au CNRS, montre que, chez ces personnes, des cellules de l’immunité particulières (macrophages) résidant dans les tissus du pénis, constituent de tels réservoirs cellulaires. « La découverte de ce nouveau type de réservoirs dans les macrophages tissulaires pourrait ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques ».

Les réservoirs cellulaires sont des cellules infectées par le VIH (VIH-1) qui ne produisent plus de virus à cause des traitements antirétroviraux qui rendent l’infection latente, mais cellules dans lesquelles, dès l’absence de traitement, le virus recommence à se multiplier. L’essentiel des travaux menés sur les cellules réservoirs s’est concentré sur les lymphocytes T circulants. Des essais d’éradication du virus logés dans ces réservoirs de lymphocytes ont consisté à réactiver les cellules réservoirs par une approche « shock and kill » (secouer et détruire) qui consiste à rendre visible au système immunitaire les cellules infectées « dormantes » en les réactivant, puis en les éliminant par les cellules cytotoxiques de la personne, mais aussi par des agents antirétroviraux ou des anticorps, indique le communiqué des chercheurs-euses.

Ces essais restent pour l’instant sans succès

La comparaison des séquences des génomes des virus issus des cellules T « réservoirs » et des virus qui réapparaissent lors de l’arrêt des traitements a montré qu’une partie de ces virus vient d’un autre type de réservoir cellulaire. « Ceci suggère donc qu’il existe d’autres réservoirs viraux parmi les différents types cellulaires que le VIH-1 infecte », explique le communiqué. Les macrophages sont les meilleurs candidats car ils sont rapidement ciblés par le VIH-1 lors de la transmission sexuelle, mais résistent à l’effet de destruction cellulaire du virus.

Les chercheurs-euses se sont particulièrement intéressés aux réservoirs cellulaires présents dans les tissus du pénis d’hommes vivant avec le VIH, sous thérapie et sans virus détectables dans le sang. Ils ont comparé la capacité des macrophages à produire des virus avec celle des lymphocytes T des mêmes tissus, une fois les traitements arrêtés ; sur des échantillons de muqueuses issus d’une vingtaine de personnes. À partir de ces échantillons, les chercheurs-euses ont isolé les cellules immunes triées pour leurs marqueurs de surface : CD68 pour les macrophages et CD3 pour les cellules T. Ils ont ainsi pu montrer par PCR (polymerase chain reaction) que l’intégration du génome viral n’était détectable que dans l’ADN des macrophages et pas dans celui des lymphocytes T. De plus, la production de virus infectieux à partir des cellules des tissus n’est réactivée qu’en stimulant spécifiquement les macrophages alors que la stimulation des lymphocytes T reste sans effet. Enfin, les macrophages contenant ces réservoirs infectieux ont été caractérisés : ils forment un nouveau sous-type de macrophages, porteurs marqueurs spécifiques et leur proportion augmente considérablement chez les personnes vivant avec le VIH. Les chercheurs-euses ont pu ainsi montrer « que contrairement au dogme actuel, qui ne voyait de réservoirs de VIH-1 que dans les lymphocytes T, les macrophages contenus dans les muqueuses de l’urètre constituent un réservoir principal du virus ». « Comme les macrophages de l’urètre sont les premières cellules ciblées par le virus lors de relations sexuelles, ces réservoirs viraux dans les macrophages pourraient s’établir très tôt, dès le début de l’infection », estiment les chercheurs-euses.

Cette étude est la première à mettre en évidence l’existence de réservoirs du VH1 qui peuvent être réactivés dans les macrophages tissulaires chez l’homme. « La recherche systématique de la présence de réservoirs dans les macrophages d’autres tissus muqueux ou lymphoïdes apparaît maintenant essentielle pour cibler ce nouveau type de réservoirs cellulaires par des stratégies de type « shock and kill » dans les tentatives d’éradication des virus latents, restées jusqu’à maintenant sans succès.

« HIV-1 reservoirs in urethral macrophages of patients under suppressive antiretroviral therapy » Yonatan Ganor, Fernando Real, Alexis Sennepin, Charles-Antoine Dutertre, Lisa Prevedel, Lin Xu, Daniela Tudor, Bénédicte Charmeteau, Anne Couedel-Courteille, Sabrina Marion, Ali-Redha Zenak, Jean-Pierre Jourdain, Zhicheng Zhou, Alain Schmitt, Claude Capron, Eliseo A Eugenin, Rémi Cheynier, Marc Revol, Sarra Cristofari, Anne Hosmalin, Morgane Bomsel. Nature Microbiology, 2019.