Discriminations : le travail… n’a pas la santé !

Publié par jfl-seronet le 11.12.2012
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Initiativeemploitravail

En octobre dernier, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a lancé un grand travail de réflexion visant à établir un ambitieux "programme d’action gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre". Ce travail s’est déroulé en ateliers : l’un concernait l’emploi. AIDES y a fait une contribution concernant les discriminations au travail liées à l’état de santé. La voici.

"Personne ne niera aujourd'hui l'existence de discriminations au travail notamment autour des LGBT et de leurs représentations environnantes. Ce n’est pas une découverte, mais cela mérite de se pencher sur quelques chiffres étayant purement et simplement le rejet de la différence, et ensuite d’y ajouter une autre dimension discriminatoire encore trop peu prise en compte aujourd’hui, celle concernant les personnes vivant avec le VIH au sein de leur activité professionnelle
 
Quelques chiffres
Quelques chiffres relatifs aux LGBT au travail (enquête "la vie des LGBT au travail, L'Autre Cercle, 2011) : 20 % des LGBT considèrent que le climat dans leur entreprise ou leur organisation leur est hostile (collègue, hiérarchie) ; 67 % des personnes ne souhaitent pas être visibles par crainte des conséquences négatives ; les comportements homophobes (moqueries, rumeurs, jugement de valeur, mise à l'écart, harcèlement, insultés, etc.) persistent avec 26 % des répondants qui en ont été témoins ou victimes, et sans aucune conséquence pour leurs auteurs… Il en ressort aussi que les entreprises s'impliquent peu sur cette problématique.

Globalement, les résultats de cette étude montrent que le chemin reste long pour arriver à faire tomber les préjugés et les tabous dans le monde du travail. Cependant, le climat est meilleur dans les entreprises et organisations ayant un document citant l'orientation sexuelle. Par ailleurs, on sait que les personnes se rendent plus visibles dans les entreprises adoptant de bonnes pratiques, et plus spécifiquement dans le secteur public (sauf au sein du corps enseignant). La visibilité des homosexuels évolue peu par rapport à 2006. Les LGBT sont d'autant moins visibles qu'ils sont diplômés, voire même surdiplômés, ce qui s'explique par un enjeu de carrière important. On retrouve dans ce cadre le phénomène du "plafond de verre".

Personnes séropositives au VIH vis à vis de leur emploi
Du point de vue des personnes séropositives au VIH vis à vis de leur emploi, les contraintes qu’elles peuvent rencontrer au quotidien sont assimilées à la discrimination. Selon une enquête datant de 2010 (AIDES, "VIH, hépatites et vous"), moins de la moitié des personnes séropositives au VIH exercent une activité professionnelle (46 %), sachant que les demandeurs d’emploi effectifs représentent 17,8 % de cet échantillon, soit quasiment deux fois la moyenne nationale.

Par ailleurs, les difficultés à concilier emploi et maladie se traduisent modérément sur les options d’organisation du temps de travail. Les dispositifs d’aide de maintien dans l’emploi ne concernent au final qu’une personne sur sept, tandis qu’une personne sur trois bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

Le Conseil National du Sida démontre par ailleurs, dans une étude datant de 2009, "VIH, emploi et handicap : avis suivi de recommandations sur la prise en compte des personnes vivant avec le VIH dans les politiques du handicap", que vivre et travailler avec le VIH/sida aujourd’hui rappelle les difficultés sociales persistantes en dépit des progrès thérapeutiques. La maladie est stigmatisante puisque l’image sociale très particulière qui affecte l’infection au VIH n’a que trop peu évolué. Elle reste, sur le plan des représentations, une maladie à part, fortement stigmatisante, et par conséquent difficile à vivre socialement, qu’il s’agisse de la révéler ou au contraire de la taire.
 
Stigmatisation + infection
Ce n’est pas seulement dans l’incidence de l’état de santé de la personne sur son activité professionnelle qu’il faut chercher les déterminants de la fragilisation de sa situation professionnelle, mais également dans les conditions dans lesquelles elle peut ou non, dans un environnement social donné, assumer la maladie et ses contraintes. Des études montrent que la stigmatisation associée à l’infection par le VIH/sida est plus importante que pour d’autres pathologies chroniques telles que l’hypertension, le diabète ou la dépression (…) Les données d’une enquête de  2003 indiquent que 6 % des personnes ayant un emploi au moment de l’enquête estimaient avoir été victimes de discriminations en raison de leur séropositivité au VIH au cours de leur vie professionnelle. Ce chiffre peut paraître assez faible, mais doit être rapproché du fait que quelques 70 % de ces personnes en emploi tiennent leur pathologie secrète à l’égard de leur employeur et de leurs collègues de travail. Ce taux très élevé suggère que la plupart des salariés associent la révélation de leur pathologie à un risque de stigmatisation ou de discrimination. A l’inverse, parmi les personnes ayant perdu leur emploi depuis leur diagnostic d’infection par le VIH, le taux de ceux qui estiment avoir subi des discriminations liées à leur statut sérologique est significativement plus élevé, à 13 %, donnant à penser que ce type de discriminations a joué un rôle dans la perte de l’emploi.

Rejet des personnes atteintes par le VIH : des mécanismes différents
La peur de la contamination. Les témoignages faisant état des réactions de rejet au quotidien, fondées sur des peurs irraisonnées face à des risques imaginaires de contamination (ne pas serrer la main, aller aux toilettes à un autre étage, redouter les piqures de moustiques, désinfecter le clavier de l’ordinateur,...), ne datent pas seulement des premières années de l’épidémie. Aujourd’hui encore, de telles réactions sont observables dans les milieux de travail les plus divers – y compris parfois chez certains médecins du travail – et montrent la nécessité de poursuivre et renouveler sans cesse le travail d’information, même le plus basique, sur les modes de transmission de la maladie.
 L’opprobre moral. L’infection par le VIH/sida conserve largement le caractère de maladie honteuse que lui ont conféré, dès l’origine, les principaux modes de contamination en lien avec les groupes de population les plus touchés, et immédiatement perçus comme groupes "à risque". Etre porteur du VIH suscite l’interrogation et la rumeur au sein de l’entourage professionnel. Révéler sa séropositivité en milieu de travail ouvre le champ aux spéculations sur la vie privée et expose la personne, par delà la stigmatisation de sa pathologie proprement dite, à celle de ses mœurs supposés : dire sa pathologie, c’est devoir presque immanquablement affronter une série de préjugés sexistes, homophobes ou contre les toxicomanes. Même en l’absence de réactions hostiles, c’est tout du moins permettre une intrusion dans la sphère intime, dont il est difficile de marquer les limites : parler de VIH, c’est forcément parler de pratiques du corps, et c’est toujours en dire trop et pas assez.
 L’inemployabilité. Même si l’infection au VIH n’est plus synonyme de sida déclaré et mort à plus ou moins brève échéance, l’incertitude inhérente au caractère évolutif de la maladie constitue un obstacle majeur à l’emploi des personnes atteintes. L’enquête "VIH et emploi : le point de vue des entreprises", réalisée sous l’égide de AIDES en 2010 faisait apparaître que 100 % des employeurs interrogés déclaraient ne pas donner suite à un entretien d’embauche durant lequel une personne mentionnait sa séropositivité. Outre le rôle des fausses représentations sur les modes de contamination, qui conduisent de nombreux employeurs à exclure à priori les personnes séropositives de divers métiers (métiers de bouche, contact avec des enfants, etc.), source d’une discrimination tout à fait spécifique au VIH, c’est ici une forme plus générale d’évincement des salariés présentant potentiellement un risque de santé qui est à l’œuvre.

Le secret n’est pas sans risques
Au final, la crainte de la stigmatisation, le risque de s’exposer à différentes formes de discriminations en révélant son statut sérologique conduisent de nombreuses personnes (…) à maintenir le secret. Pour autant, cette stratégie n’est pas exempte de risques. Dans le cadre professionnel, cette dissimulation exige du salarié qu’il gère son temps médical (consultations, examens, soins, etc.) entièrement en dehors de son temps de travail, au détriment de son temps de repos ou de congés, voire au détriment du suivi médical (renoncement à des consultations ou examens). Elle suppose également qu’il renonce par principe à toute possibilité d’aménagement pour des raisons de santé du poste ou du temps de travail, et qu’il s’efforce de limiter au maximum en fréquence et en durée les arrêts de travail. Elle est, en outre, susceptible de compromettre dans certains cas la qualité de l’observance si les contraintes de prise du traitement s’accordent mal avec les horaires de travail ou que les conditions de travail n’offrent pas la discrétion nécessaire. Plus généralement, dissimuler exige de maintenir un niveau de performance au travail inchangé en dépit des effets variables de la pathologie ou des traitements sur les capacités physiques et mentales. Le coût tant physique que physiologique de ces efforts de compensation et de gestion d’une telle dualité au quotidien peut être considérable, et difficilement tenable sur la durée. Il doit bien y avoir un recours, des solutions. Oui, heureusement !

AIDES a fait des propositions pour changer la donne

Lorsqu’une personne, en raison des répercussions de son état de santé sur sa capacité à travailler, doit durablement aménager, réduire son activité professionnelle ou y renoncer, l’accès aux dispositifs sociaux de compensation ou de substitution de la perte d’activité passe par la reconnaissance d’un statut de handicap ou d’invalidité. Ce champ des dispositifs d’aide aux personnes handicapées comprend les revenus de substitution spécifiques tels que les pensions d’invalidité et l’AAH (allocation adulte handicapé), mais également différentes mesures visant à compenser le handicap dans la vie quotidienne (aides humaines, aides à l’aménagement de l’environnement de travail et de vie) et particulièrement dans l’accès à une activité : reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH, pour des aides à la reconversion professionnelle), accès aux dispositifs type Cap Emploi, bénéfice de l’obligation emploi.

Un accès complexe
L’accès à ses différents dispositifs, complexe en général, s’avère souvent délicat dans le cas des personnes vivant avec le VIH, notamment en raison des problèmes qu’elles rencontrent aujourd’hui à être reconnues comme personnes handicapée, ou du moins à voir leur handicap correctement évalué. La reconnaissance du statut de personne handicapée aux personnes atteintes par le VIH demeure complexe dans la pratique d’un système qui, en dépit des innovations récentes apportées par la loi sur le handicap du 11 février 2005, continue largement de fonctionner sur des représentations historiquement construites autour d’une conception traditionnelle du handicap. Il en résulte une double difficulté : celle du système à appréhender les manifestations invalidantes souvent discrètes et évolutives de l’infection à VIH et plus généralement d’autres pathologies chroniques, celle ensuite des personnes atteintes de telles pathologies chroniques à penser leurs difficultés en termes de handicap. S’il ne s’agit évidemment pas d’imposer à toute personne vivant avec le VIH un statut de personne handicapée, l’écueil des représentations peut néanmoins constituer un frein à l’accès à des dispositifs utiles.
 
Handicap de fait, un handicap dénié
L’infection par le VIH/sida est spontanément perçue, tant par les personnes atteintes elles-mêmes que par la société en général, sous la catégorie de la maladie – "le sida" - et non sous celle du handicap, dont les représentations convoquent des images associées au handicap physique ou psychomoteur. Dans l’infection par le VIH/sida, il existe des situations de handicap lourd et de dépendance à un stade avancé de la maladie ou en raison de pathologies connexes. Avec les progrès des traitements, ces situations sont toutefois devenues plus rares. La majorité des personnes infectées n’est aujourd’hui affectée, sur le long terme, que par des troubles modérément invalidants et qui n’engagent pas de perte d’autonomie. Ce sont des "handicaps discrets" et leurs conséquences sont souvent insuffisamment perçues et prises en compte par les différents intervenants. Cela reste vrai pour d’autres pathologies chroniques évolutives dont les effets sont également peu ou pas visibles. Le handicap que constitue l’infection par le VIH/sida, au sens large des répercussions sur la vie sociale que peuvent avoir l’ensemble des troubles induits, demeure largement méconnu, sous-estimé ou incomplètement évalué par les différents acteurs impliqués dans sa prise en charge. Au niveau des acteurs institutionnels spécialisés du handicap (MDPH, assurance maladie, Agefiph, Fiphfp, structures du type Sameth, Cap Emploi), au niveau des acteurs de santé impliqués dans le suivi des personnes (médecin traitant, médecin du travail), au niveau, enfin, des acteurs du monde de l’entreprise, se posent des problèmes de sensibilisation et le cas échéant d’outils d’évaluation.
 
Le regard doit changer
Si la loi offre le cadre conceptuel qui permet de changer le regard sur le handicap notamment en intégrant dans son champ les problématiques des pathologies chroniques évolutives, la loi ne peut à elle-seule être le moteur d’une telle évolution. Il revient aux acteurs d’élargir leur propre regard sur le handicap pour développer le potentiel de la loi. Cela suppose un travail sur les représentations tant au sein du monde du VIH, qui, ainsi que d’autres communautés organisées autour d’autres pathologies invalidantes, doit investir positivement la question du handicap, qu’au sein du monde du handicap, qui doit s’ouvrir à de nouvelles formes de handicap non pensées comme telles jusqu’alors.
 
Sensibiliser les acteurs institutionnels
Les acteurs institutionnels impliqués dans la prise en charge du handicap sont nombreux, et la question de l’activité des personnes handicapées concerne, au-delà de ces acteurs spécifiques, l’ensemble des employeurs privés et publics et des partenaires sociaux. Améliorer la réponse aux enjeux posés à travers le VIH passe par une sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes qui devrait bénéficier non seulement aux personnes atteintes par le VIH, mais de façon plus générale, contribuer à une meilleure prise en compte des pathologies chroniques évolutives tant dans le monde du travail qu’au niveau des dispositifs de prise en charge. Un certain nombre de préconisations concrètes peuvent être formulées à l’adresse des différents acteurs pour favoriser une meilleure appréhension de ces problématiques, l’élaboration d’outils plus pertinents et la diffusion de bonnes pratiques.
 
Des préconisations concrètes
1 : Mises à part les MDPH (avec ses équipes pluridisciplinaires) mais également l’Assurance Maladie (médecin-conseil), les organismes tels que l’Agefiph et le Fiphfp ainsi que les locaux Cap Emploi et Sameth, en charge de favoriser l’emploi et l’insertion professionnelle des personnes handicapées, doivent développer davantage de réflexion sur les spécificités des pathologies évolutives, en particulier sur la variabilité du handicap qui en résulte et qui constitue un défi majeur pour le maintien de l’emploi.
 
2 : Il s’agit de repenser également globalement la santé au travail. Le rôle de la médecine du travail est évidemment, par définition, crucial. La médecine du travail est notoirement en crise et le rôle a priori essentiel qu’elle devrait jouer est loin d’être toujours correctement assuré. L’image de la médecine du travail auprès des salariés souffre tout d’abord de l’ambigüité de ses liens avec les employeurs, entretenant auprès des salariés des doutes sur le respect du secret médical. Cette crise de confiance conduit de nombreux salariés, et tout particulièrement dans le cas du VIH, à s’abstenir d’informer le médecin du travail de leur pathologie.
 
3 : Outre le secteur de la médecine du travail, c’est bien évidemment l’ensemble du monde de l’entreprise qui est appelé, dans l’esprit de la loi du 11 février 2005, à s’adapter pour permettre le plein accès et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Des outils doivent être promus pour sécuriser els parcours professionnels. Des solutions innovantes peuvent être trouvées par exemple dans la participation à des groupements d’employeurs, organisés à l’échelle d’un bassin d’emplois, mieux à même de gérer les absences et les remplacements de salariés affectés d’une incertitude de santé. Il revient notamment aux organisations patronales de sensibiliser leurs adhérents et de favoriser l’émergence de tels dispositifs.

Commentaires

Portrait de quentin

 

Ecoutez ce que dit Sophie de Menton d'un syndicat patronal qui s'appelle ETHIQ

http://www.youtube.com/watch?v=suCbsuIocWk

Et pourtant elle est surtout les plateaux télés cette s....

 

Un conseil que je vous donne quand vous avez la RQTH a cause du VIH

 

1/ Ne dite jamais que vous avez le VIH dite que vous avez eu une greffe d'organe

 

2/ Dite que vous avez eu une greffe d'organe meme si ils vous posent pas la question pendant l'entretient car quand vous avez pas un handicap visible ils ont peur que c'est psychiartrique et cela les employeurs n'en veulent pas.

 

3/ autre chose si vous voulez pas dire que vous etes RQTH

Quand votre employeur vous demande un certificat d'immatriculation a la sécu de demande a en faire éditer un qui ne mentionne pas le 100 %. Car une attestation d'immatriculation avec un 100 % secu = pathologie lourde = absenteisme. Et il vous validera pas votre période d'essai car il aura des doutes.

 

Plein de petit truc a savoir car on est pas dans le monde des bisounours.

Toute façon les entreprises quand elles attendent un handicapé idéal c'est un mec en fauteuil roulant... pathologie stable non évolutive, visible (c'est bon pour l'image de l'entreprise),  les bureaux moderne sont accessible en fauteuil et des etudes montre que ils ont un absenteisme plus faible que les travailleurs "normaux".