Drogues : le déni stupéfiant de l’Onu

Publié par Mathieu Brancourt le 19.03.2019
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À l’ouverture de la 62e commission des stupéfiants (CND), le 14 mars dernier à Vienne (Autriche), les activistes mondiaux ont dénoncé l’obstination coupable des politiques de guerre contre la drogue, dont les conséquences sont désastreuses et l’inefficacité prouvée.

Bis (bis) repetita. La ville de Vienne accueille depuis le 14 mars, et pour une semaine, la nouvelle session de la Commission des stupéfiants des Nations unies. À cette occasion, les représentants-es doivent débattre des stratégies internationales à mettre en place sur ce vaste enjeu de santé publique. Malheureusement, le prisme pris par les Nations unies pour répondre à ce défi désespère franchement les activistes, qui ne cessent d’expliquer, depuis des années maintenant, que les politiques actuelles, fondées sur la répression de l’usage et de la vente, ne fonctionnent pas.

Vouée à l’échec

C’est en ces termes que plusieurs organisations françaises (onze réunies en une plateforme) qualifient la posture actuelle des États quant à la question des stupéfiants, actée dans la déclaration publiée aujourd’hui par l’Onu, en réitérant les mêmes mesures et objectifs fixés. « Il y a dix ans, l'ancien directeur exécutif de l'Onudc (1) dénonçait déjà les impacts négatifs de la politique antidrogue menée à l’échelle mondiale. La Déclaration adoptée aujourd’hui perpétue la politique qu’il critiquait alors, avec justesse. Décennie après décennie, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est évident que cette stratégie ne fait qu’aggraver les effets délétères », rappellent les activistes. Ces derniers sont présents à Vienne et assistent aux discussions officielles, en tentant de faire peser la voie des faits. Lors de la dernière décennie écoulée, les constats sont désastreux : « Un demi-million de morts par an d’overdoses et de maladies évitables (VIH, hépatite C, tuberculose), des violations systématiques des droits humains : emprisonnement massif, 4 000 peines de mort, des dizaines de milliers d’exécutions extrajudiciaires et d’assassinats », listent-ils. Et cela sans obtenir les impacts promis par cette guerre morale contre les drogues. La demande demeure en hausse continue (+17 % pour le cannabis, + 3 % pour l’ecstasy, +16 % pour les opioïdes) et la production en pleine croissance (+125 % pour l’opium, +30 % pour la coca). Et surtout les réseaux de crimes organisés restent florissant et lucratifs : autour de 500 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, dont seulement 1 % de fonds saisis, alors que plus de 100 milliards de dollars sont dépensés pour combattre le marché illégal. Dès lors, le jeu n’en vaut (toujours pas la chandelle).

Une autre voie

C’est l’autre message des activistes, qui énumèrent donc les problèmes et surtout avertissent de l’urgence d’un « changement de cap », sans attendre dix ans et une nouvelle commission. Concomitamment aux débats, les activistes de la Plateforme française (2) pour les politiques des drogues, ont organisé une réunion supervisée par Camille Spire, administratrice à AIDES, afin de discuter des contours d’une nouvelle politique, alternative à celles menées par les Nations unies. Tout en saluant les quelques avancées (amélioration de la disponibilité des médicaments sous contrôle, alternatives à l’emprisonnement pour usage, et l'amélioration de l'accès aux services de réduction des risques, entre autres), la plateforme regrette « que la Déclaration n'inclue pas explicitement un objectif visant à réduire les violations des droits humains commises au nom du contrôle des drogues ». Et pour cette dernière, le monde ne peut plus « se permettre une nouvelle décennie de répression et donc d’échecs - prévisibles - et de conséquences délétères sur les personnes et communautés concernées. »

(1) : Office des Nations unies contre la drogue et le crime
(2) : Onze associations engagées dans le domaine des politiques des drogues et de la réduction des dommages et des risques liés aux usages de drogues. Il s’agit de : AIDES, Asud, Faaat think & do tank, la Fédération Addiction, Médecins du Monde, Norml France, PsychoActif, Safe, SOS Hépatites et IDPC.