Drogues : l’évidence scientifique revient en grâce !

Publié par jfl-seronet le 27.11.2012
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produits psycho-actifsréduction des risques
Il y a eu du changement à la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie)… avec la nomination d’une nouvelle présidente, Danièle Jourdain Menninger, en remplacement du magistrat Etienne Apaire obsessionnellement focalisé sur le répressif en matière de politique des drogues. Du changement d’état d’esprit aussi si on en juge par l’édito publié par l’institution dans sa dernière newsletter.
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Que dit le texte de cet édito ? Il défend surtout un principe : les politiques de lutte contre les addictions seront d’autant plus efficaces qu’elles seront fondées sur l’évidence… autrement dit la preuve scientifique. "La recherche en santé publique mobilise des disciplines diverses (de l'épidémiologie aux sciences sociales) et vise à mieux connaître l’état de santé de la population, et à identifier les facteurs de risque qui accroissent la vulnérabilité de groupes de populations à différentes maladies afin de les prévenir. Dans tous les cas, le but est d’obtenir des connaissances scientifiques généralisables mais une particularité de la recherche en santé publique est d’inclure directement ou indirectement une perspective d’action et d’aide à la décision", explique le professeur Jean-Paul Moatti, directeur de l'Institut de Santé Publique (Alliance des Sciences de la Vie et de la Santé), auteur du texte.


Pour lui, il y a un grand paradoxe alors que la "recherche en santé publique française est compétitive" et reconnue à l’extérieur, "sa capacité d’influencer les politiques publiques paraît plus limitée que dans de nombreux pays comparables, en particulier anglo-saxons et scandinaves". Concrètement, "il est établi que moins d'un quart de la pratique médicale courante est véritablement "fondée sur l'évidence scientifique", au sens de reposant sur des essais cliniques contrôlés ou/et sur une compréhension des mécanismes physiopathologiques impliqués. Et, il est évident que cette proportion est encore moindre pour ce qui est des politiques publiques de santé et de prévention dans notre pays".


Jean-Paul Moatti note que le "domaine des addictions est une exception à cette situation puisque nombre des évolutions récentes en matière d'interventions publiques se sont directement appuyées sur les résultats de la recherche en matière de réduction des risques infectieux et des traitements de substitution pour les toxicomanes ou de lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme". Le chercheur explique aussi que "Fonder des politiques sur l'évidence implique de protéger jalousement l'indépendance de la recherche et d'accepter que les avancées scientifiques puissent contredire les a priori idéologiques (de quelque bord qu'ils soient) et les intérêts dominants". Cette affirmation dans une lettre d’info de la MILDT est un vrai tournant idéologique. Ce texte n’aurait jamais pu passer sous l’ère Apaire… pour la simple et bonne raison qu’il dénonce exactement la politique conduite précédemment. On peut prendre l’exemple de l’expertise de l’INSERM en 2010 relative aux salles d'injection médicalement supervisées que la MILDT d’alors et le Premier ministre François Fillon avaient, par par idéologie, écarté d’un revers de mains. A cette époque, la politique sur les drogues n’entendait pas se fonder sur l’évidence scientifique, mais l’assurance idéologique. Les nouvelles orientations de la ministre de la santé visant à relancer l'expérimentation aux fins d'évaluation des salles d'injection médicalement supervisées conformément aux recommandations issues de cette expertise collective de l’INSERM sont "un signal dont on ne peut que se féliciter".