Drogues : A Paris, l'UMP est accro au mensonge
Pas précisément mobilisés sur les questions de prévention pour les personnes consommatrices de drogues, les élus socialistes parisiens ont voulu, ces derniers temps, mettre les bouchées doubles. Sans doute histoire de rattraper ce que les socialistes (ceux qui ont été ministres ou députés) n'ont jamais voulu (ou pu ?) faire lorsqu'ils étaient en situation comme on dit. Ces tentatives rapprochées ont connu des bonheurs divers.
Pas terrible dans la forme comme dans l'impact, la sortie de Daniel Vaillant, député PS de Paris, prônant la dépénalisation du cannabis. Et pas très crédible lorsqu'on a, soi-même, été ministre de l'Intérieur (2000-2002) et pas fait avancer d'un seul poil le débat. Mal préparée, mal pensée, la sortie de l'ex ministre est, par ailleurs, tombée au moment où l'Etat lançait une campagne contre les drogues. Du coup, elle était inaudible et, plus grave, elle est passée pour une provocation au lieu d'une invitation à débattre.
Plus courageuse (l'enjeu est bien plus important) et plus intelligente est la proposition de Jean-Marie Le Guen, lui aussi député PS de Paris et adjoint chargé de la Santé à la mairie de Paris, d'ouvrir des salles de consommation supervisée. D'abord parce qu'elle avance des arguments de santé publique (largement vérifiés dans les expériences étrangères) et parce qu'elle prolonge sur le terrain politique des revendications portées depuis fort longtemps par des associations (Asud, notamment). "Dans ces salles, on peut mettre [les personnes usagères de drogues] dans un environnement sécurisé, établir un premier contact et essayer de les faire rentrer dans les circuits de soin et de prévention qui existent", expliquait le député de Paris en décembre dernier sur Europe 1. "L'idée, c'est de leur fournir un certain nombre d'informations, par exemple les protocoles pour faire des échanges de seringue", expliquait-il. L'objectif étant d'une part "d'éviter des attitudes qui viennent aggraver des situations déjà très graves". Et d'autre part, de limiter au maximum les risques d'exposition au VIH et à l'hépatite C. Bref, une argumentation solide et classique qui emprunte largement à ce que disent les associations depuis des années et qui entérine ce que l'on sait des expériences étrangères (il y a près de 80 salles d'injection supervisée dans vingt-cinq grandes villes européennes). A savoir que ce dispositif marche, qu'il réduit les risques de transmission du VIH et du VHC et d'overdoses, qu'il a même un impact en matière de délinquance.
Manifestement, ces arguments n'ont pas convaincu les pouvoirs publics et la droite parisienne. La première salve a été tirée par la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie), mi décembre. Son président, Etienne Appaire, s'est prononcé contre l'ouverture en France de salles de consommation supervisée. Selon lui, cela reviendrait "à baisser les bras" face à la drogue et surtout cela "consisterait à faire une croix sur le destin des gens". Ce qui lui pose problème, c'est qu'un tel dispositif instaure "une situation où l'on accepterait la dépendance au lieu de lutter contre". Il craint même une démobilisation des troupes. "Plus personne n'aura d'ambition pour sortir [les personnes consommatrices] de leurs difficultés" assène t-il. En fait, la philosophie des salles d'injection, c'est plutôt de proposer un cadre sanitaire et sécurisé d'injections à des personnes qui sont dans l'impossibilité (qu'elle soit temporaire ou constante) de stopper leur consommation. C'est le courage de reconnaître qu'on ne peut pas faire changer les gens si ils n'en ont pas envie ou ne le peuvent pas tout en assurant des risques moindres dans le cadre de leur consommation.
Cette ligne n'est assurément pas celle de la droite parisienne. En témoigne la tribune publiée le 21 décembre dernier dans Le Monde par Jean-François Lamour et Philippe Goujon (députés UMP de Paris et conseillers de Paris) et Anne-Constance Onghena (conseillère de Paris). D'emblée, les signataires se demandent pourquoi de telles salles d'injection existent. Cela donne : "De quoi s'agit-il en réalité ? De cacher les toxicomanes dans des centres, sous couvert de prise en charge médicale ? D'imposer, au nom d'une soi-disant réduction des risques, l'implantation de lieux permettant aux "accros" de venir se piquer dans un espace réservé, financé par la collectivité et géré par des travailleurs sociaux ? C'est cela, la grande idée de M. Le Guen, médecin, parlementaire (…) pour améliorer la santé de nos concitoyens : leur proposer des lieux afin que les drogués puissent continuer à se détruire, dans la discrétion et rester entre eux, dans un espace qui leur serait dédié."
Puis les trois élus parisiens sortent l'artillerie lourde : "Sous prétexte de lutter contre les overdoses, le sida, l'hépatite C, les partisans de ces salles en appellent clairement à la reconnaissance du statut "d'usager de drogues" plutôt qu'à un objectif de sevrage qui seul devrait être poursuivi". Ils vont même jusqu'à qualifier les salles d'injection d'"anti-chambres de la mort". Les arguments, outranciers, ne sont pas nouveaux. C'est même un grand classique des positions conservatrices. C'est gênant (lorsqu'on ne partage pas cet avis), mais cela devient très problématique lorsque les trois signataires, non contents de faire la morale dans leur tribune, mentent. Cela donne : "Toutes les expériences menées à travers le monde, notamment en Suisse et en Allemagne, démontrent que l'ouverture de ces salles de consommation, bien loin d'aider les toxicomanes, aggrave le problème à plusieurs titres. Elles encouragent l'augmentation de la consommation voire même l'initiation de nouveaux usagers qui, rassurés par la présence de personnel médical, vont oser prendre plus de risques avec des doses plus fortes. Elles contribuent au maintien d'une habitude, au lieu d'inciter l'utilisateur à arrêter (…) Enfin, les risques de troubles à l'ordre public, à proximité de ces salles, qui attirent dealers et usagers, sont évidents." Bref, l'exact contraire de ce qui se passe. A ce niveau de sottise, ce n'est plus de la mauvaise foi, mais de la grosse manip'.
De son côté, le Conseil de Paris a voté une subvention de 26 000 euros à une association qui sera chargée de réaliser une expertise sur les salles de consommation de drogues supervisée. Une chose est sûre avec une UMP parisienne qui est plus raide et plus dogmatique encore que la Mildt sur ce sujet, la RDR ne passera pas par elle !
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Commentaires
rhaaaaaaaa là là!
LES POLITIQUES et la came
pas seulement une question de droite