E sida Espana !

Publié par jfl-seronet le 12.09.2012
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prévention
La nouvelle aura mis du temps à parvenir en France, mais le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy est en train de sacrifier le plan national de lutte contre le sida… pour des raisons financières. En avril dernier, des centaines d’associations et d’organisations nationales ou régionales de lutte contre le sida ont manifesté devant le ministère de la Santé pour dénoncer ce que nombre d’entre elles appellent un "assassinat".
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Ana Mato n’est pas connue en France. Logique, elle est ministre de la Santé en Espagne. Et pourtant, il y a fort à parier qu’elle pourrait, un jour, gagner en notoriété. Et pas pour le meilleur… tout simplement parce qu’elle serait le fossoyeur de la lutte contre le VIH/sida en Espagne. A l’instar des autres membres du gouvernement espagnol, Ana Mato semble avoir pour mission principale de faire des économies… Economies qui concernent donc aussi la santé. Ces derniers temps, ce sont les personnes étrangères irrégulières qui en sont les victimes. Une nouvelle réforme de la santé est ainsi entrée en vigueur : elle supprime l'accès gratuit aux soins pour les immigrés en situation irrégulière. Elle le maintient uniquement pour les enfants, les femmes enceintes et dans les cas d’urgence. Cette décision a été vivement contestée par plusieurs centaines de médecins qui ont expliqué leur opposition à cette mesure et ont annoncé qu'ils continueront à soigner les personnes sans-papiers. Sept des dix-sept gouvernements de régions autonomes, compétents en matière de santé, ont annoncé qu'ils refuseront d'appliquer cette loi et maintiendront l'accès aux soins pour les immigrés en situation irrégulière.
 
Il faut dire que selon le ministère de la Santé lui-même, 31,7 des nouveaux diagnostics du VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont des immigrants, souligne un groupe LGBT. Les activistes craignent que cette décision crée une situation hors de contrôle en matière de VIH/sida. Mais le gouvernement est resté inflexible. Désormais, la logique du gouvernement conservateur est de faire payer : les sans-papiers pourraient continuer à être soignés, mais devraient payer leurs soins. Ces derniers pourraient d’ailleurs être remboursés par leurs pays d’origine, à condition qu'un accord bilatéral (Espagne/pays d’origine) le permette. On arriverait donc à une situation où des gens qui n’ont pas le droit de travailler, puisqu’ils sont en situation irrégulière, devraient payer pour être soignés et pourraient, par la suite, être remboursés par les systèmes sociaux (quand ils existent !) de leur pays d’origine… Pas étonnant que l’initiative ait fait descendre dans la rue. Inquiétant, en revanche, que Jean-François Copé cite ce modèle espagnol comme exemple à suivre pour "réformer" l’Aide médicale d’Etat française.
 
Mais ce n’est pas avec ce seul exemple qu’Ana Mato illustre une politique de la santé à la dérive. Le 27 avril dernier, plusieurs centaines d’associations de lutte contre le sida et d’organisations nationales ou régionales de lutte contre le sida ont protesté devant les portes du ministère de la santé à Madrid contre des décisions budgétaires qui "décapitent" le Plan national de lutte contre le VIH/sida. Pour l’occasion, les manifestants s’étaient habillés de noir et portaient une couronne mortuaire. Quelque 300 organisations nationales ou régionales entendaient dénoncer "l’irresponsabilité" du ministère de la Santé qui supprime une partie du financement du Plan national de lutte contre le sida. Les organisations exigeaient que les efforts financiers soient maintenus. Or la décision a été prise de diviser par deux les financements. Ils s’élevaient, en 2011, à six millions d’euros (ce qui est déjà peu). Trois millions étaient affectés aux organisations non gouvernementales, trois autres aux organismes dépendant des communautés locales ou régionales. C’est ce second volet qui serait supprimé.
 
Du côté des associations, on estime que les coupures sont plus radicales encore. En fait, il semble que seuls deux fonctionnaires soient désormais affectés au Plan national de lutte contre le sida et que ce dernier ne finance quasiment plus rien… En Espagne, la santé comme l’éducation ne sont pas du ressort direct de l’Etat, mais des communautés autonomes (l’équivalent de nos régions). Ce sont donc ces communautés qui financent les associations de lutte contre le sida (souvent nombreuses et petites) et tout spécifiquement celles qui ont une action uniquement régionale. Dès qu’une association intervient dans plusieurs villes dans différentes régions, elle peut être financée sur le plan national, mais les exemples sont rares. En fait, les associations sont prises entre deux feux. D’un côté, une baisse des investissements des communautés autonomes (certaines sont en quasi faillites) ; de l’autre, un tarissement du financement national. En ce moment, chaque semaine, une association de lutte contre le sida ferme ses portes en Espagne, explique un activiste espagnol. Le plan national tourne à vide et les pouvoirs publics jouent l’omerta puisque le ministère de la Santé ne donne aucune information détaillée sur d’éventuels financements ou sur la nomination du nouveau titulaire à la direction du Plan national (le précédent a été viré par la ministre de la Santé). Pour les associations, le Plan est désormais une coquille vide que l’Etat fait semblant de maintenir à flot.
 
Président de REDVIH (Red comunitaria sobre el VIH/sida del Estado espanol), Julio Gomez a dénoncé lors de la manifestation madrilène "l’incertitude" dans laquelle se trouvent désormais les associations non gouvernementales. Il a assuré ne pas avoir obtenu de réponse à ses demandes de rendez-vous avec le ministère de la santé ou le Parti populaire (actuellement au pouvoir). Son diagnostic est simple : les choix budgétaires du gouvernement Rajoy peuvent avoir pour conséquence d’arrêter pratiquement toutes les activités et tous les programmes de lutte contre le sida. De leur côté, les membres de Coordination de lutte contre le VIH/sida de la Communauté de Valence ont dénoncé les initiatives qui peuvent "condamner à mort" et stopper "la prévention d’une maladie qui croît de façon alarmante chez les jeunes de 14 à 21 ans." La décision du gouvernement espagnol est d’autant mal vécue qu’elle est unilatérale, brutale et qu’elle contrevient, comme le souligne REDVIH, aux engagements pris par l’Espagne en matière de lutte contre le sida vis-à-vis d’institutions comme l’ONUSIDA, l’Office international du travail et même le Parlement européen. Et puis, en Espagne comme ailleurs, on n’oublie pas quelles sont les conséquences des coupes drastiques dans la santé, les actions de prévention… Personne n’oublie ce qui arrive aujourd’hui en Grèce… à part le gouvernement espagnol.