Ecole du Cirque et VIH : le numéro se termine bien

Publié par Mathieu Brancourt le 19.09.2014
7 707 lectures
Notez l'article : 
5
 
0
Mode de viecirquesérophobie

Par hasard, une infirmière scolaire découvre, en mai dernier, que l’Ecole nationale des arts du cirque (ENACR) exige un test du VIH pour candidater. Intriguée, elle contacte AIDES. Une mobilisation et quelques courriers de l’association plus tard, l’Ecole nationale des arts du cirque est revenue sur cette disposition, illégale. Retour sur une victoire pour rayer des tablettes les reliquats de règlements discriminatoires envers les personnes séropositives… et faussement protecteurs.

C’est l’histoire d’une femme pugnace qui a fait plier une institution officielle. Début mai 2014, cette infirmière scolaire d’un lycée de la Vienne reçoit en visite un de ses élèves, qui lui présente son dossier de candidature pour l’Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois (ENACR), en Seine Saint-Denis (93). Son établissement prépare, en effet, les candidats désireux de faire carrière dans le monde circassien. En fin de formulaire, elle tique sur un des documents obligatoires à renvoyer. Sous la mention d’un certificat médical, l’Ecole nationale du cirque exige une "sérologie VIH". Elle s’interroge sur la conformité de cette condition d’accès. Dans le doute, elle se rend, document en mains, à une permanence de l’association AIDES à Châtellerault. Sur place, elle demande l’intervention de l’association. "Le militant présent, Sébastien Coulmain, s’est saisi de l’affaire, puis m’a demandé de la suivre, en tant qu’élu local de l’organisation", explique Michel Bouscary, président de AIDES pour la région Poitou-Charentes.

Le militant, prudent, préfère demander à rencontrer la juriste de l’organisation afin de connaître le droit en vigueur afin d’établir une stratégie, ce qui est fait le 23 mai. Selon la législation, aucun établissement ne peut demander à un postulant son statut sérologique. Aucun métier n’étant interdit aux personnes vivant avec le VIH, aucune formation à ces derniers ne peut l’être. "AIDES souhaitait que la réponse à cette affaire ne soit pas strictement associative, mais implique également la direction du lycée viennois", raconte Michel Bouscary. Sollicités, le médecin scolaire et le directeur d’établissement refuseront de s’impliquer sur ce dossier, sans avancer de raisons particulières. De son côté, l’infirmière prend le temps de contacter le magazine Causette, qui rend compte de l’affaire. Dans son article du 28 mai, le magazine féministe rapporte ses échanges avec l’ENACR et relève l’ambiguïté de la posture de la direction de l’Ecole nationale du cirque, qui "n’a aucun problème avec ça", tout en avançant la crainte de contaminations lors des exercices ou de chutes… Le médecin référent de l’ENACR, le docteur Rivières, n’est, pour sa part, pas très enclin à reconnaître le caractère discriminatoire de l’obligation du test VIH pour les nouveaux élèves. Ce dernier promet à la journaliste de Causette que ce test ne sera plus imposé, mais seulement "fortement conseillé".

De son côté, AIDES interpelle différents interlocuteurs intéressés au dossier, tout en signalant le cas au ministère de la Jeunesse et des sports puisque l’Ecole du cirque est sous sa tutelle. Michel Bouscary signe au nom de l’association plusieurs lettres, envoyées mi-juin, à l’Ordre des médecins, l’inspection académique de Seine-Saint-Denis, le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de la Jeunesse et des Sports et bien sûr l’ENACR et son médecin référent. Les courriers dénoncent "la suspicion induite à l’égard des candidats séropositifs" qui "sous entend qu’il y aurait des risques réels de contamination dans les activités circassiennes, ce qui constitue une discrimination avérée en raison de l’état de santé". Les courriers invitent aussi à une rencontre pour faire évoluer les règles d’entrée de ladite école.

Elle n’aura jamais lieu. Le 26 juin, l’Ecole nationale des arts du cirque indique à Sébastien Coulmain, le militant à qui l’infirmière avait confié ses doutes, qu’elle retire "dès à présent cet élément de la liste des examens à fournir pour la candidature", tout en affirmant regretter" ne pas avoir pu s’expliquer de vive voix" sur cette pratique.

Michel Bouscary évoque, lui, la concomitance avec une réaction du ministère. "Le matin-même de la réception du courriel de l’Ecole nationale du cirque, le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem nous a contactés pour prendre des informations complémentaires". Dans ce délai, il y a fort à parier qu’il y ait eu une intervention ministérielle envers cet établissement, mais l’ENACR a tenu ses engagements. Vérification faite début septembre, la demande d’une sérologie VIH n’apparaît plus dans le dossier d’inscription.

"Ce genre de situations où l’association doit mener un important plaidoyer pour faire évoluer positivement une situation arrive régulièrement, mais on ne peut que se satisfaire de cette victoire", souligne Michel Bouscary. Une victoire contre une mesure inadéquate, faussement protectrice et qui s’apparente à une forme de sérophobie. Et la fin d’une discrimination qui permet de donner les mêmes chances à tous, une des valeurs cardinales de l’Ecole publique.