Egalité LGBT 2012 : un meeting historique

Publié par Mathieu Brancourt le 02.04.2012
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santé en campagne 2012LGBT
Il y a eu du retard à l'allumage, mais les Folies Bergère ont bien fini par vrombir samedi soir, 31 mars. Le meeting LGBT pour l'Egalité en 2012 a, de prises de paroles de candidats ou de leurs représentants, aux interpellations d'acteurs associatifs et d'artistes, tourné à plein régime pendant plus de quatre heures. Seronet était aux premières loges de ce moment politique et militant haut en couleurs. Extraits.
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C'était le grand raout de la revendication LGBT dans la campagne présidentielle. Le meeting pour l'Egalité 2012 du 31 mars a été le moment phare dans l'interpellation des candidats sur les questions portant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Avec la présence de deux candidats (Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche et Eva Joly pour Europe Ecologie Les Verts), la porte-parole de François Hollande (Najat Vallaud-Belkacem) et un membre du "shadow cabinet" de François Bayrou (Fadila Méhal), il y a du beau monde. Seul l'UMP joue "petit bras" en dépêchant un secrétaire national et conseiller régional d'Ile-de-France, Geoffroy Didier, un proche de Brice Hortefeux. Tous autant qu'ils sont, ils devront défendre leurs propositions pour les LGBT à la tribune, devant plus d'un millier de personnes, militants pour certains, surchauffés par l'enjeu et la brûlante meneuse de revue, Charlène Duval.

Installé dans un des box réservés à la presse, il faut attendre que le rideau se lève et que le chaud show commence. La soirée prend du retard et le public s'impatiente. Ça cavale dans les coulisses et ça bavarde dans les coursives. La lumière s'éteint enfin et l'audience s'en réjouit bruyamment. Les trois fédérations organisatrices, l’Inter-LGBT, la Fédération LGBT et la Coordination InterPride France, saluent le plus grand rassemblement unitaire jamais organisé, grâce notamment aux régions qui se sont déplacées en masse. Nicolas Gougain, porte-parole de l'Inter-LGBT, revient également sur la non-invitation du Front National. Au son du nom de la candidate, les huées ne se font pas attendre. Elle n'est pas, selon lui, un interlocuteur crédible, mais elle sera à combattre avec véhémence "sur le terrain". Mais quel que soit le candidat élu, la fédération LGBT promet d'aller "jusqu'au bout" pour l'obtention de l'Egalité des droits.

Arielle Dombasle, terrestre extra-longiligne, arrive sur scène pour apporter son soutien au mariage pour tous. On vient d’ailleurs de voir le clip tourné pour Act Up-Paris sur le mariage homo dont elle est la vedette. Pour un véritable symbole de l'Amour, quelle que soit sa forme, et pas simplement un "PaCS pour les impôts". La vestale s'assoit alors aux côtés de Marie Labory (seule journaliste du PAF ouvertement lesbienne) et de Nicolas Gougain, les deux animateurs qui vont conduire les interventions des personnalités politiques. La parole est donnée aux Sœurs de la Perpétuelle Indulgence venues bénir ce "no parano show", en hommage avec leur dernier passage aux Folies Bergère à l’invitation de la chanteuse Juliette qui y donnait un concert. Dans toute la splendeur de leurs cornettes, elles rappellent l'engagement pour les candidats à respecter notre devise : "Liberté, Egalité, Fraternité". Avant le Saint sacrement de la cérémonie, les Sœurs appellent à notre mémoire, pendant une belle et silencieuse minute, pour "tous ceux qui sont partis", après avoir lutté pour leurs droits, mais aussi contre le VIH. Ce sera l'un des rares moments, avec la prise de parole de Bambi (figure mythique des soirées parisiennes), où la salle restera unie dans l'écoute et l'émotion. Désormais consacrée, la soirée politique peut commencer.

Le MODEM entre deux rives


C'est Fadila Méhal qui s'élance la première sur scène pour décliner les propositions de son champion : François Bayrou. Elle tient à rendre hommage au monde associatif auquel elle appartient, mais aussi aux "milliers  (Il y a 30 millions de séropositifs dans le monde, ndlr) de malades du sida", dans toute sa "compassion". Dans un (trop) long discours d'introduction, elle évoque le long cheminement de François Bayrou, un "homme croyant", sur ces questions. Mais louvoyant entre réponses imprécises et propositions (ministère de l'Egalité et statut de beaux-parents et changement facilité de l'Etat-civil) timides comparées aux revendications, la messagère du "candidat de la vérité" perd ses mots et la salle. "J'ai été trop longue ?" : oui franc et massif de la salle. Déstabilisée, elle confesse : "C'est pas facile d'introduire". Insertion drolatique pour une salle qui acquiesce et rit (jaune).

PS : une porte-parole bien préparée


Fraîche, souriante et visiblement à l'aise sur scène, Najat Vallaud-Belkacem (PS), porte-parole de François Hollande, réalise une prestation fort appréciée, tant sur le fond que sur la forme. "Vous auriez préféré François Hollande, je sais". La réfutation bruyante de la salle la fait sourire. Elle revient, point par point, sur les mesures de son candidat, qui n'a "jamais dévié là-dessus quand il était Premier secrétaire [du PS, ndlr]". Soutien aux associations, lutte contre les discriminations, mariage pour tous, autorisation de l'adoption sous toutes ses formes, don du sang autorisé pour les gays, gestation pour autrui et PMA légalisées pour tous les couples, tout y est et annonce d’un projet de loi "package" sur le mariage des couples de même sexe et l’homoparentalité, d'ici le printemps 2013. "Ce n'est pas un effet de mode, c'est reconnaître des couples et des familles qui existent déjà", argue-t-elle, la main levée. La salle exulte : opération séduction réussie pour le Parti Socialiste.

UMP : envers et contre toute avancée


A l'opposé, la mission est impossible pour le représentant UMP. Il ne faut pas plus d'une minute pour que la poudrière explose : "Pour Nicolas Sarkozy, vous êtes des citoyens comme les autres". Sous une bronca assourdissante, Geoffroy Didier, conseiller régional UMP d’Ile-de-France, dresse, vaille que vaille, le bilan de la mandature de Nicolas Sarkozy. Malgré un appel au "respect mutuel", la colère gronde sous le lustre des Folies Bergère. "Je sais que ce que je dis ne vous fait pas forcément plaisir", déclare, goguenard, Geoffroy Didier. Comme prévu, le représentant rappelle l'opposition du chef de l'Etat au mariage pour tous et à l'adoption pour les couples homosexuels. La seule proposition tient dans la déclaration en mairie du PaCS (sic). A coups de "Vanneste" ou "Boutin" ou de la célèbre réplique quinquennale "Casse-toi Pov'con", le représentant de l’UMP et de Nicolas Sarkozy est contraint de quitter la scène - et la salle - par la petite porte.

Eva Joly  la (froide) main verte


Après un entracte salvateur, la soirée reprend, sous les rennes d'une Charlène Duval parfaite pour détendre l'atmosphère au léger parfum de souffre depuis la prestation de l’UMP. C'est le moment où les deux seuls candidats à s'être déplacés vont prendre la parole. Honneur à la candidate verte Eva Joly. Visiblement anxieuse mais précise, elle sera la seule à évoquer la disposition européenne ACTA "qui tend à faire de l'humain une marchandise". Plaidant pour une "action diplomatique forte", elle veut lutter contre l'homophobie, notamment en Afrique, avec la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Elle souhaite également qu'une loi sur les "tout ce qui découle de l'égalité des droits", soit en discussion pour la prochaine Marche des fiertés. En gros, mariage ouvert aux couples de même sexe et homoparentalité devraient être déjà en discussion en juin prochain… si tout va bien. En faveur de la reconnaissance des familles homoparentales, elle freine néanmoins sur le statut de co-parents et la "multiparentalité", qui, selon elle, doit être discutée ultérieurement. Elle tient à rappeler que le premier mariage gay - annulé par la suite - a été célébré par Noël Mamère, député maire Europe Ecologie Les Verts de Bègles. "Je compte sur vous et vous pouvez compter sur moi", conclue-t-elle sous les applaudissements.

Jean-Luc Mélenchon, le théoricien de gauche


Clou du spectacle, le candidat du Front de gauche s'attèle à une véritable réflexion sur la question LGBT. "Parlons philosophie, si vous le voulez bien", déclare-t-il en préambule. Le tribun s'improvise professeur des écoles en revenant aux "fondements de l'universalisme". "L'angle d'attaque, c'est la question transgenre". Fustigeant le "patriarcat" ou l'Eglise catholique, ce grand orateur souhaite le mariage pour tous, "républicain", même s'il déplore que la communauté LGBT se soit "entichée d'un nuptialisme à l'opposé de [ses] valeurs d'homme de gauche." Faisant honneur à sa verve légendaire, le candidat n'est pas avare en belles phrases. "L'orientation sexuelle n'est pas un choix, c'est un fait" ou "L'Egalité des droits, c'est fastoche". Confondant dans une phrase homo et hétéro, il tance la salle : "C'est pire qu'une église ici, si on se trompe d'un mot on est mort !" Charismatique et volontairement provocateur, il n'hésite pas rappeler que "l'Egalité, c'est la liberté d'être méprisé au même titre que les autres". Grâce à un discours sur les grandes idées qu'il défendra dans une sixième république, malgré peu de propositions précises, le "professeur" Jean-Luc Mélenchon conquiert une salle debout, scandant des "Président, Président !"

Après quatre heures de show… chaud, Charlène Duval met un terme à cette soirée riche en rebondissements. Au rythme des danseuses du Cabaret des filles de joie aux couleurs du rainbow flag, des chansons à double sens de Monsieur K, on laisse derrière soi l'un des plus grands événements publics dans les revendications LGBT. Un moment historique, qui engage les politiques et qui donnera son verdict le 22 avril prochain, au premier tour de l’élection présidentielle.