Encore un plan pour la riposte VIH

Publié par Sophie-seronet le 29.06.2021
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MondeVIH

En juin, une importante réunion onusienne s’est tenue sur la riposte mondiale au VIH/sida. Les États, membres des Nations unies, y ont travaillé à une nouvelle feuille de route pour les cinq années qui viennent avec de nouveaux objectifs. De son côté, la société civile avait réalisé une déclaration pour mettre en avant ses revendications, réaffirmer les points importants, garants du succès de la riposte contre le VIH/sida.

La société civile a ses idées

Récemment (8 au 10 juin), s’est tenue une réunion onusienne de haut niveau sur le VIH/sida (appelée dans les milieux branchés UNHLM HIV/aids). En amont de la tenue de cet événement, la société civile avait décidé de publier une déclaration, mettant l’accent sur ses revendications ; façon de les faire connaître aux décideurs-ses. C’était d’autant plus stratégique que la réunion onusienne visait, d’une part, à évaluer les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH/sida, depuis le précédent plan (2016) et, d’autre part, à définir les grandes orientations et objectifs de la riposte à l’épidémie pour les cinq prochaines années. Cette déclaration de la société civile a souligné l'urgence de la situation face à la crise que connaît la riposte au VIH/sida au niveau mondial. C’est simple : aucune des cibles fixées dans la déclaration politique de 2016 sur le VIH en matière de prévention, de diagnostic et de traitement n'a été atteinte. L'horizon 2030 (fin de l’épidémie) approche également et le rythme actuel ne rassure pas les organisations mobilisées sur ces questions. À l’instar d’autres grandes ONG, AIDES et Coalition PLUS ont signé cette déclaration qui porte quatre exigences principales : la reconnaissance explicite des populations clés ; reconnaître pourquoi ces populations plus que d'autres sont concernées ; un engagement financier complet et efficace ; tenir les États membres responsables de leurs actes en matière de politiques de santé mondiale/VIH.

La contribution de Coalition PLUS

Coalition PLUS en sa qualité de « réseau international d’ONG communautaires de lutte contre le sida et les hépatites virales agissant dans 52 pays auprès d’une centaine d’organisations de la société civile », a publié de son côté une contribution dans laquelle la coalition rappelle ses priorités. Par exemple, le fait d’« intégrer explicitement la réponse au VIH/sida dans la vision globale de la garantie du droit à la santé en mettant en avant les stratégies de couverture sanitaire universelle et en incluant une approche de santé basée sur les droits humains et le genre dans toutes les politiques de santé publique » ou encore d’affirmer la nécessité pour les États d’adopter des lois, des politiques et des pratiques dépénalisant et déstigmatisant le travail sexuel, la consommation de drogues, l’orientation sexuelle ou les parcours de transition de genre. Dans le même temps, mettre en œuvre des lois de protection et de lutte contre les discriminations afin d’aborder la question de la stigmatisation et de la discrimination, etc.

De nouveaux objectifs… pour 2030

Du côté officiel, à l’issue de cette réunion de haut niveau, les États membres des Nations unies ont adopté un nouveau texte, qualifié par ses auteurs-rices, « d’ambitieux et réalisable ». Cette déclaration repose sur des « données probantes » et les « droits humains ». Elle constitue la feuille de route « pour faire avancer la riposte mondiale au VIH au cours des cinq prochaines années ». De nouveaux objectifs ont été fixés. Ils sont particulièrement ambitieux. Ainsi, des « leaders du monde entier ont convenu de réduire le nombre annuel de nouvelles infections par le VIH à moins de 370 000 et le nombre annuel de décès liés au sida à 250 000, d’éliminer les nouvelles infections chez les enfants, de mettre fin au sida pédiatrique et de supprimer toutes les formes de discrimination liées au VIH d’ici 2025 », note un communiqué de l’Onusida. « Le nouveau plan appelle les pays à fournir un accès à des options de prévention combinée du VIH efficaces et centrées sur les personnes à 95 % de toutes les personnes exposées à un risque de contamination dans toutes les populations, tranches d’âge et situations géographiques pertinentes pour l’épidémie ». Il enjoint également aux pays à s’assurer que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 95 % des personnes qui connaissent leur séropositivité soient sous traitement et 95 % des personnes sous traitement aient une charge virale indétectable. Le plan ambitionne aussi de « garantir que 95 % des personnes exposées au risque d’infection au VIH utilisent des services de prévention combinée du VIH, d’accorder une plus grande importance à la prestation de services par les communautés (y compris un objectif visant à garantir que 80 % des services pour les populations clés sont fournis par les communautés) » et de s’engager à mettre fin aux inégalités ; ce qui va bien au-delà de l’Objectif de développement durable 10, Réduire les inégalités. Cette réunion a permis de travailler sur cinq grands thèmes : lutter contre les inégalités pour mettre fin au sida : 10 ans avant 2030 ; mettre les personnes et les communautés au centre de la riposte au sida ; ressources et financement d’une riposte au sida efficace ; promouvoir l’égalité des sexes et autonomiser les femmes et les filles dans la riposte au sida ; lutter contre l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la riposte au sida et reconstruire en étant mieux préparés aux pandémies.

Vigilance pour les populations clefs

À l’issue de la réunion de haut niveau, la déclaration politique qui en est sortie a souligné une situation inquiétante : celle des populations clefs. « Les populations clés (gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, travailleurs-ses du sexe, consommateurs-rices de drogues injectables, personnes trans, personnes en prison et en milieu fermé) sont plus susceptibles d’être exposées au VIH et confrontées à la violence, à la stigmatisation, à la discrimination, ainsi qu’à des lois limitant leur liberté de mouvement ou leur accès aux services », note la déclaration politique. Les États membres ont convenu d’un « objectif consistant à garantir que moins de 10 % des pays disposent de cadres juridiques et politiques restrictifs conduisant à l’interdiction ou à la limitation de l’accès à des services d’ici 2025 ». Ils se sont également engagés à s’assurer que « moins de 10 % des personnes séropositives, exposées au VIH ou touchées par le virus soient confrontées à la stigmatisation et à la discrimination d’ici 2025, notamment en utilisant le concept « indétectable = intransmissible » (les personnes séropositives ayant une charge virale indétectable ne peuvent plus transmettre le VIH) ». Bien entendu la question du financement n’a pas été oubliée. « Les États membres se sont également engagés à augmenter et à financer pleinement la riposte au sida. Ils ont accepté d’investir 29 milliards de dollars par an d’ici 2025 dans les pays à revenu faible et intermédiaire, dont 3,1 milliards de dollars minimum seront alloués à des leviers sociétaux, notamment à la protection des droits humains, à la réduction de la stigmatisation et de la discrimination, ainsi qu’à des réformes du droit. Par ailleurs, ils se sont engagés à inclure la fourniture de services anti-VIH par des communautés, y compris par le biais de contrats sociaux et d’autres mécanismes de financement publics », explique l’Onusida, dans un communiqué.

Les mots d’Elton John

« Avec votre leadership, nous pouvons vaincre le sida et la Covid-19 et mieux nous préparer aux autres pandémies qui suivront. Vous pouvez et ferez la différence. Et vous jouissez de soutiens innombrables, y compris celui des 38 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde. Ensemble, nous pouvons mettre fin à la peur et aux inégalités et, d’ici la fin de cette décennie, mettre fin à la pandémie de sida, une fois pour toutes ! Le monde regarde et nous n’avons pas de temps à perdre » a conclu Elton John, fondateur de l’Elton John Aids Foundation, dans un appel fort à passer VRAIMENT à l’action. Car, comme le rappelait Yana Panfilova, femme vivant avec le VIH et membre du Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH : « La riposte au sida oublie encore des millions de personnes : les personnes LGBTI, les travailleuses et travailleurs du sexe, les personnes consommatrices de drogues, les populations migrantes et incarcérées, les ados, les jeunes, les femmes et les enfants. Ces gens méritent également de mener une vie ordinaire et de jouir des mêmes droits et de la même dignité que ceux dont profitent la plupart des personnes présentes dans cette assemblée ».