Enrayer le sida en ville : Anne Hidalgo et des maires du monde signent la Déclaration de Paris

Publié par Mathieu Brancourt le 03.12.2014
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Initiativefin de l'épidémie

A l’occasion du 1er décembre, Anne Hidalgo a convié une vingtaine d’édiles de grandes villes du monde à Paris. A la clé, une déclaration symbolique à respecter les objectifs de lutte contre le sida en milieu urbain, nécessaires pour casser la dynamique de l’épidémie selon l’ONUSIDA. Son directeur exécutif, Michel Sidibé, était présent lors de cette conférence internationale.

Signature de la convention de partenariat entre Paris et ONUSIDA avec Michel SIDIBE secrétaire général de ONUSIDA. © Henri Garat/Mairie de Paris

20 ans pile. En novembre 1994, un sommet parisien avait consacré l’implication des personnes séropositives dans les stratégies de riposte à l’épidémie de VIH, à une époque où les trithérapies n’existaient pas encore. Deux décennies plus tard, un 1er décembre, la capitale française est de nouveau l’hôte d’une réunion de maires ou représentants de grandes villes d’Afrique, d’Amérique ou d’Europe souhaitant s’engager sur la question de la lutte anti-VIH dans ces zones urbaines.

Les villes, "immense potentiel"

Avant une visite des dispositifs parisiens en cette Journée mondiale de lutte contre le sida, la Mairie de Paris organisait une table-ronde sur les enjeux spécifiques du combat contre l’épidémie en milieu urbain. Autour de la table, les représentants de plus de 20 villes reviennent sur leurs programmes mis en place dans leur commune. Accès aux dépistages, délivrance de traitements antirétroviraux, actions de prévention auprès des publics vulnérables, chacun égraine ses succès et ses difficultés propres. Aux dires de Michel Sidibé, directeur exécutif de l’ONUSIDA et présent à Paris, les villes doivent jouer un rôle important dans l’objectif de fin d’épidémie à l’horizon 2030. Les fameux 90-90-90 [Cascade de pourcentage de personnes dépistées, mises sous traitements et dont le traitement est efficace pour une charge virale indétectable, qui prévient de futures contamination, ndlr], clés de la réussite vers cette actuelle utopie. "Mettre fin à l’épidémie est réalisable si les grandes villes agissent immédiatement et avec détermination pour accélérer la riposte d’ici à 2020", explique Michel Sidibé. D’où cet engagement d’intention, six ans avant échéance, des maires présents à signer la Déclaration de Paris aux cotés d’Anne Hidalgo, la maire de la capitale française, de l’ONU-Habitat et de l’association internationale des soignants du VIH/sida (IAPAC). Car il faudra des programmes de pointe, associant les questions de développement, de santé publique, de logement et de protection des femmes et des enfants, pour peser efficacement sur l’épidémie dans les villes du monde. L’ONUSIDA a d’ailleurs profité de cet événement pour rendre public son "rapport sur les villes", qui met en lumière ce combat particulier.

Grandes villes : un quart des personnes vivant avec le VIH dans le monde

C’est l’un des grands enseignements de ce rapport publié à l’occasion de la Déclaration de Paris. Les 200 villes les plus touchées par le sida abritent au moins 25 % des 35 millions de personnes séropositives dans le monde. En Afrique, continent le plus durement frappé par la pandémie, 45 % des personnes vivant avec le VIH résident dans des villes. Une prévalence très importante, qui risque de se renforcer avec la mondialisation et le développement des mégalopoles sur tous les continents, en grande majorité situées dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires. Pour s’attaquer au sida, il faudra donc s’attaquer à la pauvreté, rappelle en substance Joan Clos, directeur exécutif d’ONU-Habitat.

Pourtant, au-delà de la photographie de la situation actuelle, la question du financement de ces programmes, forcément coûteux, n’est pas abordée. Pas non plus d’interpellation politique de la part d’Anne Hidalgo sur le soutien à la lutte contre le sida par le gouvernement socialiste, ni de la part de Michel Sidibé auprès des gouvernants mondiaux, de plus en plus réticents à subventionner ou soutenir des financements innovants comme la taxe sur les transactions financières. Le message de la journée, l’engagement sur cet aspect prégnant de la bataille contre le sida, demeure bien convenu voire naïf en l’absence d’un volontarisme politique mondial, ici passé sous silence. Si les recommandations 90-90-90 de l’ONUSIDA sont atteintes à temps, l’organisation estime qu’on évitera 28 millions de nouvelles infections à VIH et 21 millions de décès d’ici à 2030. Plus que par les paroles, la Déclaration de Paris devra faire ses preuves par les faits.

Commentaires

Portrait de skyline

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Communiqué 1er Décembre de Droits&Prostitution  

1er décembre - Journée mondiale contre le sida

La pénalisation des clients et du travail sexuel doit être dénoncée comme 1ère cause de vulnérabilité au VIH&IST

 

Il est beaucoup plus difficile pour nos associations de faire leur travail de prévention et d'accès aux soins si les travailleurSEs du sexe sont toujours et encore plus forcées de se cacher pour travailler. La précarisation induite par la pénalisation des clients amoindrit leur pouvoir de négociation et nous fait craindre une augmentation considérable des prises de risques.

Des études présentées lors de la dernière conférence mondiale sur le sida de Melbourne et publiées dans The Lancet ont confirmé ce que les acteurs associatifs et la communauté des travailleurSEs du sexe dénoncent depuis des années, à savoir que la pénalisation est la 1ère cause structurelle de vulnérabilité au VIH & IST.[1]

Ainsi, la ministre de la Santé Marisol Touraine doit clairement se positionner contre toute mesure de pénalisation qui favorise la propagation de l'épidémie. Dans le cas contraire, son soutien à la pénalisation des clients est un soutien à la contamination des travailleurSEs du sexe.

De même, la maire de Paris Anne Hidalgo qui reçoit Michel Sidibé directeur de l'ONUSIDA à l'occasion du 1er décembre ne peut pas instrumentaliser sa présence à des fins de communication politique tout en militant en faveur de la pénalisation des clients et en faisant appliquer des arrêtés anti-camionnettes dans les bois de Boulogne et Vincennes.

La pénalisation est en effet dénoncée par cette même ONUSIDA ainsi que par l'Organisation Mondiale de la Santé, le Programme des Nations Unies pour le Développement, ainsi que la Commission Consultative des Droits de l'Homme en France et toutes les associations de lutte contre le sida dans leur unanimité.

Les hommes et femmes politiques qui toute l'année militent en faveur de la pénalisation et appliquent des mesures de répression du travail sexuel ne peuvent pas instrumentaliser la journée du 1er décembre et se présenter comme militants de la lutte contre le sida. Tant qu'ils et elles défendront des mesures de pénalisation, ils ne feront preuve que d'hypocrisie et d'opportunisme.