Essai Quadrih chez les personnes co-infectées VIH-VHC : comment participer ?

Publié par Renaud Persiaux le 02.12.2012
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Thérapeutiqueco-infectionvhc

Face au désintérêt de l’industrie pharmaceutique pour les personnes co-infectées VIH-VHC, c’est encore la recherche publique qui pallie. A partir du mois de décembre, l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRS) va évaluer chez des personnes co-infectées VIH-VHC, qui n'avaient pas du tout répondu à un traitement antérieur, une quadrithérapie associant deux nouveaux médicaments, le daclatasvir et l’asunaprévir, à la bithérapie standard par ribavirine et interféron. Seronet vous dit tout.

L’essai ANRS-Quadrih, en quoi ça consiste ?
Quadrih est un essai qui vise à évaluer l’efficacité et la tolérance d’une nouvelle quadrithérapie chez des personnes co-infectées par le VIH et le VHC (génotype 1 ou 4), qui n’avaient pas du tout répondu à la bithérapie standard (interféron pégylé et ribavirine). On parle de personnes "nuls-répondeurs".

Cette quadrithérapie comprend deux molécules expérimentales du laboratoire BMS, l’asunaprévir et le daclatasvir, qui agissent directement contre le VHC, et qu’on ajoute à la bithérapie standard par ribavirine et interféron pégylé, deux médicaments qui, pour faire simple, stimulent l’immunité.

Les personnes avec une cirrhose (stade de fibrose F4, évalué par biopsie) peuvent participer, à moins que leur cirrhose soit décompensée (auquel cas le traitement par interféron n’est pas possible car trop risqué).

La durée de la quadrithérapie est de 6 mois (24 semaines). Il y aura 65 participants. L’essai est mené par l’ANRS, et l’investigateur principal est le Pr Lionel Piroth, du Centre hospitalier de Dijon.

Pourquoi cet essai est-il important ?
Parce qu’il concerne des personnes co-infectées, dont la maladie du foie peut-être très avancée (cirrhose), et surtout qui n’ont pas répondu du tout à la bithérapie. Chez ces personnes, il n’est pas pertinent d’utiliser l’une ou l’autre des deux trithérapies anti-VHC déjà disponibles, avec Victrelis (bocéprevir) ou Incivo (télaprévir), deux médicaments déjà commercialisés, parce qu’elles n’offrent que peu ou pas de bénéfice thérapeutique. Et ces personnes sont des personnes minoritaires, difficiles à traiter, chez lesquelles l’industrie pharmaceutique n’a pas du tout intérêt à mener des essais.

Comment se déroule l’essai ?
Il y a d’abord un mois de "traitement d’induction" ou "lead-in" (une phase de démarrage) avec la bithérapie standard anti-VHC (interféron pégylé alpha-2a + ribavirine).

C’est ensuite que commence la quadrithérapie anti-VHC proprement dite, pour une durée de 6 mois. Celle-ci comporte :
- asunaprévir 100 mg, 2 fois par jour
- daclatasvir 60 mg, 1 fois par jour
- interféron pégylé alpha-2a 180 µg (microgrammes), 1 injection sous-cutanée par semaine
- ribavirine (500 mg si poids < 75 kg ou 600 mg/j (≥ 75 kg)), 2 fois par jour.

Il n’y a pas de bras contrôle dans cette étude, toutes les personnes recevront cette quadrithérapie. Ensuite, les chercheurs regarderont le taux de guérison de l’infection par le VHC, qu’on définit comme une charge virale VHC qui reste indétectable 3 mois après la fin du traitement. Ils regarderont également la manière dont le traitement est supporté par les personnes (effets indésirables). Ils espèrent un taux de guérison d’au moins 40 %.

La fin de l’étude est prévue pour octobre 2014.
 
Quels sont les villes/centres hospitaliers concernés ? Quand l'essai commence-t-il ?

Les inclusions dans l’essai commencent au mois de décembre, et le premier participant commencera le traitement (bithérapie puis trithérapie) entre 1 et 2 mois après avoir signé le consentement. Les inclusions devraient durer jusqu’en aout prochain.

Région parisienne
- Argenteuil : Philippe GENET, CH Victor Dupouy, Hématologie
- Créteil : Isabelle ROSA, CHI Créteil, Hépato-Gastroentérologie
- Le Kremlin Bicêtre : Elina TEICHER, Hôpital de Bicêtre, Médecine Interne
- Bondy : Vincent JEANTILS, Hôpital Jean Verdier, Maladies Infectieuses
- Surennes : David ZUCMAN, Hôpital Foch, Médecine interne
- Créteil : Stéphanie DOMINGUEZ, Hôpital Henri Mondor, Immunologie Clinique
 
Paris
- Laurence GERARD, Hôpital Saint-Louis, Immunologie Clinique
- Claudine DUVIVIER, Hôpital Necker, Maladies Infectieuses
- Gilles PIALOUX, Hôpital Tenon, Maladies Infectieuses et Tropicales
- Sophie ABGRALL, Hôpital Avicenne, Maladies Infectieuses et Tropicales           
- Dominique BATISSE, Hôpital Européen Georges Pompidou, Immunologie Clinique
- Dominique SALMON-CERON, Hôpital Cochin, Maladies Infectieuses
- Marc-Antoine VALANTIN, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Maladies Infectieuses et Tropicales
- Anne SIMON, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Médecine Interne
- Pierre-Marie GIRARD, Hôpital Saint-Antoine, Maladies Infectieuses et Tropicales
- Jean-Michel MOLINA,Hôpital Saint-Louis   Maladies Infectieuses et Tropicales
- Anne GERVAIS, Hôpital Bichat-Claude Bernard, Maladies Infectieuses et Tropicales
 
Tourcoing : Antoine CHERET, Hôpital Gustave Dron, Maladies Infectieuses et du Voyageur
Rouen : Ghassan RIACHI, CHU de Rouen, Hépato-Gastroentérologie
Rennes : Christian MICHELET, CHU Pontchaillou, Maladies Infectieuses, Rennes
Nantes : François RAFFI, Hôpital Hôtel Dieu, Maladies Infectieuses
Bordeaux : Philippe MORLAT, Hôpital Saint-André, Médecine interne et Maladies Infectieuses
Bordeaux : Didier NEAU, Hôpital Pellegrin, Maladies Infectieuses et Tropicales
Toulouse : Sophie METIVIER, CHU Purpan, Hépato-Gastroentérologie
Perpignan : Hugues AUMAITRE, Hôpital Saint-Jean, Médecine infectieuse et Maladies Tropicales
Montpellier : Jacques REYNES, Hôpital Gui de Chauliac, Maladies Infectieuses et Tropicales
Montpellier : Georges-Philippe PAGEAUX, Hôpital Saint-Eloi, Hépato-Gastroentérologie
Marseille : Isabelle POIZOT-MARTIN, Hôpital Sainte Marguerite, Immunologie Hématologie clinique
Nice : Alissa NAQVI, Hôpital de l’Archet 1, Maladies Infectieuses
Nice : Eric ROSENTHAL, Hôpital de l’Archet 1, Médecine Interne
Lyon : Laurent COTTE, Hôpital de la Croix Rousse, Maladies Infectieuses et Tropicales
Dijon : Lionel PIROTH, Hôpital du Bocage, Maladies Infectieuses
Strasbourg : Marie-Laure BATARD, CHRU de Strasbourg, Le trait d'union Centre de soins VIH

Quels sont les médicaments anti-VIH (ARV) autorisés ?
Pour participer à l’essai, il faut être traité avec une combinaison anti-VIH et avoir une charge virale VIH inférieure à 400 copies (il n’est donc pas nécessaire d’avoir une CV VIH indétectable, c'est-à-dire inférieure à 50 copies).

Le panel de médicaments autorisés est assez restreint, en raison des interactions connues, suspectées ou inconnues entre les médicaments anti VIH et anti-VHC.
Il s’agit :
- de nucléosides, au choix : Truvada (ténofovir + emtricitabine) ; ou du Kivexa (abacavir + Lamivudine), ce dernier nécessitant un ajustement et une surveillance des doses de ribavirine.
- d’une anti-intégrase, Isentress (raltégravir).
 
L’enfuvirtide (T20 ou Fuzeon) est également autorisé, mais ce médicament anti-VIH, qui se prend par injection sous-cutanée deux fois par jour, est généralement réservé aux personnes qui n’ont pas d’autre option thérapeutique.

Par ailleurs, la méthadone et le Subutex sont autorisés (l’étude d’interaction est en cours).
 
Quels sont les principaux critères d’inclusion dans cette étude ?
- avoir un VHC de génotype 1 ou 4 ;
- avoir plus de 200 CD4 (et un rapport CD4/CD8 > 15 % à la pré-inclusion) et une charge virale VIH inférieure à 400 copies depuis 3 mois à la pré-inclusion ;
- tous les stades de fibrose sont autorisés sauf la cirrhose décompensée ou la cirrhose avec varice œsophagienne stade 2 ou 3 (sachant que la proportion de personnes cirrhotiques est limitée à 50 % de l’ensemble des personnes inclues) ;
- avoir reçu et lu la notice d’information pour le patient et avoir signé le formulaire de consentement libre et éclairé ;
(Ces critères, formulés de façon simplifiée, sont donnés à titre indicatif ; pour la liste complète, il faut se référer à la notice d’information patient ou au protocole.)
 
Quels sont les principaux critères d’exclusion ?
- avoir une cirrhose décompensée (score de Child B ou C) ou une cirrhose Child A avec varice œsophagienne de stade 2 ou 3 ;
- avoir une co-infection par le VHB non contrôlée (CV du VHB de plus de 1 000 UI/ml) ;
- être enceinte ou allaiter ;
- avoir une contre-indication à la ribavirine ou à l’interféron ;
- avoir des contre-indications psychiatriques, l’avis d’un psychiatre étant obligatoire dans certains cas, en raison des effets de l’interféron sur le psychisme ;
- avoir dû arrêter, pendant les 6 premiers mois un précédent traitement contre l’hépatite C, en raison de ses effets indésirables, sauf si cela était lié à une anémie ou à une neutropénie non traitée par EPO ou Neupogen ;
- avoir tenté un traitement par anti-protéase du VHC (notamment Victrelis (bocéprévir) et Incivo (télaprévir) ;
- avoir une pathologie cardiaque ou pulmonaire sévère (pour quelle raison) ;
- être transplanté ;
- avoir eu une infection opportuniste classant sida dans les 6 mois précédant la pré-inclusion ;
- avoir un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire) ou tout autre cancer évolutif ;
- consommation d’alcool ou toxicomanie représentant pour l’investigateur un obstacle à la participation du patient et à son maintien dans l’étude ;
- paramètres sanguins : Hb < 90 g/L au bilan S-8 ; Plaquettes < 50 000/mm3 au bilan S-8 ; Polynucléaires neutrophiles < 750/mm3 au bilan S-8 ; insuffisance rénale (clairance de la créatinine calculée < 50mL/mn au bilan S-8) ;
(Ces critères, formulés de façon simplifiée, sont donnés à titre indicatif ; pour la liste complète se référer à la notice d’information patient ou au protocole.)

Et si je ne rentre pas dans les critères ?
Comme on le voit, les critères d’exclusion sont nombreux. Certaines personnes co-infectées répondeurs nuls ayant un besoin urgent de ces molécules ne pourront participer aux essais. AIDES est une des associations qui, au sein du TRT-5, s’engage le plus pour que l’Agence nationale de sécurité du médicament prépare au plus vite les dispositifs d’ATU (autorisations temporaires d’utilisation) de cohorte et nominative, afin de répondre au mieux au besoin vital de ces personnes, et ce dans des conditions de sécurité optimale.
Contact : Investigateur coordonnateur : Pr Lionel Piroth CHU DIJON,  Département Infectiologie, 2 boulevard du Maréchal de Lattre de Tassigny. Tel : 03 80 29 33 05. lionel.piroth "@" chu-dijon.fr

Remerciements à Lionel Piroth pour sa relecture.