Etats généraux de la bioéthique, c’est parti !

Publié par jfl-seronet le 21.01.2018
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"Quel monde voulons-nous pour demain ?" Pour répondre à cette question, des sujets brûlants comme la PMA, la GPA, la recherche sur le génome, la fin de vie ou l'intelligence artificielle, seront débattus ces six prochains mois dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, lancés le 18 janvier 2018. Ces débats, qui dureront jusqu'à l'été, doivent nourrir la prochaine loi bioéthique, attendue au Parlement à l'automne pour réviser celle de 2011. C’est le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) qui pilote l’opération. Seronet fait le point.

A quoi servent ces Etats généraux de la bioéthique ?

Dans une interview au journal "La Croix" (18 janvier), Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui pilote cette vaste concertation, explique qu’il s’agit de prendre "le pouls de la société civile sur des sujets passionnants, mais aussi difficiles et complexes. C’est un exercice de démocratie sanitaire auquel le médecin et ancien directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales que je suis est sensible". Le résultat doit alimenter la future loi bioéthique.

Dans quel esprit, le CCNE les a-t-il conçus ?

"Nous avons décidé de laisser ces Etats généraux assez largement ouverts : c'est une occasion unique de discuter une fois tous les sept ans", a expliqué à l'AFP Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE). "Ces Etats généraux sont une entreprise difficile. Il faut arriver à faire réfléchir la société civile sur des sujets sociétaux qui sont loin d'être consensuels. C'est un effort d'intelligence collective", précise-t-il. "Il ne faut pas rester uniquement sur la PMA, la GPA ou la fin de vie, poursuit-il. Il y a, par exemple, des enjeux majeurs sur la génomique ou la médecine de l'embryon. J'aimerais que le débat citoyen les fasse émerger aussi". Le CCNE souhaite des débats libres et respectueux. Lors d’auditions qui seront conduites par le CCNE, des organisations non gouvernementales, des représentant-e-s des autorités religieuses, des expert-e-s du monde de la médecine, de la recherche, etc. seront entendues. Une grande diversité de points de vue devrait être assurée, c’est le souhait du CCNE.

Ils et elles pourront faire valoir leur position sur certains sujets délicats voire, au premier rang desquels l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA ou AMP) aux femmes célibataires et aux couples de femmes — une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le CCNE a ouvert la voie en se prononçant en juin pour cette ouverture. 
Devrait aussi être débattue la question de la GPA, pratique interdite en France et à laquelle n'est pas favorable le président Macron. Selon des sondages, 18 % y sont favorables "dans tous les cas" et 46 % "pour des raisons médicales seulement", c'est-à-dire pas pour les couples homosexuels. Un collectif de 110 personnalités, dont les intellectuel-le-s Pierre Rosanvallon et Elisabeth Badinter, vient de réclamer un "débat de fond" sur la GPA, dans une tribune : "On ne peut plus ignorer les enfants nés par GPA" publiée par "Le Monde" (16 janvier). Mais les questions de procréation ne seront pas seuls débats délicats… on peut miser sur le fait qu’il en ira de même pour la fin de vie ou les recherches sur les cellules souches.

Quels sujets seront débattus ?

Le programme est très large, avec neuf thèmes sociétaux ou dictés par les progrès de la science: la procréation (procréation médicalement assistée/PMA et grossesse pour autrui/GPA), la fin de vie, les recherches dans le domaine de la reproduction (cellules souches, etc.), la génétique, le don d'organes, les données de santé, l'intelligence artificielle, les neurosciences et le rapport santé/environnement.

Quelles sont les modalités des débats ?

On part donc pour six mois de débats qui aboutiront à un rapport de synthèse. Le dit rapport s'appuiera sur plusieurs outils. Parmi eux, une consultation en ligne via un site lancé fin janvier, des conférences-débats dans toutes les régions (une soixantaine seraient déjà programmées) ou un "comité citoyen", panel d'une vingtaine de personnes représentatives de la population (mais on n’en sait pas plus sur les critères de choix, la composition, etc.), qui produira son propre rapport. En outre, le CCNE mènera une série d'auditions avec des associations, des représentant-e-s des autorités religieuses, des experts-e-s des sujets.

Quel est le calendrier ?

En plus de son rapport de synthèse, prévu avant la rentrée prochaine, le CCNE émettra un avis sur les priorités qui pourraient figurer dans la loi. Les premières lois de bioéthique datent de 1994. Une première révision avait eu lieu en 2004, avant celle de 2011. La phase de débats sera close début juillet. Ensuite, selon une note du ministère de la Santé datant de novembre, un projet de loi sera finalisé "à l'été 2018" pour un dépôt au Parlement "à l'automne" en vue d'une adoption d'une nouvelle loi bioéthique "dans le courant du premier semestre 2019". Autrement dit, cela va être long.

Que fera le gouvernement de ce travail ?

C’est la grande inconnue. Dans son interview au journal "La Croix", Jean-François Delfraissy explique : "Mon rôle est d’organiser au mieux ces Etats généraux. A l’issue de ces débats, qui auront brassé beaucoup d’idées, il y aura forcément un phénomène d’entonnoir, et certainement des déceptions. Je ne sais pas encore ce qui sera inclus dans le périmètre de la loi, mais il y a plusieurs possibilités : une révision restreinte, large, ou l’adoption d’une nouvelle loi. Mais cela relève du choix politique et non du CCNE".