Etrangers malades : AIDES fait pression à Bobigny

Publié par jfl-seronet le 21.06.2013
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PolitiqueEtrangers malades

Il a le visage de François Hollande. Il fait face à la préfecture de Bobigny (Seine-Saint Denis). Un autre "François Hollande" le rejoint, puis un troisième, puis d’autres, une foule de "François Hollande" se presse devant ce bâtiment officiel, pancartes en mains, slogans en bouche. Mais pourquoi ?

Coup de colère ! Voilà ce qu’est la manifestation de ce matin devant la préfecture de Seine-Saint-Denis, un moyen de dénoncer la politique dramatique conduite par le gouvernement concernant les étrangers malades, depuis l’entrée en vigueur de la loi Besson de 2011.

Alors qu’il était candidat à la présidentielle, François Hollande s’était engagé à revenir sur une disposition qui rendait plus facile l’expulsion d’étrangers gravement malades dans leur pays d’origine. François Hollande qualifiait, lui-même, d’"hypocrites", les conditions d’octroi ou de renouvellement de titres de séjour, notamment pour raisons de santé. Conditions qui ne cessent désormais de se dégrader depuis son élection à la présidence. Dans un communiqué, AIDES juge que le "résultat" de la politique actuelle, c’est la "multiplication des procédures d’expulsion et de placements en rétention d’étrangers gravement malades". "Cette situation n’a que trop duré", estime l’association qui demande "instamment au Président de la République de reprendre en main ce dossier, afin de faire prévaloir la santé publique sur les objectifs de contrôle migratoire".

Bobigny : une préfecture en dérives

C’est donc devant le parvis de la préfecture que s’est déroulée la manifestation. Pourquoi le choix de Bobigny ? "D'abord parce que la préfecture de Bobigny est emblématique des dérives inacceptables que peuvent rencontrer les étrangers dans leur parcours administratif", avance l’association. Humiliations, files d'attente interminables commencées de nuit, conditions d'accueil dégradantes, demandes de justificatifs non prévus par la loi, tout est fait pour décourager les étrangers de faire valoir leurs droits. La gauche, dans l’opposition, n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer cette situation. Aujourd’hui, les dysfonctionnements perdurent et le gouvernement ne s’en émeut pas. Cette "tactique" n’est pas normale, elle l’est encore moins lorsqu’elle affecte des personnes étrangères malades qui sont "littéralement épuisées par ces procédures". Ce "tableau peu réjouissant (…) vaut à cette préfecture du 93 de figurer au top 3 des pires préfectures de France. A l'heure où nous manifestons, trois personnes séropositives de nationalité ivoirienne et burkinabé sont menacées d'expulsion après le rejet de leur demande de titre de séjour. On imagine aisément l'impact d'un retour au pays pour la santé et la survie de ces personnes", dénonce AIDES.

Bobigny : un choix politique

Le choix de Bobigny est aussi politique et symbolique, parce que c’est dans cette même ville que l’association AIDES tient son congrès (du 21 au 23 juin). Dans son communiqué, l’association indique que "la situation de l'épidémie dans les zones périurbaines est au cœur de [ses] préoccupations". La question de l'accès aux soins en banlieue sera d’ailleurs le thème central de ce Congrès. Si la ville de Bobigny est particulièrement impliquée aux côtés de AIDES pour faire reculer l'épidémie, "les mauvaises pratiques de la préfecture de Seine Saint Denis nuisent à la santé des malades et à la santé publique", explique l’association. "Un comble dans le second département de métropole le plus touché par l'épidémie".

Président de AIDES, Bruno Spire est inquiet : "La protection des étrangers gravement malades, garante de la santé publique, menace de s'effondrer sous la pression du contrôle obsessionnel des flux migratoires. Peut-on continuer à se laver les mains du sort de ces personnes comme si l'épidémie de VIH s'arrêtait à nos frontières ? Face au mépris affiché des ministères de la Santé et de l'Intérieur, nous demandons solennellement à François Hollande de se saisir du dossier et de mettre fin à cette situation".

Des chiffres qui tuent

En mars dernier, l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers, dont AIDES est membre) avait organisé à l’Assemblée Nationale une conférence de presse. Il se demandait si le gouvernement s’intéressait encore à la santé des étrangers… et dressait le bilan de la politique conduite par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Le péché originel est bien entendu la loi Besson du 16 juin 2011. "Portée par la branche la plus droitière de l'UMP et motivée par l'obsession du contrôle migratoire, cette réforme a vidé de sa substance le droit au séjour des étrangers malades. Elle a aussi jeté le discrédit sur un dispositif pourtant stable et encadré", indique alors l’ODSE. "Mais depuis l'été 2012 et la mise en place du nouveau gouvernement, tout s'accélère. Refus de renouvellement et procédures d'expulsion s'intensifient à un rythme sans précédent. Qu'un gouvernement de gauche mette autant de zèle à faire appliquer une réforme de la droite populaire est pour le moins inattendu". Le ministère de l’Intérieur est visé par les critiques, et celui de la Santé n’est pas en reste.

Face à la gravité de la situation, après des mois d'alertes et d'interpellations vaines des pouvoirs publics, l'ODSE dénonce la défaillance irresponsable du Ministère de la Santé sur ce dossier. "En refusant de faire appliquer avec fermeté les instructions de la Direction générale de la Santé et de mettre fin aux dysfonctionnements préfectoraux, Marisol Touraine laisse toute latitude aux services de Manuel Valls pour assurer sa politique du chiffre sur le dos des étrangers malades", indique le Collectif. En mars, il donnait des chiffres.

"Selon des données d’observation produites par le Comede avec la Cimade, Médecins du Monde et Arcat (membres de l’ODSE) dans 16 préfectures, on observe en 2012 une diminution de 11 % des taux d’accord des préfectures pour les premières délivrances et les demandes de renouvellements de titres de séjour "étrangers malades". Cette diminution intervient dans l’ensemble des préfectures considérées, dont les pratiques ont tendance à s’aligner sur celles de Paris et des départements de la petite couronne (92, 93 et 94), particulièrement restrictives en la matière. Elle intéresse l’ensemble des malades, particulièrement ceux atteints d’hépatite virale mais aussi des personnes vivant avec le VIH", expliquait l’ODSE. La situation ne s’est pas améliorée ces derniers mois d’où la nouvelle mobilisation de AIDES qui en appelle au chef de l’Etat. Pas d’autre choix quand on applique à l’Intérieur la même politique que celle de la précédente majorité et qu’au ministère de la santé… on ne se sent pas concerné !