Etrangers malades en France : la Santé rappelle à l'ordre

Publié par jfl-seronet le 30.08.2010
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De loin, cela ressemble à un document administratif comme un autre, un de ceux qu'on sort en plein été dont le destin serait de rejoindre la pile des documents précédents au risque de tomber dans l'oubli. De près, c'est tout autre chose. A la lecture, cela sonne même comme un rappel à l'ordre et très clairement comme une "instruction" à suivre au pied de la lettre. C'est d'autant plus rassurant que ce document porte sur une question importante : les procédures concernant les étrangers malades atteintes de pathologies graves. Alors de quoi s'agit-il ? Seronet fait le point

Pourquoi le ministère de la Santé sort-il cette instruction relative aux procédures concernant les étrangers malades atteintes de pathologies graves ?
Comme toujours, ce rappel à l'ordre fait suite à des "dysfonctionnements", le mot est du ministère lui-même. Ce dernier écrit que "divers dysfonctionnement ont été rapportés récemment par des travailleurs sociaux hospitaliers ou associatifs, des médecins cliniciens et des agences régionales de santé". Et le ministère de citer des exemples : refus d'enregistrement de demande de carte de séjour vie privée et familiale en raison de l'état de santé en cas de durée du séjour en France inférieure à un an, renouvellement des cartes de séjour temporaires (CST) par des autorisations temporaires de séjour (APS) successives, voire par de simples papiers de rendez-vous, divulgation de diagnostic ou de pathologies transgressant le respect du secret médical, difficultés de coordination entre les services médicaux, les médecins des agences régionales de santé (ARS) et les préfets dans le cas spécifique d'étrangers placés dans des centres de rétention administrative, etc. Bref des abus renforcés par une très grande inégalité territoriale. En gros, ça déconne ferme dans certaines préfectures, un peu moins dans d'autres.

En quoi est-ce un problème ?
Ces dysfonctionnements qui font plus que tâche ont bien évidemment un impact. Et le ministère de la Santé n'élude d'ailleurs pas le problème. En matière de santé individuelle, le ministère reconnaît que les personnes en situation de clandestinité renoncent parfois à une démarche de dépistage, de soins ou interrompent le suivi médical engagé. Sur le plan de la santé publique, le ministère affirme que la "rupture avec les réseaux de soins et de prévention majore, en cas de maladies infectieuses, les risques de transmission, voire favorise l'apparition de souches virales ou de bactéries résistantes. Même les arguments financiers sont invoqués puisque le ministère avance que "la multiplication des demandes d'avis médical nuit à l'optimisation des moyens humains alloués à cette fonction", que les "personnes concernées restent sous le régime de l'aide médicale d'Etat (AME) ou y reviennent (en cas de délivrance d'autorisation provisoire de séjour au lieu de cartes de séjour temporaires) alors qu'un titre de séjour permet le transfert vers le régime de la CMU (couverture maladie universelle), voire de la sécurité sociale".

Par ailleurs, le ministère constate que, du fait de ces pratiques, les personnes "sont maintenues dans un état de dépendance économique (en cas de délivrance d'autorisation provisoire de séjour n'ouvrant pas le droit au travail en lieu et place d'une carte de séjour temporaire) alors que bon nombre de personnes vivant avec une maladie chronique grave peuvent avoir une activité professionnelle assurant leur autonomie et leur insertion."

A qui s'adresse cette instruction ?
Aux agences régionales de santé (ARS), les nouvelles structures en charge d'orchestrer la santé publique à l'échelle d'une région, de veiller à l'accès aux soins…

Quelles sont les recommandations du ministère de la Santé sur les procédures concernant les étrangers malades atteintes de pathologies graves ?
Sans être exhaustif, il s'agit d'abord d'identifier clairement les médecins chargés d'émettre les avis médicaux et le service de rattachement, d'adapter les moyens humains et le temps nécessaires selon les besoins, d'assurer la continuité de la réponse (même durant les périodes de vacances), d'harmoniser les pratiques dans toutes les régions, de veiller à la coordination des différents services concernés (services médicaux dans les prisons, les centres de rétention administrative, etc.), de veilleur au respect de la confidentialité et de l'intégrité du secret médical, etc.

Concrètement, quelle est la procédure "normale" pour une personne étrangère atteinte d'une pathologie grave lorsqu'elle fait une demande de titre de séjour en raison de son état de santé ?

Dans un premier temps, la personne sollicite à la préfecture la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Cette demande comprend un ensemble de documents (listés par décret) qui ne comprend qu'un seul document médical : un rapport médical (explicite et détaillé), sous pli confidentiel, portant la mention "secret médical". Ce rapport est rédigé soit par un médecin agréé, soit par un praticien hospitalier. Ce rapport est à l'attention exclusive du médecin de l'agence régionale de santé compétente ou, dans le cas de Paris, du médecin-chef du service médical de la préfecture de police.

Ce rapport détaillé doit permettre de répondre à quatre questions concernant la personne étrangère qui fait la demande : l'état de santé de la personne nécessite t-il une prise en charge médicale ? Le défaut de celle-ci peut-il entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ? Si oui, la personne étrangère peut-elle effectivement avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ? En l'état actuel, quelle est la durée prévisible du suivi médical à prévoir ?

A partir de ce rapport, le médecin de l'agence régionale de santé compétente ou, dans le cas de Paris, le médecin-chef du service médical de la préfecture de police adresse un avis signé respectant le secret médical, comportant la réponse aux quatre questions, mais sans aucune information ni sur la maladie concernée, ni sur les traitements, ni sur la nature des spécialités médicales concernées.Enfin dernière étape, le préfet rend sa décision au vu de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé compétente ou, dans le cas de Paris, le médecin-chef du service médical de la préfecture de police.
Plus d'informations sur ce sujet sur le site de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) sur http://odse.eu.org/