Etrangers malades : la manif de Bobigny ouvre des portes

Publié par jfl-seronet le 10.07.2013
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PolitiqueEtrangers malades

Le 21 juin dernier, AIDES, le jour d’ouverture de son congrès, lançait une action devant la préfecture de Bobigny. Objectif ? Revenir sur la loi Besson de 2011 et dénoncer la politique conduite actuellement qui expulse des étrangers malades. Cette manifestation a permis aux associations de l’ODSE (dont AIDES) de décrocher deux rendez-vous, un dans chaque cabinet ministériel concerné au premier chef par ce dossier : la Santé et l’Intérieur. Explications.

Que ressort-il des rendez-vous avec les cabinets ministériels ?

Le premier rendez-vous s’est déroulé le 25 juin avec l’équipe rapprochée de la ministre de la Santé. A cette occasion, AIDES et les associations de l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers) ont appris que l’administration avait décidé d’intervenir dans la situation ubuesque du Val-de-Marne où un médecin de l’Agence régionale de santé (ARS) remettait des vagues d’avis défavorables concernant les étrangers malades et ralentissait les procédures. L’ODSE avait documenté ces dysfonctionnements et les avait dénoncés à maintes reprises. Le médecin de l’ARS s’est vu retirer ce dossier. Pour AIDES, il s’agit d’une victoire, parce que la situation s’améliore déjà dans ce département de la région parisienne et parce que cette décision vaut "mise au point". Elle devrait, de fait,  jouer le rôle d’avertissement pour tous les autres médecins des ARS qui ne respectent pas les orientations pourtant précises des arrêtés ministériels (Santé et Intérieur) en matière de droit au séjour pour soins. Lors du rendez-vous, les associations ont aussi pris connaissance d’une instruction interne que la Direction générale de la santé (DGS) a adressée aux directeurs des Agences régionales de santé concernant l’examen des dossiers des personnes étrangères malades.

Des points de dysfonctionnements

Au cabinet de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, les associations de l’ODSE ont exposé (27 juin) tous les points de dysfonctionnements. Prenons l’exemple de ce qui se passe à certains guichets de préfectures : absence de remise de récépissé, délais très longs, exigence de pièces administratives abusives… non prévues par les textes, etc. Un conseiller technique du ministre a indiqué que cela serait pris en compte dans le prochain guide d’accueil en préfecture qui est en cours d’amélioration et qui devrait sortir cet automne.

La santé en rétention

Autre point : la situation dans les centres de rétention administrative (CRA) où l’accès à un médecin est insuffisamment cadré. Sur ce point, le conseiller technique ministériel a fait part de l’avancée d’une réforme à laquelle les associations de défense des droits des étrangers à la santé pourraient être associées. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de l’actualisation de la circulaire de décembre 1999 qui concerne la santé en rétention. Un groupe de travail interministériel a été constitué en janvier 2012 composé de la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), de la Direction générale de la santé et du ministère de l’Intérieur. Un projet de circulaire a été élaboré début 2013 et présenté à un groupe de travail en mai dernier ; cette circulaires est destinée à mieux cadrer le rôle des médecins des ARS et ceux des unités médicales des centres de rétention administrative (UMCRA). Sans entrer dans tous les détails, l’ODSE a souligné, lors du rendez-vous au ministère de la Santé (25 juin), l’importance de donner un effet suspensif à la saisine du médecin de l’ARS, que ce soit pour les personnes en rétention ou incarcérées. L’ODSE fait remarquer que, pour le moment, la circulaire est de valeur nominative insuffisante pour une protection efficace.

La place de l’Office français de l’immigration et de l’intégration

En mars 2013 un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) sur les étrangers malades est sorti. Face aux difficultés du travail des médecins des Agences régionales de santé dans cette procédure, de l’hétérogénéité des avis rendus, le rapport officiel propose de confier les avis médicaux aux médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Cette proposition ne convient pas du tout aux associations car l’OFII est sous tutelle du seul ministère de l’Intérieur et fait de la médecine de contrôle… Si une telle évolution se dessinait, on assisterait à une mainmise de l’Intérieur sur toute la procédure, et un évident recul des préoccupations de santé publique.

Immigration : une réforme à venir

Par ailleurs, le calendrier du projet de loi sur l’immigration est chamboulé. Initialement, il devait être déposé fin juillet, c’est reporté. Il pourrait être présenté en conseil des ministres cet automne (entre le 21 septembre et le 20 décembre). Dans ce cas, les débats parlementaires se tiendraient après les élections municipales de mai 2014 avec une entrée en vigueur de la future loi en 2015. Si d’un côté le changement de calendrier a des avantages (la phase de négociation sur le contenu du futur texte est plus longue), de l’autre, il a un inconvénient : il ne met pas un terme aux dysfonctionnements actuels. Pour les associations, il est clair que des mesures provisoires doivent être prises dans l’attente pour y mettre fin.

Une mobilisation qui porte

La manifestation du 21 juin et la forte médiatisation qui a suivi ont largement contribué à l’obtention de ces rendez-vous. Ils ne permettent évidemment pas de résoudre tous les problèmes, mais permettent des avancées, dont les associations espèrent qu’elles seront utiles dans le cadre de la future réforme. De son côté, AIDES présentera à la rentrée son deuxième rapport sur son Observatoire des étrangers malades. Sa parution sera large et permettra d’en faire connaître les conclusions auprès des préfectures, des Agences régionales de santé, des partenaires et dans les instances de démocratie sanitaire comme les COREVIH.