EVE : "La spécificité de l’infection et de son impact pour les femmes a été longtemps ignorée"

Publié par jfl-seronet le 21.09.2013
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InterviewEnquête EVE

Infectiologue, spécialiste du VIH, le docteur Anne Simon travaille à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière (Paris). Elle a dirigé le chapitre Organisation des soins dans le Rapport d’experts Morlat 2013 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH. Elle est également vice-présidente de l’association Les Petits Bonheurs. Anne Simon a participé dès l’origine au projet EVE. Elle explique ce qu’elle en attend. Interview.

Quelle place allez-vous tenir dans ce projet et en quoi vous intéresse-t-il ?

Anne Simon : Je suis impliquée dans le projet EVE depuis le début même si je n’ai pas donné autant de temps que j’aurais voulu à son élaboration. Cette enquête m’intéresse car elle part du vécu des personnes et de leurs attentes, qu’elle a été conçue de façon très sérieuse avec des personnes touchées et des professionnels du soin, mais aussi de la recherche. Ceci est original et intéressant. Pour la mise en place de l’enquête, je vais relayer l’information auprès des soignants et des associations que je connais afin d’élargir le nombre de participantes qui pourraient répondre à l’enquête, ce qui lui donnera d’autant plus de valeur.

La question des effets indésirables est portée très régulièrement par les femmes vivant avec le VIH et depuis longtemps. Comme d’année en année, les mêmes revendications sont portées, on peut penser qu’il n’y a aucun progrès sur ces questions. Est-ce exact ?

AS : L’impact des effets indésirables des médicaments a été beaucoup amélioré au fur et à mesure des molécules disponibles. Il reste des effets généraux liés pour une grande partie à l’infection à VIH elle-même qui, en effet, n’ont pas beaucoup été étudiés. Ces signes et symptômes sont difficiles à analyser et à prendre en compte car peu spécifiques. De plus leur prise en charge est complexe car ils sont multifactoriels. L’analyse portée par l’enquête EVE permettra de mieux caractériser et donc probablement de mieux prendre en compte ces effets indésirables ressentis.

Un des postulats de cette enquête est, concernant les femmes, que l’impact du VIH et des traitements ne sont pas pris en compte par les soignants. Tout au moins que certaines spécificités de la vie avec le VIH quand on est une femme sont ignorées. Comment l’expliquez-vous ?

AS : Une des explications est que l’épidémie de l’infection à VIH en Europe et en France a été d’abord masculine. Les soignants n’ont donc pas pris en compte pendant longtemps la spécificité de l’infection et de son impact pour les femmes. Ceci est en train de se corriger à mon avis pour les soignants impliqués dans le soin, mais aussi dans la recherche.

Du point de vue de la méthode, il s’agit d’observer puis de plaider, de porter des revendications. Quels sont (seraient) les canaux appropriés pour porter ces revendications et permettre ainsi de franchir un cap ?

AS : De mon point de vue de clinicien, ce travail méritera que les résultats soient publiés. Une publication scientifique est un excellent vecteur d’informations pour les soignants. Pour aller jusqu’aux revendications, je fais confiance aux personnes et aux associations pour les porter.