EVE : "Un vrai projet communautaire dont je suis très fière"

Publié par jfl-seronet le 12.09.2013
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InterviewEnquête EVE

Participante à Femmes Séropositives en Action (FSA), Patricia est impliquée depuis le début dans le projet EVE. Elle revient sur son intérêt personnel et militant pour cette recherche communautaire spécifique aux femmes. Patricia est également présidente de la région Sud Ouest de AIDES.

Comment es-tu arrivée dans ce projet et quel rôle y tiens-tu ?

Patricia Girardi : J’ai vécu la belle rencontre des Femmes Séropositives en Action où est née l’idée de ce projet communautaire et scientifique autour d’un thème récurrent, mais qui reste un sujet de préoccupation et de difficultés. J’ai eu la possibilité d’intégrer le groupe de travail et de suivre son évolution jusqu’à l’enquête finale EVE. Maintenant je souhaite activement participer à la mobilisation et à l’action autour du projet.

La question des effets indésirables est portée très régulièrement par les femmes vivant avec le VIH et depuis longtemps. D’année en année, les mêmes revendications sont portées, on peut penser, du coup, qu’il n’y a aucun progrès sur ces questions. Est-ce le cas ?

PG : Oui cela semble être le cas, je l’entends dire depuis des années ! Mais je pense qu’il y a deux perceptions sur la question ; celle des patientes et celle des médecins. Les premières savent combien la vie avec le virus peut être porteuse de spécificités féminines tant au niveau social que médical ; et pourtant les femmes restent sous représentées dans les essais cliniques et les médicaments sont mis sur le marché sans que l’on ait des données sur des effets indésirables spécifiques aux femmes. Elles ne se sentent ni considérés, ni entendues. Dans leur quotidien, rien ne change vraiment. Et cela est encore plus vrai quand on est sous traitement depuis des années. Les médecins, eux, pensent que l’impact des médicaments a changé, que les choses s’améliorent, qu’il y a les effets indésirables communs qu’il faut accepter et que souvent il n’y a pas de solution satisfaisante. Mais les choses évoluent, il y a des progrès, une prise de conscience pour plus d’égalité dans la recherche et les soins de la part des pouvoirs publics. J’ai lu qu’un essai était 100 % femmes, l’essai WAVES, pour la prévention des risques d’effets indésirables concernant un nouveau médicament avant sa mise sur le marché. Il faut aussi reconnaitre qu’il y a aujourd’hui suffisamment de molécules pour prescrire des multi-thérapies qui peuvent minimiser les effets indésirables.

Un des objectifs de ce projet est de contribuer à améliorer les relations entre les femmes vivant avec le VIH et leur médecin. Quelle(s) expérience(s) as-tu dans ce domaine ? Les effets indésirables que tu as pu connaître (ou connais encore) ont-ils été pris en compte ?

PG : Depuis le début, mon souci a été de créer une vraie relation avec mon médecin, d’instaurer un vrai dialogue basé sur la confiance et sur l’humain. Un jour, le médecin-conseil de la CPAM [Caisse primaire d’assurance-maladie, ndlr] m’a dit que les maladies chroniques étaient la bête noire des médecins parce qu’ils étaient confrontés à leur impuissance, en situation d’échec. Depuis, j’ai la réponse à ce que l’on peut prendre pour de l’indifférence. C’est un peu comme ça devant des effets indésirables pour lesquels il n’y a pas toujours de solution et cela malgré toutes sortes d’examens, comme c’est mon cas au sujet de douleurs musculaires invalidantes. Je reste très préoccupée par l’absence de réponse au sujet des conséquences de la lipodystrophie. Mais ce dont je suis certaine c’est qu’il ne faut pas hésiter à en parler, à dire aussi les solutions alternatives que nous avons trouvées de façon plus ou moins empirique ; et puis il y a la formule magique : "Docteur, j’ai besoin de votre aide !" Comment résisterait-il ?

Quelles sont les garanties dans l’élaboration et la conduite de ce projet pour qu’une étape soit franchie sur ce sujet ?

PG : Ce qui peut garantir que l’on aboutisse aux objectifs souhaités c’est l’investissement des personnes concernées, la prise de conscience par toutes qu’il s’agit bien d’un projet communautaire, que l’enquête EVE est une étape importante pour un après qui le sera tout autant. Il me semble primordial que les personnes aient un rôle actif à jouer auprès de leur médecin traitant et infectiologue, pour les sensibiliser en leur présentant par la suite le résultat/évaluation de l’enquête EVE. Que chacun contribue au changement à son niveau.

Ce projet est une recherche construite de façon communautaire. En quoi est-ce important pour toi ?

PG : C’est essentiel pour moi ! Un projet porté par les femmes, en partant de leur vécu de leurs problématiques, un vrai projet communautaire dont je suis très fière est pour moi l’expression des valeurs de l’association dont je fais partie, de son utilité et de sa capacité à concilier intérêts individuels et collectifs des femmes séropositives.

Si tu devais retenir un argument pour inciter les femmes vivant avec le VIH à participer à ce projet, quel serait-il ?

PG : Plusieurs me viennent : "Rien ne peut ni ne doit se faire pour toi sans toi" ; "Inévitablement nous sommes, nous serons toutes concernées par les effets indésirables des traitements" ; "Résignation ou fatalisme ne sont plus permis, EVE te donne la possibilité de t’exprimer", "Saisis la chance de te faire entendre !".