Fin des épidémies ? Nouvelle sonnette d’alarme !

Publié par jfl-seronet le 06.09.2018
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Mondefin des épidémies

Chaque édition de la Conférence internationale sur le sida donne l’occasion de faire le point sur les besoins financiers pour mettre fin au VIH/sida, à la tuberculose et au paludisme. À Amsterdam, la nouvelle édition du rapport "Get Back on Track !" du Global fund advocates network (GFAN) a été publiée. Ce rapport se fonde sur les estimations des partenaires techniques du Fonds mondial (1). Il estime les besoins annuels d’ici 2020 à 46 milliards de dollars.

Le document porte un titre évocateur : "Revenir sur la bonne voie pour mettre fin aux épidémies". Il entend être un signal d’alarme : si rien n’est fait et les besoins financiers actuels non satisfaits, les "épidémies de VIH, de tuberculose et de paludisme persisteront et risquent de ressurgir", là où elles auront pu être contraintes. En fait, c’est simple à comprendre : on peut mettre fin aux trois épidémies — techniquement, c’est possible —, mais on ne peut le faire qu’à la condition d’une "augmentation significative des financements internationaux (…) immédiate".

Des résultats importants… mais fragiles

Quelques chiffres montrent qu’il y a eu des résultats importants ces dernières années, grâce, notamment à un engagement financier. Ainsi, fin 2016, 20,9 millions de personnes avaient reçu un traitement contre le VIH, soit plus de la moitié de toutes les personnes vivant avec le virus. Le nombre de personnes infectées chaque année a diminué de moitié au cours de la dernière décennie, rappelle le rapport du GFAN. Les cas de tuberculose ont diminué de 1,5 % par an et les décès de 30 % depuis 2002, sauvant ainsi plus de 50 millions de vies. Depuis 2000, les nouvelles infections au paludisme ont baissé de 37 % et la mortalité de 60 % dans le monde. Grâce à ces progrès, les expert-e-s estiment que sept millions de vies ont été sauvées, en majorité chez les nourrissons et les enfants.

Mais ces succès indéniables ne doivent pas être un écran de fumée sur la situation actuelle. Différentes données montrent que "le monde n’est pas en bonne voie pour mettre fin aux trois grandes pandémies". Que disent les données et tendances actuelles ? D’abord que le VIH est la principale cause mondiale de décès précoce chez les femmes âgées de 15 à 49 ans. A lui seul, le virus est responsable de 5 % des handicaps chez les adultes de 15 à 49 ans, indique le rapport du GFAN. Au total, 37,6 millions de personnes vivent avec le VIH et 1,8 million de personnes sont nouvellement infectées chaque année. Ensuite, que la tuberculose est la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde, avec plus de 10 millions de nouveaux cas chaque année et 1,8 million de décès par an. Plus d’un quart de la population mondiale est porteuse d’une tuberculose latente, et des milliards de personnes sont à risque d’infection et de maladie. Enfin, que le paludisme a infecté environ 216 millions de personnes en 2016, provoqué le décès de 445 000 personnes, dont 285 000 enfants de moins de cinq ans. Le paludisme tue un enfant toutes les deux minutes, et reste l’une des principales causes de la mortalité infantile dans le monde, souligne le rapport.

La riposte mondiale a perdu de son élan

Dans les trois cas, ces maladies transmissibles sont dynamiques et peuvent ressurgir partout où les efforts de santé publique marquent le pas ou faiblissent. Pour le GFAN, il existe aujourd’hui des "signes troublants" que la "riposte mondiale contre ces trois épidémies a perdu de son élan".

Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Le GFAN avance, entre autres, le fait qu’il y a beaucoup de jeunes dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Or, dans ces pays, ce sont les adolescents et les jeunes femmes qui restent fortement exposés aux trois grandes épidémies. Autre facteur, les populations clés (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, personnes usagères de drogues, personnes travailleuses du sexe, personnes trans, personnes détenues…), c’est-à-dire les groupes les plus à risque de contracter l’une des trois pandémies, sont encore largement négligées par les systèmes de santé, et "touchées de plein fouet par les profondes disparités sociales, juridiques et économiques qui nourrissent les épidémies". Le GFAN mentionne aussi les programmes communautaires qui sont gravement sous-financés, ou le fait que "dans de nombreux pays, des forces politiques autoritaires et régressives sapent la primauté de l’état de droit, de la science et le respect des droits humains, et empêchent les personnes d’accéder à la prévention et aux soins, et de s’organiser pour défendre leur santé et leurs droits", etc. On doit également mentionner que l’accès aux traitements et à la santé est "menacé par des intérêts privés influents". "Certaines sociétés pharmaceutiques, ainsi que des politiciens et des représentants de structures à but lucratif, agissent pour maximiser les profits et empêcher l’utilisation des flexibilités de l’accord sur les ADPIC (2). Ces actions se font au détriment des budgets nationaux et des dépenses personnelles des particuliers et des ménages, mais surtout au détriment de l’accès des populations à des traitements abordables et à l’amélioration de la santé publique", rappelle le rapport de l’ONG. A ces différents éléments s’ajoutent encore le fait que l’aide internationale au développement pour la santé des pays les plus riches du monde stagne et que de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire ne sont pas prêts à intensifier les programmes de lutte contre les épidémies à cause de la faiblesse des systèmes de santé, du manque de programmes ciblés dont les interventions communautaires, du manque de ressources financières et de volonté politique à investir dans la santé.

2020 : un objectif inatteignable ?

Sans vouloir jouer les Cassandre, les expert-e-s du GFAN expliquent que "les données montrent maintenant que le monde n’atteindra pas les objectifs fixés pour 2020" et que "si les niveaux actuels d’investissements et de programmation ne sont que maintenus [alors qu’ils sont plutôt sur une pente descendante, ndlr], les objectifs de lutte contre les trois pandémies pour 2025 et 2030 ne seront pas atteints." Autrement dit, l’échec se profile. Ce qu’il est intéressant de noter dans le rapport du GFAN, c’est que les expert-e-s ne croient pas à la thèse qu’’une optimisation des financements actuels sera suffisante. On entend souvent que le problème n’est pas tant le volume des financements que l’emploi des financements actuellement disponibles. Autrement dit, on peut réussir avec ce que l’on a… sans ajouter au pot. Pas du tout estiment les expert-e-s qui parlent "d’hypothèses irréalistes d’amélioration massive de l’impact des financements déjà disponibles". Battue en brèche aussi, la thèse que la solution résiderait aussi dans une augmentation "des investissements des pays en développement eux-mêmes". Ces deux éléments, souvent avancés par les pays du Nord, ne suffiront pas. Il faut jouer sur l’ensemble de ces paramètres (hausse des financements de la part des donateurs internationaux, optimisation des financements déjà disponibles et augmentation des investissements des pays en développement eux-mêmes) pour ne pas échouer.

Plus de fonds pour s’en sortir

Les partenaires techniques du rapport du GFAN ont estimé que le montant total des ressources financières nécessaires pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’élève à 46 milliards de dollars annuels, dont GFAN estime que 14,55 à 18 milliards de dollars devraient être investis via le Fonds mondial sur la période 2020- 2022. Pour la sixième conférence de reconstitution du Fonds mondial, prévue en France en 2019, cela correspondrait à une augmentation au minimum de 22 %, par rapport aux 11,9 milliards de dollars levés lors de la cinquième conférence de reconstitution (2017-2019). Les pays donateurs doivent donc s’engager sans délai à augmenter leur contribution au Fonds mondial pour la période 2020-2022.

Dans sa conclusion, le rapport fait des recommandations à l’ensemble des acteurs de la lutte contre ces trois pandémies, mais axe surtout ses demandes à l’égard des gouvernements des pays donateurs et des pays en développement qui "doivent reconnaître l’urgence et le danger de la situation, et mobiliser des ressources financières supplémentaires sans délai". Il attend aussi du Fonds Mondial, compte tenu de son efficacité et de son rôle central dans le financement des ripostes aux épidémies, qu’il se "fixe des objectifs ambitieux de mobilisation des ressources financières pour la période 2020-2022", et "détaille les coûts de l’inaction". Autrement dit qu’il explique clairement ce qui se passera si les financements ne sont pas au rendez-vous.

(1) : Il s’agit de l’Onusida, du Stop TB Partnership et du partenariat Malaria No More.
(2) : L'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle, qui touchent au commerce. Informations en anglais, mais certains documents sont disponibles aussi en français.

Commentaires

Portrait de lapinpositif

L'intention est louable : la fin des épidémies humaines! Mais quelle manque de lucidité ou un volonté de faire croire à la fin d'un phénomène biologique humain : les épidémies virales ou bactériologiques. 

Elles sont toujours existées et existeront toujours! A part la peste (et encore..), toutes les épidémies que nous connaissons ont toutes existées avant l'arrivée du VIH.. Et elles survivent toujours, malgré les progrès de la médecine. 

Le 0 risque n'existe pas.. c'est la vie et l'éridation du VIH n'est qu'un voeux pieux de quelques idéologues! regardez la syphilis!! elle avait disparue mais elle revient...