Fonds mondial : la France fait le minimum syndical

Publié par jfl-seronet le 17.07.2013
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PolitiqueFonds Mondial contre le sida

Ces dernières semaines, les associations de lutte contre le sida, AIDES, Solidarité Sida en tête, ont interpellé François Hollande, l’enjoignant de tenir ses promesses concernant le financement mondial de la lutte contre le sida… Et cela alors que Bercy sous la houlette de Pierre Moscovici multiplie les efforts pour que la France se désengage de son rôle de leader de la lutte contre le VIH. Résultat ? Une annonce qui assure le service minimum. Rappel des faits et passage en revue des réactions.

L’Elysée communique

Une fois n’est pas coutume, commençons par la façon dont l’Elysée a rendu compte de la "Rencontre avec des représentants français de la lutte mondiale contre le sida". La rencontre s’est déroulée le 15 juillet dans l’après-midi. Etaient invités le professeur Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine, le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), Pierre Bergé, président de Sidaction, Bruno Spire, président de AIDES, et Emmanuel Trénado, secrétaire permanent de Coalition PLUS. "Le chef de l’Etat les a informés qu’il a décidé, malgré les contraintes budgétaires, que la contribution française au Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sera au moins aussi importante pour les trois prochaines années (2014-2016), soit de 1,08 milliard d’euros", indique le communiqué élyséen.

Et un peu de propagande au passage : "La France a fortement soutenu depuis 1997 l’accès des malades des pays pauvres aux traitements contre le VIH/sida. Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et la facilité internationale d’achats de médicaments UNITAID ont été créés à son initiative. La France est le second donateur du Fonds mondial et le premier d’UNITAID. La France est à l’avant-garde des financements innovants pour la santé mondiale, notamment pour la lutte contre les maladies transmissibles."

"Les activités ayant le plus bénéficié de la mondialisation doivent contribuer à la solidarité internationale", indique le communiqué. Roulement de tambour… on attend la sortie sur la taxe sur les transactions financières. Patatras, François Hollande dégaine d’abord une hausse de la taxe sur les billets d’avion. "Le président de la République a décidé de revaloriser la taxe sur les billets d’avion, pour la première fois depuis sa mise en place en 2006", indique l’Elysée. Et puis tout de même, il explique que François Hollande a "décidé qu’une partie du produit de la taxe sur les transactions financières serait affectée au développement, notamment à la santé en Afrique", mais se garde bien d’indiquer un montant. Ah oui, n’oublions pas l’hommage aux associations (un classique de ce type de rendez-vous). Cela donne : "Le chef de l’Etat a tenu à saluer le rôle et la mobilisation des associations pour leur action en France et dans le monde en faveur de la prévention, du dépistage, de l’accès universel aux traitements, de l’accompagnement et la défense des droits des malades. Leur action, complémentaire de celle des Etats, est irremplaçable." A tel point que leurs crédits baissent régulièrement.

AIDES réagit

"En dépit des pressions exercées par Bercy pour faire baisser la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le mécanisme le plus coût-efficace de mise sous traitement des personnes vivant avec le VIH dans le monde, François Hollande a annoncé hier soir que la France assurerait le minimum avec une contribution "au moins aussi importante pour les trois prochaines années (2014-2016), soit de 1,08 milliard d'euros"", indique AIDES dans un communiqué (16 juillet). "Un an auparavant, le chef de l'Etat avait pris l'engagement à Washington que la France mènerait le combat pour mettre 7 millions de malades de plus sous traitement antirétroviral grâce à des financements innovants supplémentaires. Or avec les nouvelles recommandations de l'OMS, ce ne sont plus 7, mais 16 millions de personnes qui attendent un traitement anti-sida dans le monde", indique l’association.
"La France a été leader dans la découverte du VIH il y a 30 ans, puis dans la création du Fonds mondial il y a un plus de 10 ans. Aujourd'hui encore, c'est à la France d'aller plus loin. Cette fois-ci, c'est à François Hollande de mener la marche vers la fin de l'épidémie. Et il le peut. François Hollande peut augmenter la contribution au Fonds mondial de 40 millions d'euros annuels grâce aux 5 % de la TTF française dédiés à la santé. François Hollande peut imposer à Pierre Moscovici le choix d'une TTF européenne forte dont 5 % iraient au Fonds mondial", avance AIDES. Pour l’association : "François Hollande peut rallier à ses efforts ses homologues du monde entier en hébergeant à Paris la conférence de reconstitution du Fonds mondial". Mais le veut-il ? Manifestement pas encore si on en juge par la décision du 15 juillet.

"François Hollande peut être le Président de la fin du sida. Pour cela, il doit faire primer sa vision politique sur la myopie de Bercy", estime Bruno Spire, président de AIDES. Une façon d’illustrer le fait que "faire de la politique, ce n'est pas réajuster des arbitrages budgétaires d'année en année selon les intérêts des uns et les résistances des autres. Faire de la politique, c'est s'engager pour une vision du monde et se donner les moyens pour y parvenir."

Act Up Paris parle de trahison

Titré : "Hollande trahit les malades du sida", le communiqué d’Act Up-Paris (16 juillet) estime que : "François Hollande vient d'annoncer une baisse de l'aide publique au développement (APD) pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Cette baisse est masquée par un emploi compensatoire limité des produits de la taxe sur les transactions financières." Pour l’association, il est clair que : "Hollande a donc trahi ses engagements". Et l’association de rappeler l’engagement de campagne n°57 : "Agir pour une aide accrue aux pays en développement et pour un renouveau du multilatéralisme". Mais aussi l’engagement lors de la conférence de Washington en juillet 2012 : "Arrêter l'épidémie de sida dans le monde, c'est possible. Je veux ici renouveler l'engagement que nous parviendrons à traiter (...) 15 millions de malades du sida." "Il s'était engagé pour cela à mettre des moyens supplémentaires provenant de financements innovants", pointe l’association. "Alors qu'il sait que l'OMS [Organisation mondiale de la santé, ndlr] recommande aujourd'hui de traiter non plus 15, mais 26 millions de malades dans le monde, Hollande a réduit l'aide publique au développement. La taxe sur les transactions financières n'a servi en rien à améliorer l'accès aux soins ; elle a servi de masque à la baisse de l'APD", souligne Laure Pora, présidente d'Act Up-Paris.

Entre déception et soulagement… pour Solidarité Sida

"C’est donc 1,08 milliard d’euros qui sera versé au Fonds mondial, soit le même montant que ces trois dernières années. Cette nouvelle nous déçoit autant quelle nous soulage", indique le communiqué (16 juillet) de Solidarité Sida. "C’est pour que le slogan "Des médicaments pour tous" ne soit pas un simple vœu pieu que nous avions lancé il y a quelques semaines notre appel au Président de la République pour une hausse de cette contribution, seule condition à nos yeux pour que les progrès de l’accès aux traitements se poursuivent dans les pays les plus démunis", rappelle l’association. "Personne ne doit oublier qu’aujourd’hui encore, plus de 7 millions de malades à travers le monde n’ont pas accès à ces traitements, soit un malade sur deux ; que des enfants naissent chaque jour porteurs du VIH parce que leurs mères n’ont pas eu accès au traitement qui limite la transmission de la mère à l’enfant.

Nous n’avons malheureusement pas été entendus. Nous ne pouvons que le regretter", déplore l’association. "A Solidarité Sida, nous avons pleinement conscience que le contexte économique et budgétaire national et international rendait cette décision courageuse, et qu’en maintenant sa contribution au niveau actuel, la France reste le deuxième pays contributeur derrière les États-Unis. Mais nous ne nous résoudrons jamais à ce que les malades du sida puissent être des victimes collatérales de la crise."

Pierre Bergé… se félicite

"Ce n'est pas un rafistolage de dernière minute, c'est pour trois ans", s'est quant à lui félicité Pierre Bergé, cité par l’AFP. Il s’est dit "très reconnaissant au président de la République d’avoir pris cette décision dans la situation un peu difficile que l'on connaît aujourd'hui" sur le plan budgétaire. "Heureusement que la France est là alors que d'autres pays ne participent pas ou de manière insuffisante à ce fonds", a-t-il ajouté. Il a même fait valoir que "ramené au budget et au nombre d'habitants, la France était le premier contributeur et de loin" au fonds. Bon, d’évidence, l’Elysée pourrait se passer de service de presse, tant Pierre Bergé couvre d’éloges la décision présidentielle. Et pourtant, le naufrage est évité, malgré les coupes souhaitées par Bercy, parce qu’il a été décidé une revalorisation de la taxe sur les billets d'avion. En matière d’avancée dans les financements innovants… on doit pouvoir connaître mieux. Et cette annonce dissimule mal le sabordage par la France, quoi qu’en dise le gouvernement, de la taxe sur les transactions financières.


UNITAID : la taxe sur les billets d'avion sera relevée
Mise en place par Jacques Chirac en 2006, la taxe sur les billets d’avion qui finance la lutte contre le sida va donc être relevée. Ce prélèvement s’applique à tous les vols au départ des aéroports français, sauf en cas de correspondance. On ne connaît pas l’ampleur du relèvement de la taxe, expliquait (16 juillet) le journal économique "Les Echos". Le montant de cette taxe est donné à UNITAID, une organisation internationale d'achats de médicaments (anti-VIH, antipaludéens, anti-tuberculose) centralisés afin d'obtenir les meilleurs prix possibles et permettre ainsi une large diffusion dans des pays du sud. La taxe pour UNITAID a été adoptée dans une trentaine de pays.