Formes sévères de la Covid-19 : qui est concerné ?

Publié par jfl-seronet le 16.02.2021
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ThérapeutiqueCovid-19

Quels sont les facteurs de risque associés à l’hospitalisation et au décès pour cause de Covid-19 ? Quelle part y prennent les maladies du foie et le VIH ? C’est ce que nous permet de comprendre une vaste étude réalisée sur 66 millions de personnes en France (1). Les résultats ont été publiés le 9 février.

Des données multiples

Les données de l’étude conduite par Epi-Phare (2) concernent pas moins de 66 millions de personnes (66 050 090 personnes, pour être précis). Son objectif est de connaître sur des données françaises les facteurs de risques médicaux ou socio-économiques associés au risque d’hospitalisation pour Covid-19 et à celui de décès à l’hôpital. Cette analyse a été réalisée à partir des données du système national des données de santé (SNDS). Cette étude de cohorte est, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament, l’une des plus vastes jamais réalisée en population générale. Elle a porté sur la première vague de l’épidémie (du 15 février au 15 juin 2020). Elle a étudié le lien entre 47 maladies chroniques et le risque de développer une forme sévère de la Covid-19. Durant cette période, sur plus de  66 millions de personnes, ce sont un peu plus de 87 800 personnes qui ont été hospitalisées pour cause de Covid-19, dont 15 660 sont décédées, à l’hôpital.

Critères d’un risque aggravé

Les résultats confirment que les personnes âgées sont de loin les plus fragiles face à la Covid-19. Les risques d’être hospitalisé-e ou de décéder des suites de ce virus augmentent de façon exponentielle avec l’âge. Ainsi, par rapport aux 40-44 ans, le risque d’hospitalisation est doublé chez les personnes âgées de 60-64 ans, triplé chez celles âgées de 70-74 ans, multiplié par six chez les personnes de 80-84 ans et par douze chez les 90 ans et plus. L’association avec l’âge est encore plus marquée pour le risque de décès avec, par rapport aux personnes âgées de 40-44 ans, un risque multiplié par douze chez les 60-64 ans, par 30 chez les 70-74 ans, par 100 chez les 80-84 ans et par presque 300 chez les 90 ans et plus. L’étude confirme également que les hommes sont plus à risque d’hospitalisation et de décès pour la Covid-19 que les femmes ; le risque est multiplié respectivement par 1,4 et 2,1.

Impact des maladies chroniques

La taille de l’étude, portant sur l’ensemble de la population, a permis d’effectuer une estimation précise des risques que fait courir le virus aux personnes ayant des maladies courantes ou moins fréquentes. Elle souligne notamment que « la quasi-totalité des affections chroniques (ALD) est associée à des risques accrus d'hospitalisation et de décès pour Covid-19, à l'exception de la dyslipidémie [concentration trop élevée de triglycérides et de LDL cholestérol dans le sang, ndlr] ».

Les données ont permis d’établir un classement des « associations les plus fortes » : si je vis avec telle ou telle maladie, suis-je plus exposé-e à un risque d’hospitalisation, voire de décès à l’hôpital ? Les personnes les plus vulnérables face au Sars-CoV-2 sont celles souffrant d’une des sept maladies ou situations suivantes : trisomie 21 (7 fois plus de risque d’hospitalisation et 23 fois plus de risque de décès) ; retard mental (4 fois plus de risque d’hospitalisation et 7 fois plus de risque de décès) ; mucoviscidose  (4 fois plus de risque d’hospitalisation et 6 fois plus de risque de décès) ; insuffisance rénale chronique terminale sous dialyse (4 fois plus de risque d’hospitalisation et 5 fois plus de risque de décès) ; cancer actif du poumon (3 fois plus de risque d’hospitalisation et 4 fois plus de risque de décès) ; transplantation rénale (5 fois plus de risque d’hospitalisation et 7 fois plus de risque de décès) ; transplantation du poumon (3 fois plus de risque d’hospitalisation et 6 fois plus de risque de décès). Ce classement peut différer si on prend en compte un critère d’âge. Par exemple, les personnes âgées de moins de 80 ans sont plus exposées aux risques de forme sévère de la Covid-19 en présence de certaines maladies chroniques telles que le diabète ou le cancer.

Concernant le VIH et les hépatites

Si la quasi-totalité des affections chroniques « étaient positivement associées à des risques accrus d’hospitalisation pour Covid-19 et de décès à l’hôpital », il y a des différences nettes entre elles. Les auteurs-rices rappellent qu’en France 146 204 personnes vivent avec le VIH. Parmi elles, 575 ont été hospitalisées (du 15 février et 20 juin 2020) (0,2 %) et 64 sont décédées « pour Covid-19, en milieu hospitalier » (0,04 %). Pour les hépatites virales, c’est plus difficile de donner des chiffres précis car l’étude a retenu le critère de « maladies du foie ». L’effectif global des personnes atteintes d’une maladie du foie est de 397 282 personnes. Parmi elles, 2 170 ont été hospitalisées (du 15 février et 20 juin 2020) (0,6 %) pour Covid-19 et 487 en sont décédées (0,12 %). Par comparaison, le diabète concerne 3 806 155 personnes : 19 231 ont été hospitalisées pour Covid-19, dont 4 789 sont décédées.

Dans leur étude, les chercheurs-ses expliquent avoir identifié un « sur-risque » chez les patiens-tes les plus défavorisés-es  suggérant « que d’autres facteurs sociaux (logement, nombre de membres du foyer familial, transport, profession, etc.) que les éléments médicaux pourraient également jouer un rôle dans le développement d’une forme sévère de Covid-19 ».

Que retenir ?

On savait déjà que l’âge est le facteur de risque principal de développement d’une forme sévère de Covid-19. On savait aussi que le genre masculin et plusieurs comorbidités (cardio-vasculaires, obésité, hypertension, cancer actif, diabète, etc.) sont associés à un risque plus élevé d’hospitalisation, et/ou de décès lié à la Covid-19. Ce que nous apprend cette étude, c’est que la « quasi-totalité des affections chroniques étaient positivement associées à des risques accrus d’hospitalisation pour Covid-19 et de décès à l’hôpital » avec des différences de degré selon les maladies concernées. En effet, sept maladies et situations étaient associées en population générale à des risques relatifs ajustés d’hospitalisation pour Covdi-19 supérieur à deux et de décès supérieur à quatre ».

 

(1) : Cette étude s’appuie sur le système national des données de santé (SNDS). C’est un ensemble de bases de données strictement anonymes, comprenant toutes les données de remboursement de l'assurance maladie obligatoire, en particulier les données provenant du traitement des remboursements des soins de santé (feuille de soins électroniques ou papier) et des données provenant des établissements de santé (PMSI). Il couvre l’intégralité de la population française, et a largement été utilisé en France afin de mener des études en pharmaco-épidémiologie. 
(2) : Le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare est constitué par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM)