France : 6 372 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en 2012

Publié par Renaud Persiaux le 29.11.2013
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Chiffresépidémiologie 2012

L’Institut de veille sanitaire (InVS) a publié les chiffres de surveillance 2012 pour le VIH, le sida et les IST, ainsi que de nouvelles données concernant l’enquête presse gay et lesbienne 2011. En voici 5 points forts.

6 372 personnes ont découvert leur séropositivité en 2012. Parmi elles, il y a eu environ 42 % de HSH (ce terme épidémiologique regroupe les gays, les bisexuels et tous les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes), la seule population où le nombre de découvertes augmente, 23 % de femmes et 15 % d’hommes hétérosexuels nés à l’étranger, 7 % de femmes et 10 % d’hommes hétérosexuels nés en France, et 1 % d’usagers de drogues.

1 - L’intérêt du dépistage communautaire

42 % de HSH parmi 6 372 les nouvelles découvertes, cela donne un chiffre de 2 676. C’est 300 de plus que l’an dernier. Un chiffre que Françoise Cazein et Josiane Pillonel, épidémiologistes à l’InVS, mettent en relation avec les 330 TROD positifs, même s’ils ne sont pas la seule cible de ces tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) réalisés en milieu associatif. Quelques 32 000 TROD ont été réalisés en 2012 (dont plus de 22 000 par AIDES), il y en avait eu 4 000 en 2011. Selon les deux épidémiologistes, les TROD permettent, outre les personnes qui se font dépister par ce moyen, de faire la publicité du dépistage et de contribuer au recours au dépistage par le système classique (CDAG, laboratoires, etc.).

2 - Des gays qui se dépistent plus que les hétéros

Notamment parce qu’ils demandent plus souvent le dépistage (32 %) que les hétérosexuels (18 %), les gays découvrent leur séropositivité plus précocément : 62 % alors qu’il n’y a pas de symptômes, et 21 % dans les mois qui suivent l’infection (primo-infection). Mais cela reste insuffisant pour infléchir l’épidémie. D’autant que deux épidémiologistes de l’Inserm, Virginie Supervie et Dominique Costagliola, ont estimé récemment qu’environ 9 000 HSH sont séropositifs sans le savoir. Ils ne sont pas les seuls : 9 800 hétérosexuels nés en France, 9 500 hétérosexuels nés à l’étranger et 500 usagers de drogues ignoreraient leur séropositivité.

Les recommandations émises par la Haute autorité de santé en 2009 de généraliser le dépistage n’ont eu qu’un faible impact, note l’InVS. Le nombre de dépistages plafonne à 5,2 millions (en 2011 et 2012) avec peu de personnes dépistées séropositives en dehors des groupes les plus exposés (HSH, migrants). Ce qui a amené le groupe d’experts français sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH à recommander, en septembre dernier, de mettre plutôt l’accent sur le dépistage ciblé de ces groupes, et de "réajuster le dépistage généralisé trop difficile à mettre en œuvre" vers un "dépistage large" fondé sur des signes cliniques évocateurs ou des situations à risque, même anciennes.

3 - Encore trop de découvertes au stade sida

En 2012, il y a eu 1 500 cas de sida, un chiffre qui ne baisse plus, malheureusement, depuis 2008. C’est que, malgré les progrès des traitements, plus efficaces, plus simples à prendre, mieux tolérés (au point que le traitement soit désormais recommandé pour toutes les personnes vivant avec le VIH, alors qu’avant il dépendait essentiellement de l’état du système immunitaire, le taux de CD4), encore trop de personnes découvrent leur séropositivité très tardivement. Plus de 60 % des cas de sida ont lieu chez des personnes qui ne connaissaient pas leur statut, et 23 % chez des personnes qui le connaissaient mais n’étaient pas traitées. Seuls 16 % sont survenus chez des personnes dépistées et traitées, dont d’autres études suggèrent que la majorité, sans doute, avait été prise en charge trop tardivement. Les études se multiplient qui soulignent que les prises en charge tardives ont un impact négatif durable sur l’espérance de vie et la qualité de vie. Alors que si on est dépisté et traité tôt, l’espérance de vie tend à rejoindre celle de la population générale.

4 - Des rapports sans préservatifs fréquents chez les gays et une connaissance de l’effet préventif du traitement (TASP) encore très limitée

De nouvelles données de l’enquête presse gay (10 448 HSH ont répondu à l'enquête) et lesbienne 2011 confirment la baisse de l’utilisation du préservatif chez les gays, même s’ils continuent à utiliser le préservatif d’avantage que les hétérosexuels. Au dernier rapport sexuel, 33 % des gays ont eu un rapport sans préservatif avec un partenaire occasionnel connu et 25 % avec un partenaire occasionnel anonyme. Avec un partenaire stable, l’arrêt du préservatif est fréquent, les deux tiers des gays ne l’utilisent pas. Dans le même temps, seules 40 % des personnes discutent du statut sérologique avec un partenaire occasionnel connu, et 19 % avec un partenaire occasionnel anonyme.

Autre élément important, la connaissance de l’effet préventif du traitement (TASP, treatment as prevention) mesurée ici par la question "les traitements permettent aux séropositifs de ne plus transmettre le virus", est encore très faible. Seul un tiers (35 %) des personnes se déclarant séropositives le savaient. Un chiffre qui chute à 10 % chez les personnes se déclarant séronégatives, 13 % des personnes se déclarant séro-interrogatives et 7 % des personnes jamais testées.

Pour Annie Velter, sociologue à l’InVS, "le niveau de connaissance des répondants de l’impact des traitements sur la charge virale et la transmission du virus est révélateur d’un manque d’informations qui mériterait d’être comblé". Concernant la faible discussion autour du statut sérologique et alors que 17 % des HSH se déclarent séropositifs, la sociologue propose d’"agir sur la sérophobie au sein de la population HSH". Deux propositions raccord avec celles du groupe d’experts rendues publiques en septembre 2013, qui recommandaient aux médecins de parler systématiquement du TASP à leurs patients et enjoignaient tous les acteurs, médicaux, non médicaux et associatifs de modifier le regard porté sur les personnes vivant avec le VIH en informant notamment sur l’intérêt préventif du traitement.

Deux propositions d’autant plus urgentes, que de nombreuses personnes n’utilisant pas le préservatif systématiquement déclarent n’utiliser aucune mesure de réduction des risques, qu’il s’agisse du contrôle de l’infection VIH (TASP), du sérosorting (pratiques qui consistent à choisir son partenaire sexuel en fonction de son statut sérologique : relations sexuelles entre séropositifs ou entre séronégatifs) ou séropositionning (adaptation des pratiques sexuelles en fonction du statut sérologique de son partenaire : application de diverses pratiques de réduction des risques en fonction du statut sérologique du partenaire).

16 % des personnes se déclarant séronégatives, 25 % des personnes se déclarant séropositives, 55 % des personnes se déclarant séro-interrogatives et 35 % des personnes se disant jamais testées, disent ne mettre en œuvre ni l’usage systématique du préservatif ni aucune de ces techniques.

5 - Les IST toujours en augmentation

Le gonocoque et les chlamydiae ("chaude-pisse") augmentent chez les hommes et chez les femmes (la proportion d’hétéros est de plus en plus importante).

Trois autres IST concernent très majoritairement les gays/HSH : les syphilis qui augmentent depuis 2009, à la fois en Ile-de-France et en province. Les gays/HSH représentent 88 % des cas et 38 % des personnes chez lesquelles on dépiste une syphilis sont aussi infectées par le VIH. La LGV (lymphogranulomatose vénérienne), une inflammation du rectum liée à certaines chlamydiae (les L1, L2, L3) est stable depuis 2008. En revanche, d’autres rectites, dites "non L" augmentent. La LGV reste majoritairement chez les personnes séropositives (8 à 9 cas sur 10) tandis que les rectites "non L" se répandent chez les séronégatifs : 27 % des cas en 2009, 42 % en 2010, et 59 % en 2011.

Conclusion : les IST, parlez-en à vos médecins, faites-vous dépister et traiter !

Commentaires

Portrait de bernardescudier

Merci pour les statistiques