Françoise Barré-Sinoussi : les moyens de la lutte

Publié par jfl-seronet le 07.07.2013
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Politiqueaccès aux traitementsfonds mondial

Régulièrement, Françoise Barré-Sinoussi monte au créneau en sa qualité de présidente de la Société Internationale sur le Sida et de prix Nobel de médecine, elle met en avant un plaidoyer pour l’accès universel des traitements et le financement au niveau mondial de la lutte contre le sida. Récemment, elle a publié une nouvelle tribune sur le Huffington Post. En voici quelques extraits.

"Malgré les progrès de la recherche, depuis la première description du sida en juin 1981, prononcer le mot "guérison" reste délicat", indique Françoise Barré-Sinoussi. "Trente ans de recherche nous ont permis d'aboutir à une connaissance extrêmement détaillée des mécanismes de réplication du virus et de sa dissémination dans divers compartiments du corps. Les résultats les plus remarquables de ces progrès scientifiques sont les combinaisons d'antirétroviraux (ARV), apparues en 1996, qui ont permis de réduire de plus de 85 % la mortalité des patients. Au cours des dernières années, la science a par ailleurs montré que ces ARV pouvaient également être de puissants outils de prévention de l'infection", explique la Prix Nobel. Mais son propos est surtout économique. Ainsi, Françoise Barré-Sinoussi explique : "Nombre de pays n'ont pas les ressources leur permettant de prendre en charge le coût des traitements et dépendent fortement de la solidarité internationale. Malheureusement, la crise financière mondiale fait peser de lourdes incertitudes sur l'avenir de ces financements". La raison principale en est que les "pays donateurs" ne "respectent plus toujours leurs engagements".

"Le manque d'ARV se fait régulièrement sentir dans plusieurs pays récipiendaires, qui sont dans l'impossibilité de traiter de nouveaux patients et risquent même de ne pas pouvoir poursuivre les traitements en cours. Cette situation est d'autant plus inquiétante que l'interruption des traitements peut conduire à l'émergence de souches de VIH résistantes et donner lieu à la réémergence d'une épidémie mondiale", explique-t-elle.

Evidemment, la chercheuse défend l’idée que la lutte contre le VIH/sida "ne doit pas être fragilisée par la volatilité des politiques". Du coup, il est "impératif de trouver des mécanismes de financement innovants et pérennes, à l'image de la taxe sur les billets d'avion qui alimente le fonds UNITAID". Mais pour Françoise Barré-Sinoussi, l’effort doit aussi redoubler pour que soient développées de nouvelles options thérapeutiques. "Il ne faut pas oublier que si les ARV permettent aux patients - et c'est déjà beaucoup - de vivre avec le VIH, le traitement de cette infection chronique reste lourd. Les trithérapies, qui ne sont pas dépourvues d'effets secondaires, doivent être prises à vie, avec une observance sans faille. Pourtant, elles n'éliminent pas totalement le virus, dont la persistance au sein de réservoirs est associée à une inflammation chronique et généralisée du système immunitaire (…) Eradiquer l'infection à VIH restera encore longtemps un rêve". Et la chercheuse d’expliquer : "un ensemble de données nous laisse penser que nous pourrions, à terme, transformer une partie de ce rêve (l’éradication) en réalité, en développant des stratégies thérapeutiques d'une durée limitée à l'issue desquelles les patients contrôleraient l'infection au long cours sans nécessiter d'autres traitements".

Aujourd’hui, il existe dans "cette période de crise" deux alternatives selon le prix Nobel : la solidarité et la collaboration. La collaboration doit se manifester tout particulièrement dans la production de médicaments, notamment les génériques. "Si au fil des années le prix des traitements les plus courants a fortement diminué, si la production de médicaments génériques a été développée, c'est en grande partie grâce à la pression que les associations de patients ont exercé sur les compagnies pharmaceutiques et les gouvernements. Là encore ce combat pour la réduction des prix des antirétroviraux est loin d'être terminé. Dans les pays du nord les patients ont accès aux traitements de troisième ligne, la dernière génération de traitement. On ne peut certainement pas se permettre d'attendre que les brevets tombent pour que les patients du sud puissent bénéficier également de ces traitements qui ont moins d'effets secondaires et sont plus simples à prendre. La pression des activistes est indispensable pour que les compagnies pharmaceutiques jouent le jeu de l'accès universel".