Génériques : pressions de l’UE sur l’Inde

Publié par maniabosco-seronet le 07.04.2010
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accès aux traitements
Des négociations officieuses, mais bientôt officielles, se dérouleraient actuellement entre Bruxelles et New Dehli. Les Européens tenteraient d’obtenir des Indiens un durcissement des conditions d’exploitation des produits pharmaceutiques, notamment ceux destinés à lutter contre le VIH/sida. Si la durée des brevets était prolongée, ce que souhaite Bruxelles, de nombreuses molécules échapperaient de facto aux bourses indiennes, et seraient inabordables pour l’ensemble des pays pauvres. Or, les exigences de Bruxelles sont-elles bien conformes aux lois du commerce international ?

Des discussions informelles auraient actuellement cours entre Bruxelles et New Dehli, sur la propriété intellectuelle des médicaments. L’Union européenne plaiderait pour un durcissement du dispositif qui couvre les médicaments brevetés. Si New Dehli acceptait les propositions européennes, le tarif de certains traitements disponibles dans les pays pauvres, notamment ceux du VIH/sida, pourrait flamber et devenir rédhibitoire. En 2005 déjà, New Dehli avait dû se conformer aux lois du commerce international, qui ont compliqué sérieusement la possibilité pour le pays de fabriquer des médicaments sous forme générique, à un prix bien moindre que les versions de marque. Le gouvernement indien avait toutefois pris bien garde à ménager la santé publique, limitant la portée du verrou que constituent les brevets.  Mais cette précaution ne peut s'appliquer qu'à la consommation intérieure indienne.

Bruxelles ne semble pas se satisfaire de cette situation et serait en train de négocier, avec ses interlocuteurs indiens, une extension des brevets. L'enjeu est d'importance car l'Inde est la pharmacie des pays pauvres. En effet, 92 % des médicaments anti-VIH utilisés dans ces pays sont des versions génériques exportées par l'Inde. C’est dire si le résultat de ces négociations dépasse de loin le problème indien. Ces pourparlers informels, qui se jouent à huis-clos à New Dehli, devraient prendre un tour nettement plus officiel à Bruxelles. Leena Lenghaney, une militante de MSF : « Les récents accords de libre échange entre l’UE et les Etats-Unis montrent que la tendance est à un durcissement des modalités d’exploitation. Cette inclinaison menace la production et l’échange de médicaments génériques dans des pays émergents comme l’Inde. Si New Dehli cède à Bruxelles, les victimes du HIV/sida et autres pathologies risquent de ne plus pouvoir accéder aux traitements » susceptibles de leur sauver la vie.

Bruxelles souhaite ainsi prolonger jusqu’à vingt ans le brevet qui protège une molécule, or cette exigence ne relève d’aucun impératif international de libre-échange. En fait, l’UE tâcherait de légitimer ses coups de force contre des traitements génériques que l’Inde acheminait vers l’Afrique et l’Amérique latine, et qui ont été saisis en Europe. Nous en avons déjà parlé sur Seronet. Se faisant l’écho du tollé que provoque, en Inde, ces négociations encore officieuses, en particulier au sein de la population infectée par le VIH, Loone Gangte, président du ‘Dehli Network of Positive People’, appelle son gouvernement à ne pas céder aux pressions européennes, et à ne pas « marchander » la vie des personnes qui vivent avec le sida.

Commentaires

Portrait de sonia

la mondialisation ce sont deux choses différentes d'un côté des therapies à l'indienne, dix fois moins chères que les américaines; avec pour exemple la commercialisation du générique de l'atripla par les laboratoires indiens baptisé viraday....Spécialement quand la ministre de la Santé, madame Bachelot, désire tester la vente de medicaments sans ordonnance sur internet.... Et de l'autre un durcissement des politiques nationales avec l'évidente volonté de préserver leurs intérêts dans la protection des brevets voire à leur prolongation de vingt ans au lieu de cinq... Dans ces circonstances de course aux molécules, on se demande comment la création du Patent Pool (une initiative généreuse et humaniste) pourrait réussir dans sa noble mission.