Harcèlement : la transphobie dans la loi

Publié par jfl-seronet le 30.07.2012
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Texte sensible, le projet de loi sur le harcèlement sexuel a fait l’objet des attentions de AIDES, du RAVAD et l’INTER-LGBT qui ont souhaité à l’occasion du travail législatif sur ce texte que des circonstances aggravantes liées à l’orientation sexuelle, l’état de santé ou l’identité de genre soient prises en compte concernant l’infraction de harcèlement sexuel. Résultat : des avancées indéniables.
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Le 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel abroge la législation alors en vigueur concernant le harcèlement sexuel. Cette décision a pour effet d’arrêter l’ensemble des procédures judiciaires lancées sur la base de ce texte, mais surtout elle crée un vide juridique : plus de loi interdisant le harcèlement sexuel. Devant cette situation, le gouvernement annonce l’adoption rapide d’une nouvelle loi. Le 12 juillet, le Sénat adopte la nouvelle loi. L’Assemblée Nationale vote, elle, le texte, mais dans une version légèrement différente. Le texte étant différent de celui adopté par les sénateurs, il y aura (c’est la règle) une commission mixte paritaire composée de sénateurs et de députés qui organisera une version identique du texte pour les deux chambres. Cette version, la future loi donc, doit être adoptée définitivement, le 31 juillet, par chacune des deux assemblées.
 
Christiane Taubira se félicite…
Dans un communiqué de presse (25 juillet), la ministre de la Justice Christiane Taubira se félicite de l’adoption du texte à l’unanimité au Sénat comme à l’Assemblée Nationale. "Le texte définit le délit de harcèlement sexuel, de façon à respecter les exigences constitutionnelles. La nouvelle infraction de harcèlement sexuel prend en compte l’ensemble des situations concrètes vécues par les victimes et même s’il s’agit d’un fait unique de harcèlement d’une particulière gravité. Une échelle de sanctions allant de deux à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, permettra une répression adaptée. De même, les discriminations faisant suite à des faits de harcèlement sexuel pourront désormais faire l’objet de poursuites", indique la ministre. Texte sensible sur un sujet compliqué, ce projet de loi a fait l’objet de toutes les attentions de la part des associations de défense des droits des femmes et d’aide aux victimes. Mais pas seulement, ainsi AIDES, le RAVAD (Réseau d’assistance aux victimes d’agressions et de discriminations) et l’INTER-LGBT ont souhaité à l’occasion du travail législatif sur ce texte que des circonstances aggravantes liées à l’orientation sexuelle, l’état de santé ou l’identité de genre soient prises en compte concernant l’infraction de harcèlement sexuel. L’objectif  des associations était de faire en sorte que le texte puisse protéger au mieux les personnes quand le harcèlement est motivé par de l’homophobie, de la sérophobie et de la transphobie.
 
Une victoire sur la transphobie !
Suite à des contacts avec les parlementaires au Sénat et à l’Assemblée Nationale, les associations ont contribué à faire entrer dans le texte et dans le Code pénal un amendement pour faire face aux discriminations en raison de l’orientation sexuelle, mais aussi et surtout en raison de l’ "identité sexuelle". Cet amendement a été voté définitivement. C’est une avancée majeure qui permet de combler partiellement un vide juridique grave. Les personnes trans pourront désormais porter plainte après une agression, un acte de harcèlement, et enfin faire reconnaître leur statut de victimes pour les préjudices subis et les discriminations dont elles font l’objet. Reste un regret de taille pour les associations : l’usage de la notion d’"identité sexuelle" plutôt que d‘"identité de genre". L’identité de genre aurait été bien plus adaptée à la diversité des situations que connaissent les trans. Il n’en demeure pas moins que cette question a été très largement abordée dans les débats à l’Assemblée Nationale, posant ainsi des bases solides pour aller plus loin dans les mois à venir, et principalement en 2013.
 
Identité sexuelle ou identité de genre ?
A ce titre, on doit noter l’intervention du député Europe Ecologie les Verts (EELV), Sergio Coronado. "Je voudrais souligner ici un point particulier… L’expression "identité sexuelle" utilisée pour intégrer la transphobie dans la liste des discriminations me paraît erronée. Cela apparaît comme un prolongement maladroit de l’orientation sexuelle : identité de genre et orientation sexuelle sont deux notions totalement différentes… La définition de l’identité de genre a été établie par des juristes internationaux travaillant pour l’ONU dans les principes de Jogjakarta en 2007 (1). Je cite cette définition : "L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance". L’orientation sexuelle est définie bien distinctement de l’identité de genre : "L’orientation sexuelle est comprise comme faisant référence à la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle. On voit bien la différence entre ces deux définitions", conclut le député EELV.

Cette différence, le gouvernement l’a comprise. Il s’est engagé, par la voix de Christiane Taubira, sur l’ouverture d’un vaste chantier sur les enjeux liés à l’identité de genre, notamment sur l’état civil, l’accès aux soins et le respect des droits humains fondamentaux. Des sujets sur lesquels il est grand temps que la France avance.
 
Des engagements sur la sérophobie
Dans ces débats, les associations avaient également proposé au gouvernement et aux deux chambres d’ajouter une circonstance aggravante lorsque le harcèlement est motivé par "l’état de santé de la personne lié à une infection sexuellement transmissible". Le texte adopté n’a pas permis d’avancer via ce projet. Reste que le RAVAD et AIDES ont été reçus par la ministre de la Justice (16 juillet) et qu’ils ont, à cette occasion défendu cette idée de sanctionner pénalement la sérophobie. De part et d’autre, la réflexion est en cours et l’objectif pourrait être un texte qui intègrerait pleinement les "discriminations en raison de l’état de santé" dans le code pénal, ce qui serait une avancée significative par rapport à la lutte contre la sérophobie !
 

Des assos réagissent
Logiquement, le vote du projet de loi par l’Assemblée Nationale a suscité des réactions. L'association Osez le féminisme ! a salué le 25 juillet le nouveau projet de loi sur le harcèlement sexuel, tout en estimant que le texte est "encore perfectible". "Nous serons vigilantes à ce que la commission mixte paritaire ne détricote pas les améliorations du texte opérées à l'Assemblée", écrit Osez le féminisme ! dans un communiqué. Elle regrette aussi que le harcèlement sexuel "ne soit sanctionné que de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende, soit toujours moins qu'un délit de vol ou de chantage". De son côté, l’Inter-LGBT salue dans un communiqué "l'avancée" que constitue l’adoption de ce texte qui vise à faire entrer "la lutte contre la transphobie (...) dans notre code pénal. Nous sommes devant une avancée qui était attendue depuis de nombreuses années par les associations trans", estime l'Inter-LGBT. "Jamais on avait parlé autant de la transphobie à l'Assemblée Nationale et c'est une excellente chose", a déclaré le porte-parole de l'Inter-LGBT, Nicolas Gougain. L’association regrette cependant le choix de la notion d’identité sexuelle à celle d’identité de genre.


(1) Les Principes de Jogjakarta sont une série de principes sur l’application du droit international des droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre pour la protection et pour l'interdiction absolue de la discrimination contre les personnes LGBT et intersexuées selon la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Que dit la nouvelle loi ?
"Art. 222-33. – I. – Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Article 2 bis
I. – Aux premier et second alinéas de l’article 132-77, au 7° de l’article 221-4, au 5° ter des articles 222-3, 222-8, 222-10, 222-12 et 222-13, à la seconde phrase de l’article 222-18-1, au 9° de l’article 222-24, au 6° de l’article 222-30, aux premier et second alinéas de l’article 225-1, au premier alinéa de l’article 226-19, au 9° de l’article 311-4 et au 3° de l’article 312-2 du code pénal, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
II (nouveau). – Au 3° de l’article 695-9-17, au 5° de l’article 695-22 et au 4° des articles 713-20 et 713-37 du code de procédure pénale, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
III (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 332-18 et au dernier alinéa de l’article L. 332-19 du code du sport, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
IV (nouveau). – À l’article L. 1132-1, au 3° de l’article L. 1321-3 et au 1° de l’article L. 1441-23 du code du travail, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
V (nouveau). – À l’article L. 032-1 du code du travail applicable à Mayotte, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
VI (nouveau). – Au neuvième alinéa de l’article 24, au troisième alinéa de l’article 32, au quatrième alinéa de l’article 33 et au premier alinéa de l’article 48-4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
VII (nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".
VIII (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 1er et au premier alinéa du 2° de l’article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, après le mot : "orientation", sont insérés les mots : "ou identité".