Hépatite C : Le stylo ViraferonPeg en alerte
Le 8 février, "Libération" faisait sa Une sur les dysfonctionnements du stylo servant à injecter l’interféron de marque ViraferonPeg, du laboratoire Merck (MSD), utilisé dans le traitement de l’hépatite C. Quels sont les conseils de l'Afssaps ?

Selon le professeur Albert Tran (Hôpital de l’Archet à Nice), il arrive que le stylo servant à injecter l’interféron pégylé de marque ViraferonPeg ne délivre pas correctement le produit. D’où un risque que des personnes atteintes de l’hépatite ne guérissent pas, faute d’avoir reçu les bonnes doses de médicament. Dans le service du professeur Tran, le ViraferonPeg a d’ailleurs guéri deux fois moins de personnes que le traitement concurrent Pegasys, du laboratoire Roche, dispensé sous forme de seringue. Selon l’enquête de "Libération", cette tendance est confirmée par trois études scientifiques publiées en 2009 et 2010. Lesquelles suggèrent que le Pegasys est plus efficace que le ViraferonPeg administré avec le stylo.Pas de preuves suffisantes pour les autorités de santé, mais des signaux d’alarme forts.
Le stylo a, depuis des années, un autre problème : il peut se bloquer. En 2006 un numéro vert avait été mis en place sans résoudre ce premier dysfonctionnement. Le "taux de réclamation" lié au blocage reste "extraordinairement élevé", selon un cadre du laboratoire cité dans l’enquête. A tel point que les incidents sont suivis chaque trimestre par l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui a "failli" demander l’"arrêt du produit". Un simple blocage est facile à détecter, et il faut recommencer avec un nouveau stylo.
La dose nécessaire n'est pas toujours injectée
Autre dysfonctionnement beaucoup plus inquiétant : il arrive que le stylo n’injecte pas la dose nécessaire, tout en laissant croire que le produit est entièrement passé.C’est d’autant plus problématique que le traitement peut être administré par des infirmières, mais aussi par les personnes traitées elles-mêmes. Or, explique à Libération le Pr Gilles Pialoux (Hôpital Tenon à Paris) : "On pensait que le traitement fonctionnait bien avec 80% de la dose. Mais on sait, aujourd’hui, qu’il est fondamental de prendre près de 100% de la dose pendant toute la durée du traitement, faute de quoi les chances de guérison diminuent fortement".
Dans des réunions internes en avril 2011, les cadres français de Merck jugent l’alerte du professeur Albert Tran très crédible, selon le quotidien. "Libération" affirme que Merck n’aurait pas remonté les alertes. Interrogé par "Libération", Merck évoque une fausse alerte, les vérifications de lots n’ayant rien révélé de problématique, selon eux.
"des médecins calment le jeu"
De son côté, le "Quotidien du médecin" met en avant que "des médecins calment le jeu". "Les grandes études américaines montrent qu'il n'y a pas de différences [entre les 2 interférons], et je n'ai eu aucun retour de la part de mes patients", explique ainsi au "Quotidien" le Pr Jean-Pierre Zarski, (CHU de Grenoble). Les résultats de ses propres patients (200 à 250 malades) ne montreraient pas de "différences entre les traitements par seringue ou par stylo". Quand aux pertes de chances liées à l'injection incomplète, "entre 1 mg/kg et 1,5 mg/kg, il n'y a aucune différence. Il faut au moins que 70 à 80 % du produit soit injecté" dit-il, mettant en avant que "la question est plutôt de savoir si le patient a été bien éduqué et sait réaliser sa propre injection". Le Pr Georges Pageaux (CHU de Montpellier et Association française pour l'étude du foie) souligne que : « Le stylo est d'utilisation complexe et nécessite une éducation thérapeutique, mais je n'ai eu que très peu de retour. » Selon le "Quotidien", les parts de marché du stylo ViraferonPeg ont d'ailleurs chuté de 47 % en 2004 à 24 % en 2011.
Dans l'immediat, l'Afssaps conseille aux personnes de "Reprendre contact avec les professionnels de santé qui les surveillent"
L'Afssaps a mis en ligne jeudi soir un point d'information dans lequel, "dans l’immédiat", elle conseille aux personnes "de reprendre contact avec les professionnels de santé qui les surveillent pour qu’ils s’assurent avec eux de l’utilisation correcte de leur stylo injecteur et de l’efficacité de leur traitement". Elle indique que "dans les 10 jours", elle "mettra en place un comité d’experts chargé de préciser les risques liés à ces dysfonctionnements et de proposer les mesures adaptées à la garantie de l'efficacité du traitement."
L'Agence indique avoir "reçu le 8 février 2012 le laboratoire MSD-France" et s’être "entretenue avec le Pr. Albert Tran" : "La firme a reconnu avoir été destinataire de nombreuses réclamations sur le fonctionnement de ce stylo injecteur (250 en 2011) et envisage d’apporter des modifications techniques voire de repenser la conception du dispositif. Le Pr. Tran a confirmé les termes de son alerte, à savoir des difficultés d’utilisation pouvant aboutir à la non injection ou à l’injection partielle du produit."
Interrogé par Séronet, Bernard Delorme, chef de l'unité "information des patients et du public", rappelle que "même proche, la spécialité Pegasys n'est pas exactement similaire à ViraféronPeg, puisqu'elle contient du peginterféron alfa 2-a et non du peginterféron alfa 2-b", et que "pour l'heure il n'est donc pas possible pour l'agence de conseiller le switch vers Pegasys". [MAJ à 20h.]
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Commentaires
"obsolète"
Les interférons Alpha recombinant
ViraferonPeg non disponible en seringue (Afssaps)
Appel aux patients
Stylo viraferon
Merci
AFFSAPS
VHC: Stylo Roche