Hépatites : en finir… vraiment ?

Publié par jfl-seronet le 27.08.2020
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Mondehépatites

Parmi toutes les hépatites virales (A, B, C, D et E), ce sont les hépatites B et C qui sont les plus meurtrières. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que ces deux maladies touchent 325 millions de personnes dans le monde et sont responsables de 1,4 million de décès chaque année. Chaque 28 juillet, se déroule la Journée mondiale de lutte contre l’hépatite, dont le thème était, en 2020 : « Pour un avenir sans hépatite ». Occasion de revenir sur les enjeux de cette lutte et des infos actualisées sur les hépatites virales.

SOS hépatites rappelle que la « France a pris le pari d’éliminer l’hépatite C pour 2025 ». « Elle est dans le top 10 des pays qui peuvent y arriver », affirme l’association. Reste que pour « beaucoup de pays, le mouvement mondial pour éliminer l’hépatite virale d’ici 2030 fixé par l’Organisation mondiale de la santé ne sera pas atteint ! Et probablement pas avant 2050 ! » L’objectif de 2030 reste donc « réaliste » pour la France. « La France peut encore y arriver, elle ne doit pas baisser la garde, mais plutôt renforcer ses efforts et actions ! », explique d’ailleurs SOS hépatites.

Dans un communiqué, l’association a rappelé, en quelques chiffres, l’importance de l’enjeu puisque « les hépatites virales sont la sixième cause de mortalité sur la planète » :

  • nouvelles infections chaque année pour l’hépatite B : 1,1 million de personnes.
  • nouvelles infections chaque année pour l’hépatite C : 1,75 million de personnes.
  • décès pour l’hépatite B : 1 million de personnes et 500 000 pour l’hépatite C, et c’est chaque année ! C’est plus que la grippe espagnole ou la Covid-19 !
  • nombre de personnes vivant avec la maladie pour l’hépatite B, ce sont 257 millions de personnes, et 71 millions pour l’hépatite C.
  • le dépistage et les traitements, bien qu’efficaces, sont en panne à l’échelon mondial ! Moins de 10 % des malades ont été dépistés.

Pour l’hépatite B, on estime à 4,5 millions le nombre de personnes sous traitement à vie. Alors que pour l’hépatite C, les traitements ne sont que de quelques mois et permettent de guérir à presque 100 %, on estime que seules trois millions de personnes en bénéficient chaque année actuellement ! Sans oublier les 5 %, au moins, de personnes porteuses de l’hépatite B qui sont en plus infectées par l’hépatite Delta (VHD) (1). Et SOS hépatites de conclure : «  Oui, il faut finir le travail en France et visiblement le dépistage de masse qui semblait encore inimaginable il y a quelques années serait possible ! ».

L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a profité de cette journée pour rappeler son engagement « dans la lutte contre les hépatites virales ». L’agence de recherche explique dans un dossier dédié s’y engager « à travers le financement de travaux de recherche évalués par ses CSS (comités scientifiques sectoriels), le soutien d’études cliniques et de cohortes, sa participation à des publications de référence et l’organisation de rencontres entre chercheurs-euses pour tisser des collaborations et faire circuler les connaissances ».

Comme on a vu. En 2016, les États membres de l’OMS s’étaient fixé comme objectif l’élimination des hépatites virales en tant que menace majeure pour la santé publique d'ici 2030. Le 23 juillet dernier, la revue Nature Reviews Gastroenterology & Hepatology a publié un article pour lequel elle a demandé à sept spécialistes de haut niveau leur opinion sur les chances de parvenir à cet objectif d’ici 10 ans et sur les défis à surmonter. Parmi ces chercheurs-se, on trouve le Pr Fabien Zoulim, professeur de médecine de Lyon Université, chef du service d’hépatologie des Hospices civils de Lyon, chef du laboratoire de recherche sur les hépatites virales Inserm U1052, coordinateur du projet européen « IP-cure-B », du projet RHU « CirB-RNA » et de la Task Force ANRS « HBV Cure ». Dans cet article, Fabien Zoulim estime que « l'élimination de l'hépatite virale, en tant que menace majeure pour la santé publique, va être une tâche extrêmement difficile à réaliser d'ici 2030, malgré les efforts déployés par les principales parties prenantes ». Le contexte est moyen, avec des atouts (il existe des traitements curatifs efficaces contre le VHC), mais aussi des manques (pas de vaccin). Par ailleurs, les infections chroniques à VHC étant généralement asymptomatiques, de nouvelles contaminations apparaissent si les mesures de prévention ne sont pas appliquées, en particulier dans les groupes très exposés au risque d’infection (usagers-ères de drogues injectables, populations incarcérées, migrantes, etc.). Du côté du VHB, rien de neuf. Nous avons un vaccin, mais les traitements antiviraux actuels ne permettent pas de guérir. Quant à l’hépatite delta, « elle a été négligée pendant trop longtemps », rapporte Fabien Zoulim. Parmi les progrès majeurs, le Pr Zoulim rappelle que les traitements antiviraux à action directe (AAD) permettent d’obtenir désormais des taux de guérison proches de 100 % pour l’hépatite C et que le développement de formulations de vaccins polyvalents comprenant celui contre le VHB pour les nourrissons et les enfants permet d’améliorer nettement la couverture vaccinale mondiale.

Alors sur quoi doivent porter les efforts ? Il reste des efforts à faire dans les dix ans à venir pour « pallier le manque chronique de financement des programmes de lutte contre l’hépatite dans le monde ». D’après lui, cela passe d’abord par la sensibilisation du grand public sur le « fardeau » que représentent les hépatites virales (voir les chiffres plus haut). Pour le VHC, des programmes de réduction des risques sont à développer à destination des groupes exposés à un haut risque, particulièrement difficiles à atteindre. Dans le cas du VHB, « des programmes pour fournir des doses de vaccin pour les nouveau-nés en Afrique et dans les régions endémiques sont nécessaires de toute urgence », indique-t-il. Les stratégies de « test and treat » (« Tester et traiter ») devraient être mises en place plus largement pour le VHC et le VHB au niveau mondial. Enfin, Fabien Zoulim souligne qu’un des atouts majeurs pour soutenir la stratégie de dépistage et de traitement, et ainsi parvenir à l’élimination du VHC serait la mise au point d’un vaccin. « Bien que son développement soit confronté à des défis scientifiques majeurs, l’espoir de développer un vaccin d’ici 2030 persiste », indique le médecin et chercheur. Concernant le VHB, les « efforts de recherche fondamentale et de recherche clinique doivent être poursuivis pour valider de nouvelles cibles virales ou immunologiques et ainsi trouver un traitement curatif. C’est une étape cruciale qui permettrait, en association avec la vaccination de masse, d’arriver à l’éradication mondiale du VHB ».

De son côté, l’OMS n’a évidemment pas raté ce rendez-vous… qu’il organise. L’insitution onusienne a mis en avant « l’élimination de l’hépatite B ‎chez la mère et chez l’enfant ». Dans un communiqué, l’OMS rappelle que la « part des enfants de moins de 5 ans présentant une infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB) est passée à un peu moins de 1 % en 2019 contre 5 % environ à l’ère pré-vaccinale (période allant des années 1980 au début des années 2000) (…)  Cette étape marque la réalisation de l’une des cibles pour l’élimination de l’hépatite virale figurant dans les objectifs de développement durable (ODD) et consistant à ramener la prévalence de l’infection par le VHB chez les enfants de moins de 5 ans à moins de 1 % d’ici à 2020. « Aucun enfant ne devrait risquer de décéder plus tard du simple fait qu’il n’a pas été vacciné lorsqu’il était nourrisson. L’étape que nous venons de franchir signifie que nous avons fortement réduit le nombre de cas de lésions hépatiques et de cancers du foie chez les générations futures », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. « La prévention de la transmission de l’hépatite B de la mère à l’enfant est la stratégie centrale pour combattre la maladie et sauver des vies. Même au cœur de la pandémie de Covid-19, nous devons veiller à ce que les mères et leurs nourrissons aient accès aux services vitaux et notamment aux vaccinations contre l’hépatite B. »

À l’occasion de la Journée mondiale contre l’hépatite 2020, l’OMS a exhorté à « redoubler d’efforts pour prévenir la transmission mère-enfant du VHB en dépistant les femmes enceintes, en administrant une prophylaxie antivirale à celles et ceux qui en ont besoin et en maintenant et en élargissant l’accès à la vaccination contre l’hépatite B et à la dose de naissance du vaccin. Au niveau mondial, plus de 250 millions de personnes vivent avec une infection chronique par le VHB. Les nourrissons sont particulièrement vulnérables : environ 90 % des enfants infectés par ce virus pendant leur première année de vie en deviennent des porteurs chroniques.

Contexte sanitaire oblige, l’OMS s’alarme des conséquences de la pandémie de Covid-19 qui pourrait « compromettre les avancées futures ». « La Covid-19 menace d’entraver les progrès. Selon une nouvelle étude de modélisation menée par l’Imperial College London en collaboration avec l’OMS, les perturbations que la pandémie entraîne sur le programme de vaccination contre l’hépatite B pourraient avoir de graves conséquences sur les efforts engagés vers les cibles de la Stratégie mondiale. Selon un scénario très négatif dans lequel l’administration de la dose de naissance comme la vaccination de l’enfant contre le VHB seraient très gravement perturbées (avec des reculs respectifs de 60 % et de 20 % sur une année) et dans lequel l’extension du programme de vaccination serait retardée pendant la période post Covid-19 et reviendrait lentement sur la voie des cibles fixées pour 2030 par l’OMS, on estime que 5,3 millions d’infections chroniques supplémentaires par le VHB auraient lieu chez les enfants nés entre 2020 et 2030, et qu’un million supplémentaire de décès liés au VHB serait enregistré ultérieurement parmi eux ». « Ainsi, les occasions manquées aujourd’hui de prévenir de nouvelles infections par le VHB auront des conséquences durables se traduisant par la perte de vies humaines ».

Source : Progress towards elimination goals for viral hepatitis. Andrea L. Cox, Manal H. El- Sayed, Jia- Horng Kao, Jeffrey V. Lazarus, Maud Lemoine, Anna S. Lok and Fabien Zoulim
Nature Reviews Gastroenterology & Hepatology (2020)

(1) : Le virus de l’hépatite delta touche plus de 15 millions d’individus dans le monde. Il infecte les personnes déjà porteuses de l’hépatite B, car il a besoin du VHB pour se répliquer. Cette co-infection est la forme la plus grave d’hépatite virale chronique. Une progression rapide de la maladie et l'absence de traitement efficace se traduisent par un risque augmenté de complications, qui incluent la cirrhose, l'insuffisance hépatique et le carcinome hépatocellulaire (cancer du foie).

 

Co-infection par le VHB et le VIH
Environ 1 % des personnes vivant avec le VIH (soit 2,7 millions d’individus) sont aussi infectées par le VIH. À l’inverse, la prévalence mondiale de l’infection par le VHB chez les personnes également infectées par le VIH est de 7,4 %. Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la santé recommande de traiter chaque personne diagnostiquée vivant avec le VIH, quel que soit le stade de la maladie. Le ténofovir, inclus dans les combinaisons thérapeutiques préconisées comme traitement de première intention des infections à VIH, est également efficace contre le VHB.

VHC : les principaux faits
L’hépatite C est une maladie du foie causée par un virus, le VHC, pouvant entraîner des hépatites aiguës comme des hépatites chroniques. La gravité des hépatites C est variable et peut aller d’une forme bénigne, d’une durée limitée à quelques semaines, à une maladie grave qui s’installe à vie.
L’hépatite C est une cause majeure de cancer du foie.
Le virus de l’hépatite C est transmis par le sang : les modes d’infection les plus courants passent par l’exposition à de petites quantités de ce liquide, notamment lors de la consommation de drogues injectables, de pratiques d’injection à risque, de soins de santé à risque, de la transfusion de sang et de produits sanguins n’ayant pas fait l’objet d’un dépistage ou de pratiques sexuelles entraînant une exposition au sang.
À l’échelle mondiale, on estime que 71 millions de personnes sont porteuses chroniques de l’hépatite C. Un nombre important parmi elles présenteront par la suite une cirrhose ou un cancer du foie.
L’OMS estime qu’en 2016, environ 399 000 personnes sont mortes d’une hépatite C, le plus souvent des suites d’une cirrhose ou d’un carcinome hépatocellulaire (cancer primaire du foie).
Des médicaments antiviraux permettent de guérir plus de 95 % des personnes infectées par le virus de l’hépatite C, réduisant ainsi le risque de décès par cirrhose ou cancer hépatique, mais l’accès au diagnostic et au traitement est limité.
Il n’existe pas actuellement de vaccin efficace contre l’hépatite C ; cependant, des recherches sont en cours dans ce domaine.

VHB : les principaux faits
L’hépatite B (VHB) est une infection virale qui s’attaque au foie et peut entraîner une affection aiguë comme une affection chronique de cet organe.Le virus est le plus souvent transmis par contact avec du sang ou d’autres liquides biologiques, notamment lors de rapports sexuels avec un-e partenaire infecté-e, en cas de partage d’aiguilles, de seringues ou de matériel de préparation lors de la consommation de drogues injectables, et en cas de piqûre d’aiguille ou de contact avec des objets tranchants.
En 2015, l’OMS estimait que 257 millions de personnes vivaient avec une hépatite B chronique (définie comme une affection positive pour l’antigène de surface de l’hépatite B).
Cette même année, l’hépatite B avait provoqué, selon les estimations, 887 000 décès, principalement par cirrhose ou par carcinome hépatocellulaire (cancer primaire du foie).
En 2016, 27 millions de personnes (soit 10,5 % de la population totale estimée de personnes vivant avec l’hépatite B) avaient connaissance de leur infection, tandis que 4,5 millions (16,7 %) des personnes diagnostiquées étaient sous traitement. D’après les dernières estimations de l’OMS, la part des enfants de moins de 5 ans présentant une infection chronique par le VHB est passée à un peu moins de 1 % en 2019 contre 5 % environ à l’ère pré-vaccinale (période allant des années 1980 au début des années 2000).
L’hépatite B peut être évitée par des vaccins sûrs, disponibles et efficaces ainsi que par la prophylaxie antivirale pendant la grossesse.

VHD : les principaux faits
Le virus de l’hépatite D (VHD) est un virus qui a besoin du virus de l’hépatite B (VHB) pour se répliquer. L’infection par le VHD est nécessairement une co-infection simultanée avec le VHB ou une surinfection.
Le virus est le plus souvent transmis par contact avec du sang ou d’autres liquides biologiques, notamment lors de rapports sexuels avec un-e partenaire infecté-e, en cas de partage d’aiguilles, de seringues ou de matériel de préparation lors de la consommation de drogues injectables, et en cas de piqûre d’aiguille ou de contact avec des objets tranchants.
La transmission verticale de la mère à l’enfant est rare.
Près de 5 % des personnes porteuses d’une infection chronique à VHB sont également infectées par le VHD. Il existe plusieurs zones géographiques à forte prévalence du VHD, notamment la Mongolie, la République de Moldavie et des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Les populations les plus sujettes à la co-infection VHB-VHD sont les consommateurs-rices de drogues injectables, les populations autochtones et les personnes hémodialysées.
Dans le monde, le nombre total d’infections par le VHD a baissé depuis les années 1980. On doit principalement cette tendance au succès du programme mondial de vaccination contre le VHB.
La co-infection VHD-VHB est considérée comme la forme la plus grave d’hépatite virale chronique en raison de l’évolution rapide vers la mort par atteinte hépatique et carcinome hépatocellulaire (cancer du foie). Actuellement, les taux de guérison sont généralement faibles.
La prévention de l’hépatite D passe par la vaccination contre l’hépatite B.

VHA : les principaux faits
L’hépatite A est une maladie hépatique virale pouvant causer des formes bénignes à graves.
Le virus de l’hépatite A (VHA) se transmet par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés ou par contact direct avec une personne infectée.
Presque toutes les personnes qui contractent une hépatite A en guérissent complètement, tout en étant immunisées pour le reste de leur vie. Néanmoins, une très faible proportion des sujets infectés par le VHA peut décéder des suites d’une hépatite fulminante. L’OMS estime qu’en 2016, l’hépatite A aurait provoqué environ 7 134 décès (soit 0,5 % de la mortalité due aux hépatites virales).
Le risque d’infection par le virus de l’hépatite A est lié au manque d’eau potable et à la médiocrité des conditions d’assainissement et d’hygiène (mains sales, par exemple).Dans les pays où le risque d’infection par des aliments ou de l’eau est faible, des flambées épidémiques sont observées chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et chez les consommateurs-rices de drogues injectables.
On dispose d’un vaccin sûr et efficace pour prévenir l’hépatite A.
La disponibilité d’un approvisionnement en eau potable, la sécurité sanitaire des aliments, l’amélioration des installations d’assainissement, le lavage des mains et le vaccin contre l’hépatite A sont les moyens les plus efficaces pour combattre cette maladie. Les personnes exposées à un risque élevé, comme les voyageurs-ses se rendant dans des pays où les taux d’infection sont élevés, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes et les consommateurs de drogues injectables, devraient être vaccinées, selon les recommandations officielles.