Hépatites : y’a urgence !

Publié par jfl-seronet le 27.05.2011
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A l’occasion de la Journée nationale de lutte contre les hépatites B et C, AIDES a choisi de porter la parole des personnes atteintes d’une hépatite ou co-infectées. L’association qui avait organisé avec SOS Hépatites des rencontres nationales "Mieux vivre avec un hépatite C" a publié une liste de "10 mesures urgentes contre les hépatites". Responsable Action thérapeutique et santé à AIDES, Franck Barbier fait le point pour Seronet. Interview.
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Les hépatites sont un problème de santé publique ancien, concernant de très nombreuses personnes, mais qui reste peu pris en charge et mal considéré par les pouvoirs publics. Comment expliquez ce paradoxe d’une épidémie grave qui ne semble jamais prioritaire ?
Franck Barbier : L’hépatite est une maladie qui se développe lentement et qui est bien souvent asymptomatique pendant de longues années. Les complications graves peuvent apparaître vingt voire vingt-cinq ans après la contamination. Cette conjonction de l’absence de symptômes et d’un délai très long avant des manifestations cliniques visibles semble jouer. Autre point, un grand nombre de personnes ne sont pas dépistées pour les hépatites. Il y a un demi-million de personnes touchées en France dont à peu près la moitié ne connaît pas son statut sérologique, que ce soit pour l’hépatite B et l’hépatite C. C’est un chiffre énorme qui fait comprendre que ce problème est caché. Les Américains parlent d’ailleurs de "Silent epidemic" [épidémie silencieuse]. C’est valable également dans d’autres pays. Au niveau mondial, c’est un problème énorme. Des dizaines de millions de personnes sont infectées par une hépatite dans le monde. Il y a un paradoxe entre quelque chose de silencieux, de pas vu, de caché, mal pris en compte et qu’on sait être un énorme problème. Enfin, l’identification assez tardive des hépatites joue. Pour l’hépatite C, c’est très récent. Il y a encore quelque années, on l’appelait non A, non B. Il fallait identifier le virus. Enfin, sur le plan thérapeutique, nous sommes restés pendant dix ans avec un seul médicament : l’interféron et dix ans avec seulement deux médicaments : l’interféron et la ribavirine. Il n’y a pas eu d’avancées thérapeutiques majeures pendant une longue période, donc pas d’effervescence scientifique qui aurait permis de parler et faire parler des hépatites comme il a été possible de le faire pour le VIH… La conjonction de ces éléments a joué ainsi que le fait que les hépatites atteignent aussi des populations dites "marginales" ou marginalisées. "Marginales", c’est, par exemple, les personnes qui ont été contaminées lors de transfusions sanguines avant 1992. Les populations marginalisées sont, par exemple, les personnes injectrices de drogues ou qui sniffent, etc. On additionne ces populations, à la marge ou qui sont marginalisées socialement, et on en arrive ainsi à considérer que les hépatites, ce serait moins "noble" que le cancer par exemple, moins prioritaire…

Dans un communiqué de presse publié à l’occasion de la Journée nationale, le 25 mai, AIDES établit un parallèle entre ce qui s’est passé en matière de lutte contre le VIH et ce qu’il est indispensable de faire aujourd’hui contre les hépatites. En quoi est-ce comparable ?
FB : Un des points communs entre le VIH, le VHB et le VHC, c’est (lorsqu’on regarde la liste des affections de longue durée [ALD] dont ces trois maladies font partie) qu’il s’agit de maladies chroniques avec une composante de transmissibilité. Ce sont les seules. Autre point de comparaison plus actuel : l’arrivée de trithérapies "hautement" efficaces dans l’hépatite C. Nous sommes en train de vivre, toute proportion gardée, un équivalent de ce que nous avons connu en 1996 avec le VIH. Il n’y avait pas grand-chose de nouveau en terme de traitement dans l’hépatite C, un peu comme avec le VIH jusqu’en 1995, puis, tout d’un coup, on voit l’arrivée de médicaments très efficaces qui peuvent être combinés entre eux et qui sont nombreux. En effet, il y a dans les tuyaux de la recherche plusieurs dizaines de nouvelles molécules en développement. Enfin pour l’hépatite B, on peut dire que la plupart des médicaments qui marchent contre l’hépatite B sont des médicaments utilisés dans le VIH comme le ténofovir, la lamivudine, etc.

AIDES a publié une liste de "10 mesures urgentes contre les hépatites". D’où viennent-elles ? Sur quoi portent-elles ?
FB : Ces dix mesures urgentes contre les hépatites, nous ne les avons pas tirées d’un chapeau. Elles sont directement issues des recommandations qui ont été élaborées par les personnes qui ont participé aux Rencontres nationales "Mieux vivre avec une hépatite C", à l’automne 2010, à Dourdan, co-organisées par AIDES ET SOS Hépatites. Soit : quatre jours de travail, des centaines d’heures d’élaboration et, à ce jour, entre soixante et soixante-dix mesures qui ont été formulées. Nous avons essayé de voir parmi elles les plus urgentes, celles qui pouvaient illustrer différents grands champs de revendications. Il y a la connaissance du statut sérologique (les dépistages, les campagnes d’informations, les informations sur les modes de transmission qui restent encore largement méconnus, etc.). Il y a les questions de recherche qui sont importantes avec l’ANRS [Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites, ndlr] et la montée en charge de la recherche publique contre les hépatites en complément de celle faite dans le secteur privé, bien évidemment. Il y a également toute la question de la prise en charge car, avant le démarrage du traitement, il faut anticiper parce que les effets indésirables sont loin d’être négligeables. Le traitement dure entre six mois et un an et demi selon les cas et le génotype du virus de l’hépatite C. Ce n’est pas au moment où surviennent les problèmes qu’il faut réagir dans la précipitation parce que l’on court le risque d’un échec thérapeutique voire d’un abandon de traitement… L’anticipation de l’accompagnement avec l’éducation thérapeutique, un soutien psychique et social, une vraie coordination des soins, est indispensable. Cela nous amène sur un autre point majeur des revendications : la co-infection VIH/VHC doit être considérée comme une pathologie en soi. C’est ce que demandent les personnes. La co-infection crée des problématiques particulières. Ce n’est pas l’addition de deux maladies qu’il suffirait de mettre l’une à la suite de l’autre sur un protocole de soins. C’est une pathologie spécifique. En termes de recherche, l’industrie pharmaceutique ne prend pas assez en compte les personnes co-infectées dans le développement de ses molécules anti-VIH ou anti-VHC malgré les engagements qu’elle a pris (Déclaration de Sitgès). Les besoins des personnes co-infectées sont pris en compte trop tardivement alors que ces personnes ont des fragilités plus grandes et des risques de complication plus importants. Pathologie spécifique aussi au regard de la prise en charge puisqu’interviennent deux spécialistes, le "VIHologue" [l’infectiologue, ndlr] et l’hépatologue pour le foie et les hépatites. On voit bien dans le témoignage de nombreuses personnes qu’il manque souvent de coordination, de formalisation d’une prise en charge partagée voire d’un dialogue entre ces deux médecins spécialistes. C’est toute cette prise en charge qui doit être repensée et améliorée.


La première mesure urgente contre les hépatites insiste sur la participation des personnes touchées à la définition et à la mise en place de la politique de lutte contre les hépatites. On peut y lire en creux que les personnes touchées et leurs demandes ne sont pas prises en compte actuellement et (ou) pas suffisamment relayées par les associations qui les représentent. Est-ce le cas ?
FB : Le sens de notre démarche à AIDES s’appuie sur le communautaire, c'est-à-dire que la démarche de nos actions se fonde sur les besoins, l’expérience des gens et sur leur expertise, certes une expertise profane, mais vivre des années et des années avec un virus ou être exposé à un risque face à un virus, cela donne une compétence, une légitimité et même un droit à pouvoir parler, prendre la parole sur ce qui concerne au premier chef. Ce n’est pas qu’une question de légitimité ou de droit, c’est un moyen d’enrichir la politique actuelle. Cela signifie que, pour nous, la lutte contre les hépatites ne se fera pas sans les personnes atteintes d’une hépatite. Par ailleurs, se pose la question du nerf de la guerre, c’est-à-dire des moyens qui sont mis en face des déclarations d’intention officielles. Lorsqu’on voit l’indigence du Plan national de lutte contre les hépatites 2009-2012, seulement doté de quelques millions d’euros, face à ces centaines de milliers de personnes concernées, on voit bien que les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels. Face à ce qui a de plus en plus des allures de bombe à retardement qui attend un certain nombre de personnes qui vont développer des complications graves : cirrhoses, cancers du foie, etc. on comprend qu’il faut mettre le paquet. On peut et on doit faire beaucoup mieux. L’Etat doit mettre davantage de moyens financiers. Il faut également que les Agences régionales de santé s’emparent véritablement de cette question. Il faut faire connaître les hépatites, en parler, inciter au dépistage et proposer des campagnes d’informations et des solutions de prise en charge qui correspondent réellement aux besoins des personnes.

La France possède un Plan national de lutte contre les hépatites. Lorsqu’on lit la liste des mesures prioritaires soutenues par AIDES, on peut y voir comme la liste des lacunes du Plan national…
FB : Des lacunes du Plan national oui, mais aussi des mesures qui font partie du Plan national et qui ne sont pas appliquées. Ainsi, ce plan gouvernemental prévoit-il une participation des personnes touchées à la réponse contre les hépatites… mais nous [AIDES et SOS Hépatites] nous organisons les rencontres "Mieux vivre avec le VHC" de Dourdan sans soutien particulier des pouvoirs publics. C’est, sans doute, un peu tôt pour dresser le bilan de l’actuel Plan qui court jusqu’en 2012… mais c’est clair qu’un certain nombre de choses, préconisées dans le Plan, n’avancent pas. D’autres, heureusement, avancent tout de même. Nous sommes un peu au milieu du gué. Il va surtout falloir se préparer à élaborer le futur Plan national qui, lui, devra être réellement à la hauteur des enjeux et en phase, sur le plan des moyens, avec l’envergure du problème. C’est un des chantiers des mois qui viennent : faire la transition vers un plan nettement plus ambitieux et qui aura les moyens de ces ambitions.

Comment expliquez-vous que les dernières recommandations médicales françaises de prise en charge de l’hépatite C n’aient pas été modifiées depuis 2002 ? L’arrivée de nouveaux traitements est-elle à même de déboucher sur une remise à jour de ces recommandations ?
FB : Non seulement c’est à même, mais cela doit. Ne pas avoir de recommandations médicales globales sur l’hépatite C depuis 2002 n’est pas satisfaisant. Il y a un moment où il faut agir, c’est maintenant justement. Depuis plusieurs années, il n’y avait que la bithérapie standard (interféron + ribavirine). Des essais ont été réalisés concernant ce traitement par exemple pour voir comment mieux combiner les durées de traitement, mieux prendre en compte les effets indésirables… Aujourd’hui avec l’arrivée de nouvelles molécules anti-VHC, il est indispensable d’avoir des recommandations médicales actualisées. Nous insistons beaucoup, parce les personnes le demandent, sur le fait que ces recommandations ne se bornent pas à dire : "Il faut prendre tel traitement dans tel cas, telle molécule dans tel autre". Bien sûr, les recommandations médicales, c’est aussi cela, mais nous voulons que les recommandations portent sur une prise en charge globale qui inclut les conditions de vie des personnes, leurs particularités, les questions de dépistage et de prévention, les effets indésirables, l’accompagnement psychique et social.

Certaines revendications (les programmes d’échange de seringues en prison, par exemple) font l’objet depuis des années d’un refus souvent pour des raisons idéologiques de la part des pouvoirs publics y compris des autorités de santé. Comment faire pour dépasser cela ? Quel doit être le rôle des associations dans ce domaine ?
FB : C’est vrai, nous constatons qu’il y a tout un tas de gens qui se prononcent sur des bases idéologiques, qui ne regardent pas les données de la science ou qui ne voient pas ce que de nombreux pays mettent déjà en place sur des programmes d’échanges de seringues, par exemple. La comparaison frappe d’autant plus que ces pays ne comptent pas toujours parmi les plus avancés en termes de santé publique ou de démocratie. Beaucoup de personnes, militants, chercheurs, scientifiques… se prononcent pour que de tels programmes soient mis en œuvre en France. Il faut voir que, trop souvent, nous ne sommes pas dans une discussion rationnelle ou de santé publique, mais sur des présupposés idéologiques voire électoralistes qui empêchent la mise en place de solutions qui ont pourtant fait leur preuve soit scientifiquement, soit concrètement ailleurs. On peut bien entendu citer les programmes d’échanges de seringues, les programmes d’accompagnement à l’injection… Plein de choses sont pensées, testées, expérimentées avec les personnes, les associations, les scientifiques, qui, pour le moment, restent en friche. Ce n’est pas faute, pour AIDES et d’autres associations, d’avoir combattu pour que ces revendications avancent et aboutissent. Notre engagement à l’occasion de cette Journée nationale, notre volonté de porter la parole des personnes concernées et leurs revendications montre bien que nous ne comptons pas en rester là.

Propos recueillis par Jean-François Laforgerie

Commentaires

Portrait de lounaa

ya vraiment urgences ....sol vih vhb et vhc depuis 86 et le vhc actuellement réagit ....j'aimerai bien savoir si il y à des nouveaux traitements autre que l'interferon etc ou quand ils seront la si toutefois il doivent arriver ...merci