Hôpitaux : nouvelles règles pour les médicaments les plus chers

Publié par jfl-seronet le 11.04.2016
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Thérapeutiqueprix du médicamenthôpital

C’est le décret au double effet. D’un côté, il clarifie les règles de remboursement des médicaments les plus chers prescrits à l’hôpital ; de l’autre, il suscite la colère de l’industrie du médicament. Le 25 mars, un décret a été publié concernant de nouvelles règles pour les médicaments prescrits à l’hôpital, du moins ceux qui sont les plus chers. Il suscite intérêt et débat.

Comme l’explique "Le Monde" (25 mars), jusqu’à présent la prise en charge financière de ces traitements onéreux dépendait des recommandations du conseil de l’hospitalisation (avec des représentants de l’Etat et l’Assurance maladie). Les nouvelles règles demandent à ce que cette prise en charge s’appuie exclusivement sur des critères scientifiques et médicaux. Autrement dit, le niveau de remboursement dépendra de l’avis de la Haute autorité de santé (HAS) et de la note que la HAS attribue à tel ou tel médicament en fonction de son intérêt thérapeutique. Sera jugée ce qui s’appelle l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Le service médical rendu (SMR) est un critère qui prend en compte plusieurs aspects : d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ; d’autre part des données propres au médicament lui-même dans une indication donnée. L’ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament. Il s’échelonne de I (progrès majeur) à V (absence de progrès thérapeutique). Il conditionne en partie le prix du médicament. Et la HAS cote sévère. Comme le pointe "Le Monde", en 2014, 90 % des médicaments examinés par la HAS ont obtenu un V (la plus mauvaise note) et seulement 7 % une ASMR de I, II ou III.

Désormais, seuls les médicaments ayant obtenu une "bonne" note d’ASMR (I à III) devraient avoir droit de cité sur la liste, dite liste en sus. Cette liste regroupe l’ensemble des médicaments hospitaliers innovants directement financés par l’Assurance maladie. Cette décision fait débat à la fois parmi les associations de malades, mais aussi parmi les médecins. Pour le ministère de la santé, il s’agit évidemment de réduire la facture des médicaments des hôpitaux. Interrogé par "Le Monde", le docteur Jean-Yves Pierga, oncologue à l’institut Curie, explique ainsi : "Nous sommes bien conscients que la prescription des molécules onéreuses doit être encadrée et la clarification des règles d’inscription sur la "liste en sus" [la liste qui regroupe ces molécules] est une bonne chose", estime-t-il. De quels montants parle-t-on ? Créée en 2004, la liste en sus comporte actuellement une centaine de médicaments (des anticancéreux, des médicaments pour traiter des maladies rares) : son coût est de plus de 3 milliards d’euros en 2014, contre 2,6 milliards en 2012, indique le quotidien.

Evidemment, l’annonce n’est pas bien passée auprès des entreprises du médicament, le Leem. Dans un communiqué (25 mars), il dénonce ce qu’il considère être une "menace sur l’accès des patients aux médicaments à l’hôpital. "Malgré des alertes réitérées depuis plusieurs mois par les associations de patients, les professionnels de santé et les entreprises du médicament, un décret modifiant les modalités de financement de certains médicaments couramment utilisés à l’hôpital (liste en sus) a été publié ce jour au Journal Officiel. Pour le Leem, ce texte "représente une véritable menace en termes d’accès au progrès thérapeutique sur le territoire pour les patients" car il autorise "la radiation de certains produits de la liste en sus", ce qui peut "avoir pour conséquence directe de priver les patients à l’hôpital d’une vingtaine de médicaments, dont de nombreux anticancéreux." La conséquence avance le Leem, c’est que les "médicaments radiés ne seront plus accessibles aux patients dans les établissements hospitaliers qui ne seront pas en capacité de les financer sur leurs budgets propres".

"Au moment où le Président de la République vient de faire part [mercredi 23 mars lors d’un déplacement à l’OMS à Lyon] de son engagement pour assurer un égal accès aux traitements innovants, le gouvernement promulgue en France, un texte dont la première conséquence peut être la restriction d’accès aux traitements pour de nombreux patients. Nous demandons donc au gouvernement de surseoir à l’application de ce décret et d'ouvrir d’urgence une négociation avec l’ensemble des acteurs (professionnels de santé, associations de patients, hôpitaux, entreprises du médicament)" a déclaré Patrick Errard, président du Leem.