Hospitalisation : des restes à charge imprévisibles

Publié par jfl-seronet le 09.06.2014
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Politiquehôpital publicrestes à charge

Hôpitaux publics : écart de 1 à 6 des tarifs ! De 360 euros à 2 230 euros par jour : pour une même prestation, la facture est plus ou moins lourde selon les hôpitaux publics, révèle (21 mai) une étude publiée par 60 millions de consommateurs en partenariat avec le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) et Santé Clair (les trois sont réunis au sein de l'Observatoire citoyen des restes à charge en santé). Explications.

L’étude dénonce des "écarts inadmissibles" de tarifs et des "situations totalement incompréhensibles". Généralement, le patient doté d'une assurance complémentaire débourse très peu pour une hospitalisation, largement couverte par l'Assurance maladie et la complémentaire Santé, rappelle l’enquête. Ainsi, il reste en moyenne à sa charge 26 euros alors qu'avant intervention des complémentaires, le coût est de plus de 500 euros, explique donc l'Observatoire citoyen des restes à charge en santé. "Avant remboursement des complémentaires, la participation au coût des soins est la part la plus importante de la note. En écartant les soins exonérés à 100 % (affectation longue durée, maternité, etc.) ou pour lesquels un forfait de 18 euros est appliqué (pour les actes lourds), le patient et/ou sa complémentaire doivent acquitter une somme qui représente 20 % du coût du soin. Or, les tarifs qui servent de base de calcul pour ce ticket modérateur de 20 % varient considérablement d'un hôpital à l'autre et sont définis de "manière totalement opaque", selon l'Observatoire. Ces tarifs sont "plus onéreux et surtout beaucoup plus variables au sein des hôpitaux publics" que privés.

Un exemple parmi d’autres

L'Observatoire prend l'exemple des tarifs journaliers de prestation pour les soins qualifiés de "ville" (hors chirurgie, obstétrique). Ils sont en moyenne à l'hôpital public de 817 euros, mais ils grimpent à 2 230 euros dans le centre hospitalier de Lunéville en Lorraine ou 1 594 euros à Montélimar, révèle l'Observatoire selon lequel ces tarifs "s'apparentent à une variable d'ajustement du budget de l'hôpital". Ces tarifs pour le public "sont fixés après validation de l'Agence régionale de Santé [ARS] et sur proposition presque discrétionnaire du directeur de l'établissement de santé, sans forcément de rapport avec le coût réel de production des soins", explique l'Observatoire qui demande que "soient facilement accessibles sur les sites Internet des hôpitaux les principaux tarifs journaliers de prestation qu'ils pratiquent". Il demande aussi que "soit généralisée la forfaitisation du ticket modérateur sur tous les soins réalisés dans le cadre de séjours hospitaliers, à l'instar du forfait de 18 euros sur les actes lourds". La Fédération hospitalière de France (FHF), voix de l'hospitalisation publique, est consciente "d'un système choquant", qui a "dérapé" avec les changements de tarification. "En cause, la tarification à l'activité (T2A) introduite à partir de 2004 : les tarifs ne représentent plus la totalité du budget de l'hôpital public, ils n'englobent plus les missions d'intérêt général (Samu, urgences, recherche, enseignement, Pass, etc.) assumées par l'hôpital, ce qui aboutit à des recettes en moins pour les établissements de l'ordre d'un milliard, selon la FHF. Or l'Etat n'a pas complètement compensé ce manque à gagner. Les hôpitaux n'ont donc pas eu d'autre choix, avec la complicité des pouvoirs publics qui ont fermé les yeux, que d'augmenter leur TJP (tarifs journaliers de prestation) plus ou moins en fonction de leurs difficultés financières. Ils ont chargé un peu la barque au détriment des patients", reconnaît Gérard Vincent, délégué général de la FHF. De là découlent les dysfonctionnements pointés par l’étude.

85 milliards d’euros

Avec une dépense globale de 85 milliards d’euros, soit 1 300 euros par Français et par an, le secteur hospitalier public et privé (hors soins de longue durée) a représenté 46 % de nos dépenses de santé en 2012 (source : Comptes nationaux de la santé). La plupart du temps, le coût de l’hospitalisation est heureusement très bien pris en charge par l’Assurance maladie et les complémentaires Santé. Selon les chiffres (22 mai) de l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé, la somme restant à la charge du patient n’est donc en moyenne que de 26 euros par séjour, dès lors qu’il dispose d’une couverture complémentaire. Elle est en revanche supérieure à 500 euros avant intervention de l’assurance complémentaire.

Des inégalités très préoccupantes

Reste que ce résultat moyen ne doit pourtant pas masquer des inégalités très préoccupantes. L’Observatoire en pointe trois types. Il y a des inégalités entre les patients car si "les dépenses sont très bien remboursées la plupart du temps, certains patients mal couverts peuvent se retrouver avec des restes à charge de plusieurs milliers d’euros en fin de séjour". Il y a des inégalités entre les hôpitaux publics. Ainsi, le "tarif journalier de prestation", qui sert de base au calcul du ticket modérateur à la charge du patient ou de sa mutuelle, est défini de manière totalement opaque. En médecine générale par exemple, pour une même prestation, il peut varier d’environ 500 euros à 2 230 euros pour des types d’établissements assez proches !" Enfin, il y a des inégalités entre les hôpitaux publics et les cliniques. "La tarification opaque et fluctuante de la participation au coût des soins dans le cadre de l’hôpital public aboutit à des tarifs qui y sont souvent plus élevés en la matière, alors qu’en cliniques privées ce sont davantage les coûts liés à la chambre particulière et aux honoraires des praticiens qui salent la facture pour l’usager et/ou sa complémentaire", note l’Observatoire.

"Face à de telles distorsions, et à l’imprévisibilité des dépenses qu’elles entraînent, l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé apporte des conseils pratiques aux patients sur les points de vigilance à avoir pour limiter leur participation à leurs frais hospitaliers. Il demande aussi aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour réduire les distorsions de tarifs constatées qui accentuent les inégalités d’accès aux soins", indique le communiqué.