HSH et généralistes : et si on se parlait !

Publié par jfl-seronet le 07.05.2019
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Sexualitémédecin traitantHSH

Un récent article du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH, 9 avril 2019) indique que quatre homosexuels sur dix ne parlent pas de leur orientation sexuelle à leur médecin traitant. Pourtant, parler de son orientation sexuelle à son médecin traitant améliore significativement la prise en charge de la santé sexuelle.

Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont davantage exposés à certains risques infectieux. Ainsi, le nombre de découvertes d’infection par le VIH chez des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes augmente depuis une quinzaine d’années. En 2016, ils représentaient 44 % du nombre total de découvertes. Les HSH représentaient en 2016 plus de 85 % des cas de syphilis et deux tiers des cas de gonococcies. Et actuellement, l’infection rectale à Chlamydia touche essentiellement des HSH. L’épidémie française d’hépatite A, évoluant depuis 2016, touche très préférentiellement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les HSH ont un risque supérieur de maladies génitales et anales liées aux papillomavirus humains (HPV). Comme l’explique l’article du BEH (9 avril 2019) : « Sans généraliser de manière abusive, les HSH représentent donc une population à risque infectieux particulier ». D’ailleurs, ce groupe fait l’objet de recommandations spécifiques en matière de vaccination (hépatites A et B, HPV, par exemples), comme de régularité des dépistages des IST.

La prévention, le dépistage, voire le traitement des pathologies concernées, peuvent être réalisés par le médecin traitant, estiment des chercheurs (1) mais cela nécessite que les personnes lui aient mentionné leur orientation sexuelle. Ces chercheurs ont donc souhaité « explorer dans quelle mesure les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes mentionnaient leur orientation sexuelle à leur médecin traitant et si cela modifiait la prise en charge et la relation médecin-patient ». C’est tout l’objet de l’étude HomoGen, réalisée de mai 2016 à mars 2017. Elle reposait sur un questionnaire en ligne ciblant la population des HSH et explorant la mention de l’orientation sexuelle au médecin traitant et ses freins éventuels, ainsi que le dépistage et la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) effectués.

Au total, 1 879 personnes ayant, de manière exclusive ou non, des rapports sexuels avec des hommes et ne se désignant pas eux-mêmes comme étant des femmes ont complété le questionnaire de l’étude. Sur ce total, 1 872 s’identifiaient comme étant des hommes, les 7 autres indiquant ne pas se définir comme « homme » ou « femme ». L’âge moyen de ces 1 879 participants était de 35,7 ans ; 33,8 % vivaient en région parisienne, 19,2 % dans une ville de 200 000 à 250 000 habitants et 11 % dans une ville de moins de 5 000 habitants. Les participants se définissaient comme homosexuels (90,7 %), bisexuels (6,9 %), hétérosexuels (1,2 %) ou autre (1,2 %). L’âge moyen de prise de conscience de l’orientation sexuelle était de 15 ans et l’âge moyen du premier rapport sexuel avec un partenaire masculin était de 18,9 ans. Au cours des six mois précédant l’enquête, 32,7 % des participants n’avaient eu qu’un seul partenaire sexuel et 18,9 % en avaient eu plus de dix. Au total, 87,3 % des participants avaient un médecin traitant. Ils étaient en moyenne plus âgés que ceux n’en ayant pas (36,4 ans versus 31,9 ans) ; 46,5 % étaient suivis par le même médecin traitant depuis plus de cinq ans et 81,5 % le/la voyaient en consultation au moins une fois par an. Le médecin traitant était une femme dans 29,4 % des cas et un homme dans 70,6 % des cas.

Les participants ayant mentionné leur orientation sexuelle au médecin traitant étaient plus fréquemment dépistés pour les IST par leur médecin traitant, indiquent les chercheurs. Qu’il s’agisse de l’information sur les IST ou de leur dépistage, de la prise en charge d’un problème médical d’ordre sexuel ou de vaccination contre l’hépatite A, les participants étaient significativement mieux pris en charge (plus souvent vaccinés, par exemple) par leur médecin traitant lorsque celui/celle-ci était informé-e de leur orientation sexuelle. Concernant la Prep, 25,8 % des participants en ignoraient le concept ; parmi les autres, 11,3 % en avaient parlé avec leur médecin et 6,4 % envisageaient de lui en parler. Après la mention de leur orientation sexuelle au médecin traitant, les participants estimaient en grande majorité (84,4 %) que la relation médecin-patient était inchangée, 13,6 % qu’elle s’était améliorée et 2 % qu’elle s’était dégradée. Selon les résultats, l’information du médecin traitant est associée à une meilleure prise en charge médicale. « Ce travail, comme d’autres, suggère que le médecin devrait prendre l’initiative d’aborder le sujet de l’orientation sexuelle avec son patient si celui-ci ne le fait pas de lui-même », avancent les chercheurs. Dans une perspective de médecine préventive, la question de l’orientation sexuelle « a toute sa légitimité », expliquent-ils. Dans leur conclusion, les auteurs pointent le fait que « l’orientation sexuelle des patients HSH n’est pas systématiquement connue de leur médecin traitant ; il serait utile que celui/celle-ci ait connaissance de cet élément, que ce soit à son initiative ou à celle du patient, afin d’adapter la prise en charge en santé sexuelle (sans que cela soit consigné pour autant dans le dossier médical). Les spécificités de cette population, en particulier sur le plan de la prévention vaccinale et du dépistage, doivent être mieux enseignées en formation initiale et faire l’objet de rappels en formation continue. Les outils simples permettant d’amorcer un entretien dans ce domaine doivent être mieux connus ».

(1) : Guillaume Potherat (Faculté de médecine de Bobigny, université Paris 13), Julien Tassel (Gripic EA 1498, Celsa, Sorbonne université, Paris), Olivier Épaulard (Service des maladies infectieuses, CHU Grenoble Alpes, Grenoble, et Fédération d’Infectiologie multidisciplinaire de l’Arc alpin, université Grenoble Alpes, Grenoble).

Source : Potherat G, Tassel J, Epaulard O. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et la médecine générale : mention de l’orientation sexuelle par les patients et impact sur la relation de soin (étude HomoGen). Bull Epidémiol Hebd. 2019 ; (12):204-10.