Idahot 2020, marqué par le Covid-19

Publié par jfl-seronet le 17.05.2020
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Droit et socialhomophobie

Situation particulière pour cette nouvelle journée Idahot, la journée internationale contre les LGBTphobies, qui se déroule chaque 17 mai. Des manifestations et actions, à distance, sont prévues un peu partout dans le monde. De son côté, AIDES dénonce dans un communiqué la situation actuelle qui se résume ainsi : « LGBT-phobies : en périoe de crise, toujours plus de violences, aucune réponse adaptée ».

Covid-19 et LGBTI-phobies

À l’occasion du 17 mai, Journée internationale de lutte contre les LGBTI-phobies, AIDES exige « l’abolition de toutes les discriminations ou entraves légales qui restreignent l’accès à la santé des personnes LGBTI », explique l'association dans un communiqué. « Qu’elles soient inscrites dans la loi ou profondément ancrées dans la société, les violences à l’encontre des personnes LGBTI constituent un terreau fertile pour l’épidémie de sida, parce que ces stigmatisations favorisent les vulnérabilités, notamment face au VIH et aux hépatites virales. Ce cumul de vulnérabilités concerne particulièrement les personnes LGBTI étrangères et trans, largement invisibilisés-es dans les lois et la société ». Cette année particulièrement, les violences ont été exacerbées dans la situation de crise sanitaire liée à la Covid-19, et le confinement décrété pour y faire face, analyse l'association.

C'est un effet non anticipé, mais la période de confinement qui a duré plusieurs semaines s'avère être un « contexte aggravant les violences à l’encontre des personnes LGBTI ». À l’instar des violences sexistes, le confinement favorise le nombre de violences subies par les personnes LGBTI et notamment les jeunes de moins de 25 ans qui ont subi la fermeture imposée des locaux associatifs et des structures d’accueil, contraints-es alors de rester dans un environnement nocif. « Face à cette situation dramatique, AIDES avec de nombreuses associations ont adressé en avril dernier une lettre à la secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes et en charge de la lutte contre les discriminations, lui demandant la mise en place de mesures concrètes pour protéger les personnes. Parmi ces demandes, celles d’un financement aux associations indispensable à la poursuite des actions à destination de ces publics et le renforcement de la prise en charge et l’hébergement d’urgence des jeunes LGBTI.

Dans ses réponses, le gouvernement apparaît déconnecté des réalités. « Les réponses apportées à ces demandes démontrent, sinon le mépris, le manque de clairvoyance du gouvernement sur les réalités que nous connaissons, dénonce AIDES. Et pour cause, ni les personnes concernées, ni les associations et pas même le secteur médico-social n’ont été consultés pour construire ce semblant de réponse. Avec 300 000 euros pour 6 000 nuitées d’hôtel, on nous propose de mettre à l’abri 200 personnes au total pour un mois d’hébergement d’urgence. Un montant largement insuffisant et une « solution » totalement inadaptée. Certes, il faut mettre les personnes urgemment à l’abri, mais durablement et avec une prise en charge sociale et psychosociale à long terme ».

AIDES constate, avec d'autres, que cette crise « révèle les lacunes des institutions dans la lutte contre les LGBTIphobies ». En France, en 2019, plus d’une personne LGBTI sur deux déclare avoir déjà subi une agression homophobe ou transphobe au cours de sa vie ! Sans changement de cap politique, nous pouvons craindre pire encore. L’Ilga vient d’ailleurs de rétrograder la France à la 13e place des pays d’Europe sur le respect des droits LGBTI. Un recul historique de la neuvième à la treizième place. L’adoption d’une loi bioéthique excluant les personnes trans et intersexes ou la précarisation du statut des personnes réfugiées via l’instauration prévue d’une liste des « pays sûrs » pour limiter l’immigration justifient notamment cette rétrogradation. L'association juge indispensable que l’État mette en place des outils d’accompagnement, d’orientation et de prise en charge des victimes de violences LGBTI en période de crise, mais surtout de façon permanente. À l'occasion du 17 mai, découvrez sur la page twitter de AIDES les extraits d’une vidéo dénonçant les violences subies par des personnes LGBTI, sous forme de témoignages visuels.

Idahot... aux origines

C'est à l'initiative de l'universitaire et militant Louis Georges Tin que la journée du 17 mai a été choisie en 2004 en référence à l'action de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, le 17 mai 1990, avait retiré l'homosexualité de la liste des maladies mentales. Depuis sa création, Idaho est devenu Idahot : la Journée internationale contre l'homophobie, la biphobie et la transphobie. Conformément à son engagement en faveur de la lutte contre les violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, la France a reconnu officiellement cette journée le 17 mai 2008. Cette « date » mobilise l'opinion publique sur les LGBT-Phobies au travers de manifestations, de colloques ou d'événements artistiques… Chaque année, les organisateurs-rices mettent en avant une thématique spécifique. Pour 2020, le thème retenu : « Briser le silence »

Une édition « spéciale »

Évidemment, en raison des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19, les associations LGBTQI+, à travers le monde, s'adaptent pour célébrer l'Idahot, en proposant des manifestions, initiatives et événements à « distance ». De nombreuses initiatives, prévues de longue date, ont du être adaptées aux situations de confinement qui restent en vigueur dans certains endroits, aux déconfinements plus ou moins souples... aux gestes barrières et au respect des distances de sécurité. Le site d'infos LGBT Komitid a publié un récapitulatif de certaines initiatives internationales. En France, pas de rassemblement ou de remise par la Ville de Paris du Prix international de Paris pour les droits des personnes LGBTQI+, comme c'était la tradition.

Une initiative d'ELCS

De son côté, Jean-Luc Romero avec Élus Locaux Contre Le Sida lance également une campagne de communication visuelle sur Twitter visant à sensibiliser l’opinion sur les principaux enjeux de l’homophobie et de la transphobie en France et dans le monde. Dans un communiqué, ELCS pointe qu'en « pleine épidémie du coronavirus, les propos hostiles et manifestations de violence à l’encontre des personnes LGBTQI se multiplient ! » Du coup, l'association a voulu lancer une campagne de communication visuelle visant à sensibiliser l’opinion sur les principaux enjeux de l’homophobie et de la transphobie en France et dans le monde. « Plus que jamais en France, dans un contexte de confinement lié au Covid-19, les personnes LGBTQI ont parfois été soumises à rude épreuve, car emprisonnées dans un environnement hostile, s’exposant souvent à des violences psychologiques et/ou physiques. Sur les réseaux sociaux, les témoignages de personnes LGBTQI dénonçant des invitations de leur voisinage à quitter leurs habitations en raison de leur orientation sexuelle, établissant un lien dangereux et homosexualité et coronavirus, ne cessent d’alimenter un climat de haine vis-à-vis des personnes LGBTQI », explique ELCS. Pour Jean-Luc Roméro-Michel, fondateur d’ELCS, « s’il convient de saluer la volonté de la ministre (Marlène Schiappa) de loger les personnes LGBTQI victimes de violence, il n’en est pas moins juste d’appeler le gouvernement à agir de façon plus rapide à l’avenir. Les auteurs de violences LGBTQI-phobes n’attendent pas. Le gouvernement doit adapter son agenda en conséquence. »

Victime de LGBTphobies

Vous pouvez appeler SOS homophobie qui tient une ligne d'écoute anonyme (01 48 06 42 41) qui fonctionne du lundi au vendredi (18h – 22h), samedi (14h - 16h) et dimanche (18h – 20h). Pour témoigner et signaler, vous pouvez vous rendre sur Chat'écoute, ce qui permet de contacter SOS homophobie par chat privé les mardis et jeudis de 21h à 22h30 et les samedi et dimanche de 18h à 19h30.

Homophobie & Co : plaintes contre Twitter

Des associations de lutte contre les discriminations (UEJF, SOS racisme et SOS homophobie...) ont assigné lundi 11 mai Twitter devant le tribunal judiciaire de Paris, jugeant que le réseau social manquait de manière « ancienne et persistante » à ses obligations en matière de modération des contenus, selon un document transmis mardi 12 mai à l'AFP. « Face à une augmentation de 43 % des contenus haineux sur Twitter pendant la période du confinement, l'UEJF, SOS racisme et SOS homophobie agissent en référé contre Twitter pour non-respect de son obligation légale de modération », ont-elles expliqué dans un communiqué. Selon une étude menée par leurs soins du 17 mars au 5 mai, « le nombre de contenus racistes a augmenté de 40,5 % (sur la période), celui des contenus antisémites de 20 % et celui des contenus LGBTphobes de 48 % ». Les associations expliquent de plus avoir signalé au réseau social 1 110 tweets haineux, principalement des insultes homophobes, racistes ou antisémites sans équivoque, et avoir constaté que seuls 12 % d'entre eux avaient été supprimés dans « une période raisonnable allant de 3 à 5 jours », indique l'AFP. Ces résultats sont intolérables (...) Ce que montre ce « testing », c'est une inaction massive de la part d'une plateforme qui refuse manifestement de mettre les moyens humains nécessaires à la modération des contenus que son activité génère », a indiqué le président de SOS Racisme Dominique Sopo, dans le communiqué commun des associations. Les associations demandent au tribunal d'ordonner la désignation d'un-e expert-e chargé-e de constater « les moyens matériels et humains mis en oeuvre » par Twitter « pour lutter contre la diffusion des infractions d'apologie de crimes contre l'humanité, l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l'incitation à la violence, notamment aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ». Les associations souhaitent ainsi « dissiper l'épais mystère entourant la composition et la gestion des services de régulation de Twitter » et mesurer « l'ampleur de la désinvolture ancienne et persistante » sur la modération des contenus. Contacté par l'AFP, Twitter a assuré investir dans des technologies de modération « pour réduire la charge qui pèse sur les utilisateurs de devoir effectuer un signalement ». « Plus d'un tweet sur deux sur lequel nous agissons pour abus » vient désormais d'une détection automatique plutôt que d'un signalement, a précisé la directrice des affaires publiques de Twitter France Audrey Herblin-Stoop dans une déclaration écrite. « A titre de comparaison, ce ratio était de 1 sur 5 en 2018 », a-t-elle ajouté. Régulièrement accusées d'héberger ou de contribuer à la diffusion de contenus haineux ou violents, les grandes plateformes de contenus ont été incitées à mettre en place des algorithmes de filtrage, des procédures de signalement et des équipes de modérateurs. En France, l'Assemblée nationale devait adopter définitivement mercredi 13 mai une proposition de loi controversée de lutte contre la haine sur internet, qui doit instaurer l'obligation pour les plateformes et moteurs de recherche de retirer sous 24 heures les contenus « manifestement » illicites, sous peine d'être condamnés à des amendes pouvant atteindre 1,25 million d'euros.

Pour Jérémy Falédam, coprésident de SOS homophobie : « Les plateformes sont devenues des espaces où les personnes que nos associations défendent sont insultées, menacées, diffamées quotidiennement. Cette étude le démontre une fois de plus, elle illustre la responsabilité qui incombe à ces plateformes pour refréner la diffusion et la propagation de cette haine si délétère qui affecte directement nos vies, à toutes et tous. Twitter montre une fois de plus qu’elle n’est pas à la hauteur de ces enjeux et qu’elle se décharge de sa responsabilité en n’assurant pas une modération efficace des contenus qu’elle diffuse ».

« Idablhoti 2020 » : la France en net recul

La France recule dans le classement des pays européens les plus favorables aux personnes LGBTI, publié annuellement par l’Ilga-Europe, indique une publication de l’Inter-LGBT. « La France quitte même le top 10, perdant sept points, en recul à la 13e place. Une première depuis l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et le reflet du manque d’ambition du gouvernement sur les questions LGBTI », indique le collectif français.

En Europe l’ONG Ilga-Europe, fédération européenne des associations LGBT+, publie à l’occasion de cette Journée mondiale la carte de l’état des lieux des droits LGBTI en Europe et en Asie centrale. Elle est réalisée à partir de l’analyse de presque 70 critères. Cette carte établit un classement des pays du plus favorable au plus défavorable aux personnes LGBT+. « Alors que la France a longtemps fait partie du peloton de tête et après des avancées légales majeures (mariage pour tous, inscription de la transphobie dans le code pénal, introduction par la loi Justice 21 du changement d’état civil pour les personnes trans, etc.) ces dernières années ont été marquées par un ralentissement voire un recul de la volonté politique des dirigeants-es. Même si face au coronavirus le pays a adopté récemment des mesures ponctuelles d’urgence, le gouvernement manque toujours d’ambition et d’un vrai plan d’action digne de ce nom », dénonce l’inter-LGBT. À cette occasion, l’Inter-LGBT rappelle « l’urgence de renouveler le plan national de lutte contre la haine et les discriminations anti-LGBT, co-construit avec les associations et ainsi donner une vision politique ambitieuse sur le long terme. L’Inter-LGBT espère que ce plan introduira une refonte des moyens financiers et matériels alloués aux associations et organisations afin de pérenniser et amplifier leur travail, sans dépendre d’une logique d’appels à projets ponctuels qui ne correspond ni aux capacités des associations ni au besoin des populations concernées ».

Flag ! une application pour les signalements

Pour rappel, l’association Flag ! a lancé (24 avril) une application mobile dédiée aux signalements des actes de LGBTphobies, sérophobie et violences conjugales. « Depuis de nombreuses années, les associations LGBT déplorent autant la recrudescence des actes anti-LGBT que la méconnaissance totale des phénomènes de haine homophobe, transphobe ou sérophobe et donc du nombre d’agressions physiques ou verbales commises en France en raison de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou de la sérologie », pointait, au moment du lancemeht de cette application, un communiqué de presse du secrétarait d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes. « Nul n’ignore que le nombre de faits enregistrés par la police nationale et la gendarmerie nationale (…) ne reflètent en rien la réalité de ces crimes de haine LGBT car nombreuses sont les victimes qui ne déposent pas plainte par appréhension ou face à la difficulté d’obtenir des condamnations des auteurs de contenus haineux homophobes ou transphobes ». Pour y pallier, FLAG ! a développé une plateforme, disponible sur Android et iOS, gratuite de signalements anonymes, pour les victimes et les témoins de violences physiques ou verbales LGBTphobes, de sérophobie, de violences conjugales, notamment dans les couples LGBT, aussi bien sur internet, à domicile, sur la voie publique ou au travail. L’acte de violence est caractérisé, daté et localisé. À l’issue du signalement, la victime, en fonction de son statut et de l’acte signalé, sera orientée vers les interlocuteurs appropriés (dépôt de plainte, pré-plainte en ligne, signalement Pharos, Plateforme des violences sexistes et sexuelles, Officier de liaison LGBT, 119 enfances en danger, associations spécialisées, etc…). Ces signalements alimenteront une cartographie la plus précise possible facilitant le travail des pouvoirs publics pour développer efficacement des politiques publiques et des actions ciblées en faveur de la lutte contre les violences sexistes, anti-LGBT et sérophobe. Un comité scientifique, en partenariat avec la fondation Jean Jaurès, établira annuellement une étude sociologique sur la base des signalements obtenus. Les objectifs de cette application sont multiples et répondent ainsi à de nombreuses attentes.

Violences LGBTI : les préconisations de AIDES
Le succès de la lutte contre le VIH et les hépatites virales passera par une reconnaissance des violences subies par les personnes LGBTI et des mesures adaptées pour y mettre fin, explique AIDES. L'association demande en ce sens et en complément des mesures spécifiques au contexte de crise :
- La mise en place d’un accès rapide, libre et gratuit au changement d’état civil pour les personnes trans, françaises et étrangères pour un accès sans entraves à la santé et aux prestations sociales, aujourd’hui impossible compte tenu de la complexité des procédures ;
- L'abolition des discriminations légales comme celle annoncé dans le projet de loi de bioéthique qui laisse de côté les personnes trans et intersexes, violant ainsi leurs droits fondamentaux ;
- L’amélioration de l'accès aux droits et à la santé des personnes LGBTI étrangères en annulant la création d’une liste des pays dits « sûrs » et en facilitant les demandes d’asile. Quand les menaces et persécutions proviennent autant de la famille, du voisinage, de la société dans son ensemble que des autorités et des États, aucun pays ne peut être a priori considéré comme sûr.