Impact du VIH et migration

Publié par jfl-seronet le 12.09.2021
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Chiffresmigration

Les personnes migrantes sont-elles infectées par le VIH avant ou après la migration ? C’est à cette question qu’a souhaité répondre une équipe de recherche qui y voit un enjeu important de santé publique. Explications.

Plus d’un tiers des personnes migrantes vivant en Europe sont infectées après leur migration selon une récente étude soutenue par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. Plusieurs études montrent que les personnes migrantes sont exposées à un risque élevé vis-à-vis du VIH du fait de conditions de santé fragilisées dues notamment aux inégalités sociales qui les frappent, à des facteurs structurels et à un accès limité aux services de santé, ce qui inclut également les services de prévention, de dépistages et de soins pour le VIH. Un chiffre donne une idée de ce qui est jeu : les personnes migrantes représentent environ 12 % de la population vivant dans l’Union européenne, mais 44 % des nouveaux diagnostics VIH en 2019, rappelle un article du site aidsmap. « Comprendre le moment de l’acquisition du VIH (avant ou après la migration) est crucial pour mettre en place des actions de santé publique adaptées et pour produire des données fiables d’incidence et notamment des données sur le pourcentage de personnes vivant avec le VIH non diagnostiquées », expliquent les auteurs-rices de cette étude. L’équipe de recherche s’est appuyée sur une méthode classique (comptage des CD4 et mesure de l’ANR viral). La méthode a d’abord été appliquée à des « données artificielles » lors d’une phase test pour voir si elle permettait réellement de faire la distinction entre les infections avant et celles après la migration. Ces résultats ont montré que la méthode employée durant cette phase de simulation permettait de classifier correctement 85 % des cas d’infections avant la migration et 87 % des cas d’infections après la migration. La méthode a ensuite été employée sur des données réelles de surveillance du VIH. Les données étaient conséquentes puisqu’elles portaient sur la période entre 1979 et 2017 et concernaient trente pays européens.

Quelques 43 000 cas ont été sélectionnés et l’étude a porté sur un échantillon de 4301 personnes sélectionnées au hasard et composé de 50 % d’hommes et 50 % de femmes. Parmi eux-elles, 71 % étaient originaires d’Afrique, 15 % d’Europe, 5 % d’Asie et 9 % d’autres régions du monde. Le délai moyen entre la migration et le diagnostic du VIH varie selon la région d’origine : 3 ans pour les personnes originaires d’Afrique, 4,7 pour celles originaires d’Asie, 2,3 pour l’Europe et 3,5 pour les autres régions. L’âge médian au diagnostic était de 34 ans ; ce qui signifie que pour la moitié des personnes la découverte du VIH se produisait après 34 ans. La médiane des CD4 au diagnostic était de 270 CD4/mm3 pour les personnes originaires d’Afrique et d’Asie et de 410 CD4/mm3 pour celles originaires d’Europe et des autres régions. Les chercheurs-ses ont démontré que la proportion de personnes migrantes ayant acquis le VIH après la migration était de 32 % pour les personnes originaires d’Afrique, 37 % pour l’Europe, 45 % pour l’Asie et les autres régions. Ils-elles notent quelques limites à leurs résultats (manque de données sur les CD4 et la période de migration, tout particulièrement sur les premières années de l’épidémie), mais en concluent néanmoins que savoir si l’infection VIH a lieu avant ou après la migration est un enjeu essentiel à la fois pour surveiller l’épidémie et adapter les stratégies de prévention et de dépistages.