Inflammation chronique liée au VIH : le rôle d’une protéine décrypté

Publié par Renaud Persiaux le 07.01.2012
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Quels sont les mécanismes de l’inflammation chronique généralisée chez les personnes vivant avec le VIH, qui persiste même sous traitement antirétroviral efficace ? Une étude de l’ANRS (PERSIST) apporte quelques éléments d’information… et ouvre des pistes thérapeutiques.

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C’est un enjeu majeur : si l’inflammation chronique généralisée ne provoque pas de symptômes visibles, elle contribue à altérer le pronostic à long terme. En favorisant, notamment, le vieillissement accéléré et la survenue de maladies cardiovasculaires.

Plus de barrière contre les bactéries

On sait, depuis quelques années, qu’est en cause une altération de l’immunité de la muqueuse intestinale, qui se produit dès les premières semaines de l’infection. Elle laisse le champ libre au passage constant de bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine. Ce n’est pas bon et ça entraîne un état inflammatoire chronique, avec toute une série de réactions en cascades qui provoquent des dégâts dont les effets ne font que s’accumuler.
L’équipe de Pierre Delobel, au Centre hospitalier de Purpan (Toulouse) vient de révéler une des causes du phénomène. L’étude PERSIST (EP 44) a concerné 20 personnes vivant avec le VIH en succès thérapeutique et 10 personnes témoins séronégatifs. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique "Journal of Clinical Investigation" le 12 décembre 2011.

Ils montrent que chez les séropositifs, même sous traitement antirétroviral efficace, un certain type de lymphocytes CD4 (les, tenez-vous bien, "alpha4-bêta7 et CCR9") normalement destinés à migrer vers la muqueuse intestinale, restent bloqués dans la circulation sanguine. Normalement, ces CD4 ont précisément pour rôle de faire "barrière" entre le tube digestif et la circulation sanguine et donc d’empêcher le passage des bactéries vers le sang.

Cercle vicieux

Les chercheurs ont mis en évidence que ce phénomène est lié à un défaut de sécrétion par les cellules intestinales, d’une molécule régulant l’immunité (on parle de chimiokine), la CCL25. Cette molécule a pour fonction d’attirer les lymphocytes CD4 "alpha4-bêta7 et CCR9" vers la muqueuse intestinale. "C’est un vrai cercle vicieux, explique le docteur Pierre Sobel. Le déficit immunitaire de la muqueuse conduit à une altération de celle-ci, qui entraîne le déficit en CCL25, qui, lui-même, entretient le déficit immunitaire de la muqueuse". De quoi plaider pour un dépistage et un traitement précoce de l’infection par le VIH. Et ouvrir des perspectives intéressantes, des traitements immunologiques susceptibles de restaurer la production intestinale de CCL25.