Italie et VIH : "action 0" !

Publié par Sophie-seronet le 16.07.2011
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IAS 2011
Quelques jours avant le Congrès international sur la prévention et le traitement du VIH (IAS 2011) qui démarre à Rome le 17 juillet, les associations italiennes de lutte contre le sida ont organisé Le Forum de la société civile italienne sur VIH/sida avec l’objectif de faire un état de lieu des politiques nationales et internationales de lutte contre le sida. Responsable du plaidoyer international à AIDES, Francesca Belli y participait. Elle raconte.
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Hormis une fonctionnaire de la Coopération internationale italienne, tous les représentants politiques et institutionnels invités ont déserté le forum. Rien de nouveau ! Cela fait des années que les politiques et responsables italiens désertent le champ de la lutte contre le VIH/sida. Le bilan de l’action gouvernementale que tirent les associations est extrêmement  négatif. En paraphrasant la nouvelle stratégie de l’ONUSIDA : "Zéro nouvelles infections, zéro discriminations et zéro décès", on peut clairement affirmer que la stratégie de l’Italie en matière de lutte contre le sida est celle de l’ "action 0". Pour ce qui concerne la lutte contre le sida sur le plan international et le financement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, on peut même dire que l’Italie adopte, cette fois,  la "stratégie moins zéro". La politique conduite par l’Italie, c’est moins 260 millions d’euros que le pays était censé verser au Fonds mondial en 2009 et en 2010 et les 30 millions de dollars additionnels que Berlusconi avait promis lors du G8 de L’Aquila n’ont jamais été versés.
De plus, non content de ne pas ternir ses promesses, le gouvernement de Berlusconi n’a pris aucun engagement sur sa contribution au Fonds mondial pour la période 2011-2013.
Les 260 millions d’euros non versés par l’Italie ont eu un impact dramatique sur le travail du Fonds mondial : 100 000 personnes n’ont pas pu avoir accès aux médicaments anti-VIH, 284 000 personnes n’ont pas pu être soignées contre la tuberculose et 8 000 000 personnes n’ont pas pu avoir accès à des moustiquaires qui auraient permis de lutter contre l’extension du paludisme. Sur initiative des activistes italiens, une mobilisation internationale s’est organisée : une lettre ouverte, signée par les principales organisations non gouvernementales de vingt-deux pays, destinée au président du Conseil des ministres italiens Silvio Berlusconi a été envoyée afin que ce dernier tienne ses engagements financements envers le Fonds mondial.

Si, sur le plan international, les promesses non tenues par l’Italie tuent, du coté italien, ce n’est pas non plus la "Dolce vita". On estime qu’entre 143 000 et 165 000 personnes séropositives vivent en Italie…  dont une sur quatre ignore son statut sérologique. De plus, un tiers des personnes ne découvre que très tardivement leur séropositivité, avec un nombre de CD4 inférieur à 200/mm3. Si le cadre général est alarmant la situation des groupes les plus vulnérables est, elle, dramatique.
En 2009, 4,5 personnes pour 100 000, en moyenne, ont été diagnostiquées séropositives au VIH et chez les personnes d’origine étrangère vivant en Italie le pourcentage s’élève à 22,2 cas pour 100 000. Bien que les données épidémiologiques ne soient pas complètement à jour, on peut estimer que la prévalence du VIH en milieu fermé (personnes en détention) s’élève à 7%, avec des taux de co-infection VIH et VHC qui avoisinent 50% et pour certains établissements pénitentiaires des pics de 90% (!) comme c’est le cas à la prison Marassi de Gênes. Les établissements pénitentiaires transalpins, comme d’ailleurs ceux de l’hexagone, sont le "no-mans land" de la prévention : les personnes détenues n’ont aucun accès à des matériels de prévention et de réduction du risque (matériel stérile d’injection, préservatifs…). La situation des personnes usagères de drogues en milieu fermé, mais aussi en milieu libre est de plus en plus difficile avec des politiques de criminalisation de l’usage de drogue toujours plus violentes qui remettent en question les politiques de réduction du risque qui ont été menées avec succès dans les dernières décennies en Italie.

L’Italie est un des derniers pays d’Europe à ne pas avoir de lois spécifiques contre les crimes d’homophobie et à ne pas reconnaître de droits légaux aux couples de même sexe. Il n’y a même pas l’équivalent du PaCS. L’épidémie de VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes est extrêmement importante en Italie. A Vérone, la ville de Juliette et Romeo, Arcigay (la plus importante association italienne pour la défense des droits des personnes LGBTQ) a mené une étude auprès de 405 hommes, des "Romeo" ayant des relations sexuelles avec d’autres "Romeo", qui ont accepté de se faire tester pour le VIH à l’aide d’un test de dépistage oral à résultat rapide. 11,8% des participants à l’étude se sont révélés séropositifs et presque 60% de ces 11,8% ont découvert leur séropositivité à cette occasion.

Dans le pays de milles campaniles, la régionalisation en matière de prise en charge sanitaire a créé des disparités très fortes dans l’accès aux diagnostics et aux traitements dans chacune des vingt régions italiennes. Sur ce point, les associations italiennes demandent l’élaboration d’un plan de coordination national et que toutes les agences régionales de santé fassent référence aux mêmes recommandations nationales sur l’utilisation des traitements antirétroviraux et sur le suivi médical de personnes vivant avec le VIH. Il est possible de prendre connaissance de ces revendications de la société civile italienne dans la "Dichairazione di Roma". C’est en italien uniquement, mais une version anglaise devrait bientôt être disponible. Ce document, une plate-forme de revendications, sera officiellement remis aux représentants de l’Etat italien le 17 juillet lors de la cérémonie d’ouverture du Congrès de l’IAS. Devant l’absence des pouvoirs publics, la meilleure partie de l’Italie, en l’occurrence, ici, celle des "résistants de la lutte contre le sida" s’organise. C’est un combat quotidien que mènent les associations contre leVIH/sida et, hélas, trop souvent contre l’inaction gouvernementale.

Commentaires

Portrait de Traitdunion

...c'est une Catastrophe !!!
Portrait de communard2011

Rien que sur le plan de la prescription des ARV, l'Italie est inquiétante depuis longtemps.

Même sur les chats de Seronet, cela a été souvent formulé par des patients vivant en Italie...

Il est bien que des langues journalistiques, fussent-elles d'associations de lutte contre le sida, se délient enfin et qu'elles retrouvent une éthique de l'investigation et non de la simple reproduction de ce qu'elles ne vont pas vérifier sur place. Pourtant, l'Italie est accessible par le train, contrairement à l'Afrique.