La course au vaccin s’accélère

Publié par jfl-seronet le 16.12.2020
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ThérapeutiqueCovid-19vaccins

La période récente aura été marquée par de nouvelles autorisations pour le vaccin de Pfizer/BioNTech et des craintes pour l’accès en Afrique. Pour la première fois, des revues scientifiques avec experts-es indépendants-es publient des résultats qui confirment les annonces des labos. Le vaccin de Sanofi et GSK prend du retard, tandis que l’Australie arrête définitivement son projet vaccinal.

Vaccin Pfizer/BioNTech

Avancée aux États-Unis. Un comité d'experts-es indépendants-es a voté (10 décembre) pour recommander à l'Agence américaine des médicaments (FDA) d'autoriser dans le pays un premier vaccin contre la Covid-19, développé par le duo Pfizer/BioNTech. Le feu vert devrait suivre dans les prochains jours et la vaccination devrait commencer avant la fin décembre. L’annonce a été faite lors d’une procédure de transparence inédite puisque les travaux des experts-es ont été retransmis pendant plusieurs heures sur Internet. Une vingtaine de chercheurs-ses membres de ce comité consultatif ont débattu publiquement des données de sécurité et d'efficacité du vaccin, indique l’AFP. Ils-elles ont interrogé les responsables des fabricants et des autorités sanitaires sur le fonctionnement du vaccin, son efficacité réelle contre les formes graves de la maladie, ses effets indésirables, la surveillance sanitaire à long terme ou encore le sort des participants-es aux essais cliniques qui ont reçu un placebo. Au terme des échanges, le comité a donné son avis favorable lors d'un vote qui ne contraint pas la FDA : 17 voix pour, 4 contre et 1 abstention. Le feu vert est quasi assuré, car l'efficacité et l'innocuité du vaccin ont désormais été validées par trois sources indépendantes : ce comité ; les propres experts-es scientifiques de la FDA dans une synthèse rendue publique le 8 décembre ; un comité de lecture composé d’experts-es indépendants-es de la revue médicale américaine la plus cotée, le New England Journal of Medicine, qui a évalué et publié jeudi les résultats de l'essai vaccinal. Les laboratoires fabricants avaient annoncé le 18 novembre que leur vaccin était efficace à 95 %, puis déposé leur dossier à la FDA deux jours plus tard. Depuis, le Royaume-Uni, le Canada, Bahreïn et l'Arabie saoudite ont autorisé la mise sur le marché. La FDA et Pfizer ont publié 145 pages de données issues d'un essai clinique sur 44 000 volontaires, offrant des détails d'une finesse incomparable avec ce que l'on sait des vaccins russe et chinois, déjà administrés à grande échelle dans leurs pays respectifs.

Que disent les données de l'essai portant sur 38 000 des 44 000 volontaires ? D'abord que le vaccin marche mieux qu'espéré. Les deux doses, à trois semaines d'intervalle, ont réduit de 95 % le risque de développer la Covid-19 par rapport aux membres du groupe prenant le placebo. Il semble bien prévenir les formes graves de la maladie, même si ces données sont moins définitives, souligne l’AFP. Le vaccin provoque des effets indésirables, qui semblent pénibles, mais sans danger : 80% des personnes vaccinées ont eu mal autour du point d'injection, beaucoup ont ressenti de la fatigue, des maux de tête ou eu des courbatures. Sur deux mois de suivi en moyenne, le seul effet indésirable potentiellement inquiétant a été quatre cas de paralysie faciale de Bell, une manifestation neurologique qui se manifeste par des contractions musculaires du visage. C'est souvent temporaire et statistiquement la causalité n'est pas établie, selon les données, mais la FDA a recommandé une surveillance accrue. Les experts-es ont débattu longuement du risque d'allergie, après deux cas de réactions sévères au Royaume-Uni. Aux États-Unis, un avertissement accompagnera le vaccin : il sera déconseillé aux personnes ayant une allergie sévère connue à l'un de ses ingrédients. Les autorités sanitaires britanniques ont déconseillé (9 décembre) d'inoculer le vaccin de Pfizer et BioNTech contre le nouveau coronavirus aux personnes ayant eu dans le passé « d’importantes réactions allergiques ». Cette recommandation a été édictée à la suite de deux cas de personnes ayant mal réagi aux premières injections. « Deux personnes ayant connu des réactions allergiques importantes ont mal réagi », a indiqué Stephen Powis, directeur médical du service national de santé (NHS) pour l'Angleterre. « Les deux se remettent bien ». Ces deux personnes sont sujettes aux allergies au point de garder toujours de l'adrénaline sur elles, précise l’AFP, citant des médias britanniques. Par conséquent, l'agence britannique du médicament, la MHRA, a émis une recommandation afin de ne pas vacciner « toute personne ayant un historique de réaction allergique importante à des vaccins, des médicaments ou de la nourriture (comme des réactions anaphylactiques ou ceux-celles à qui il a été conseillé de porter un injecteur d'adrénaline) ».

On ignore encore la durée de protection et on ne sait pas non plus si le vaccin empêche l'infection asymptomatique par le coronavirus, rappelle l’AFP.

Le Royaume-Uni a été le premier pays à autoriser ce vaccin et a commencé le 8 décembre dernier une campagne massive de vaccination, ciblant prioritairement les soignants-es et les personnes âgées.  Quelque 800 000 doses de ce vaccin sur les 40 millions de doses commandées par le gouvernement seront administrées dans un premier temps. Interrogé par une commission parlementaire, le médecin-chef pour l'Angleterre, Chris Whitty, a estimé (9 décembre) que « trois ou quatre vaccins » devraient être disponibles d'ici à mi-2021 au Royaume-Uni.

Le Canada a annoncé (9 décembre) avoir autorisé l'usage du vaccin contre la Covid-19 mis au point par le laboratoire américain Pfizer et son partenaire allemand BioNTech. « Après un examen minutieux et indépendant des données, Santé Canada a jugé que ce vaccin répond aux exigences canadiennes d'innocuité, d'efficacité et de qualité », a déclaré Santé Canada sur les réseaux sociaux. « Les premiers essais du vaccin s'adressent aux personnes âgées de 16 ans ou plus, précise l'agence sanitaire dans un communiqué.

Le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a annoncé (9 décembre) que son pays allait commencer à administrer les vaccins contre le Covid-19 le 27 décembre, après avoir reçu un premier lot du vaccin de Pfizer et BioNTech. Les services de santé publique seraient en mesure d'administrer 60 000 doses par jour, selon le gouvernement. Israël a commandé huit millions de doses au géant américain. « Je demande que chaque citoyen israélien soit vacciné et pour ce faire, j'ai demandé à donner l'exemple et à être la première personne vaccinée en Israël », a indiqué Benjamin Nétanyahou. Le chef du gouvernement israélien a également déclaré que le ministère de la Santé travaillait à l'élaboration d'un « passeport vert ». « Quiconque reçoit une vaccination pourra présenter un certificat qui lui permettra d'entrer dans les centres commerciaux et (d'obtenir) toutes sortes de services ». « Cela encouragera les opérations de vaccination et nous aidera à revenir rapidement à la normale », a-t-il estimé. Le coronavirus a contaminé 349 916 personnes en Israël et a provoqué 2 934 décès.

L’Arabie saoudite a approuvé (10 décembre) le vaccin de l'alliance Pfizer/BioNTech, a annoncé l'agence officielle Spa, faisant de l'Arabie saoudite le deuxième pays du Golfe à donner son feu vert. « L'Autorité saoudienne pour l'alimentation et les médicaments (SFDA) (...) a approuvé l'enregistrement du vaccin Pfizer-BioNTech pour le Covid-19 dans le royaume », indique un communiqué officiel. « Les autorités sanitaires du pays peuvent importer et utiliser le vaccin », a-t-il ajouté. La SFDA n'a pas précisé la date effective de lancement du vaccin. Bahreïn a déjà annoncé l'approbation de ce même vaccin. L'Arabie saoudite a enregistré officiellement près de 360 000 cas de personnes contaminées par la Covid-19, dont plus de 6 000 décès. Le royaume est le plus touché parmi les pays de la péninsule arabique.

Les données soumises à l’Agence européenne des médicaments (EMA) par les laboratoires Pfizer et BioNTech et le groupe américain Moderna pour leurs candidats vaccins respectifs contre la Covid-19 sont « très solides », a déclaré (10 décembre) Emer Cooke, la directrice générale de l’EMA, citée par Reuters. « Nous avons un ensemble de données sur plus de 30 000 candidats-es qui ont participé à des essais cliniques. Cela nous donne un ensemble de données très solide sur lesquelles prendre une décision aussi bien en termes de sécurité que d’efficacité », a-elle déclaré lors d’une réunion d’une commission au Parlement européen. « Nous ne pouvons pas garantir un avis favorable », a-t-elle cependant précisé. L’EMA devrait achever ses examens sur le candidat vaccin de Pfizer/BioNTech d’ici le 29 décembre et sur celui de Moderna d’ici le 12 janvier.

Vaccin Sanofi et GSK fin 2021

Les laboratoires français Sanofi et britannique GSK ont annoncé (11 décembre) que leur vaccin anti-Covid-19 ne serait prêt que fin 2021, après des résultats moins bons qu’espéré des premiers essais cliniques. La conduite du programme « est retardée afin d’améliorer la réponse immunitaire chez les personnes âgées », indiquent les groupes dans un communiqué, cité par l’AFP. Ils tablent désormais sur une mise à disposition d’un vaccin au quatrième trimestre 2021, alors qu’ils espéraient initialement présenter une demande d’homologation au premier semestre 2021 et livrer un milliard de doses cette même année. Sanofi, qui développe ce vaccin conjointement avec GSK - qui fournit son adjuvant - avait indiqué récemment encore qu’il comptait démarrer les tout derniers essais sur l’homme (dits de phase 3), fin décembre. Les résultats intermédiaires des premiers essais (phases 1/2) ont montré une réponse inférieure aux attentes. Si la réponse immunitaire des adultes de 18 à 49 ans est « comparable à celle des patients qui se sont rétablis d’une infection Covid-19 », cette réponse est « insuffisante » chez les adultes plus âgés, précise le communiqué. Les laboratoires veulent donc « affiner la concentration d’antigènes de manière à obtenir une réponse immunitaire élevée dans toutes les tranches d’âge ». Ce serait, en effet, paradoxal de commercialiser un vaccin dont les performances seraient moins bonnes chez les personnes qui sont le plus exposées à des formes graves de Covid-19. Pour y remédier, les deux labos pharmaceutiques conduiront une phase complémentaire de tests, dite phase 2b, à partir de février, en s’appuyant sur un test récemment mené sur le modèle animal avec une formulation d’antigènes améliorée. Celui-ci a montré que « le candidat-vaccin pourrait conférer une protection contre les pathologies pulmonaires et entraîner l’élimination rapide du virus dans les voies nasales et les poumons en l’espace de deux à quatre jours », soulignent-ils dans leur communiqué. « Lorsqu’on injecte une forte quantité de virus à des animaux qui ont reçu le vaccin, on a d’excellents résultats, c’est ce qui nous donne confiance », a commenté, auprès de l’AFP, Thomas Triomphe, le vice-président de la branche vaccins de Sanofi.

Vaccin australien stoppé

La mise au point d'un vaccin contre la Covid-19 en Australie a été abandonnée (11 décembre) a annoncé le gouvernement. Pourquoi ? Parce que lors des essais cliniques, le candidat vaccin utilisé avait produit un résultat faussement positif de VIH parmi des participants-es aux tests cliniques. Ce candidat vaccin, qui était encore en première phase d'essais à l'université du Queensland, utilisait une faible quantité de protéine du VIH. Et pas le virus lui-même, il n’y avait donc aucun risque d’être infecté par le VIH via ce candidat vaccin. Le professeur Paul Young, de l'université du Queensland, a d’ailleurs insisté sur le fait que la protéine VIH utilisée dans le vaccin était « totalement inoffensive » et ne présentait aucun risque pour la santé des participants aux essais. L’utilisation de cette protéine a eu pour conséquence de déclencher une réponse d'anticorps qui pourrait interférer avec le dépistage du VIH, a expliqué le ministre de la Santé, Greg Hunt. D’où la décision de stopper ce projet par crainte de « miner la confiance de la population dans les vaccins », a souligné le secrétaire général du ministère de la Santé, Brendan Murphy. « Il aurait probablement très bien fonctionné, mais nous ne pouvons pas avoir de problèmes de confiance », a relevé Brendan Murphy. Le résultat a incité le gouvernement à annuler le projet d'achat de millions de doses de ce vaccin candidat et à renforcer plutôt les commandes de vaccins d'AstraZeneca et de Novax, a expliqué le Premier ministre Scott Morrison. « Le vaccin de l'université du Queensland ne pourra pas continuer (son processus), sur la base des avis scientifiques, et il ne fera plus partie du plan de vaccination de l'Australie », a-t-il indiqué. Selon le gouvernement, cette annonce ne modifie pas le programme de déploiement d'autres vaccins en mars. L'Australie n'enregistrant qu'un petit nombre d'infections chaque jour, le gouvernement a déclaré qu'il pouvait se permettre d'adopter une approche relativement prudente à l'égard des vaccins. L'Australie a enregistré 28 000 cas de Covid-19 pour une population de 25 millions d'habitants-es, et environ 900 morts.

L'Indonésie mise sur les vaccins chinois

L'Indonésie qui ne réussit pas à enrayer la propagation de la Covid-19 place tous ses espoirs dans les vaccins venant de Chine : une dépendance qui pourrait augmenter l'influence de Pékin sur l'archipel d'Asie du Sud-Est, avance l’AFP (10 décembre), citant des experts-es. « La diplomatie des vaccins chinoise n'est pas sans conditions », préviennent d’ailleurs les chercheurs Ardhitya Eduard Yeremia et Klaus Heinrich Raditio. « Pékin pourrait utiliser ses dons de vaccins pour promouvoir ses objectifs dans la région, notamment sur des questions sensibles comme ses revendications sur la mer de Chine méridionale », soulignent-ils dans une étude publiée en décembre par l'Institut Yusof Ishak de Singapour. L'Indonésie teste depuis août sur quelque 1 600 volontaires un candidat vaccin chinois, qui n'a pas encore été approuvé par les régulateurs chinois ou indonésiens. Depuis mars, l'épidémie de Covid-19 progresse sans cesse dans le pays, devenu le plus touché d'Asie du Sud-Est. Il compte plus d'un demi-million de cas et quelque 18 000 morts, selon des statistiques officielles probablement largement sous-estimées. À ce jour, Jakarta a obtenu des engagements de livraisons cumulés de plus de 350 millions de doses, selon le Global Health Innovation Center de l'université américaine Duke. Les laboratoires chinois Sinovac, Cansino, Sinopharm et G42 Healthcare, une initiative sino-émiratie, devraient fournir plus de la moitié des engagements. Des vaccins issus d'initiatives multilatérales, comme l'alliance Covax, devraient être livrés à partir de 2021. L'Indonésie a aussi sollicité l'aide des États-Unis pour des vaccins, mais Washington doit faire face à une flambée de l'épidémie sur son sol, et n'a pas les moyens de se montrer aussi généreux que Pékin.

Ne pas oublier l'Afrique

Sur le continent africain, on voit clairement apparaître des revendications d’accès aux vaccins anti-Covid-19. « Il faut que des vaccins soient disponibles. Il ne faut pas que ceux qui ont les moyens monopolisent les vaccins. Il faut que l'Afrique soit également comprise parmi ceux qui vont bénéficier dès les premiers instants de ces vaccins », a récemment souligné Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union africaine (UA), cité par l’AFP. « Il faut d'abord que des moyens soient disponibles pour acheter ces vaccins car ils ne sont pas gratuits », a insisté Moussa Faki Mahamat. « Dans le cadre du Covax (coalition contre le coronavirus lancée par l'Organisation mondiale de la Santé pour s'assurer que les vaccins seront distribués équitablement), on nous a promis à peu près 20 % de la demande africaine. Mais il faut vacciner facilement au moins 60 % de la population, ce qui est un minimum pour atteindre peut-être une immunité collective », a-t-il défendu. À ses côtés, Antonio Guterres, le patron des Nations-Unies, a rappelé que « l'Afrique jusqu'à présent avait enregistré plus de 2,2 millions de cas et plus de 53 000 morts » du fait de la Covid-19. Une façon de déconstruire le discours ambiant d’une Afrique qui serait protégée de cette pandémie, notamment du fait de la jeunesse de la population du continent. Pour le chef de l'ONU : « Il y a un réel espoir que les vaccins - combinés avec d'autres mesures de santé publique - aident à surmonter la pandémie ». « Je réitère mon appel pour que les vaccins contre le Covid-19 soient un bien public disponible pour tous, partout, et particulièrement accessible en Afrique », a-t-il dit.

Cyberattaque sans conséquence

La cyberattaque dont a été victime pendant deux semaines l'Agence européenne des médicaments (EMA) n'impactera « pas » le calendrier de livraison des vaccins anti-Covid-19, a assuré (10 décembre) sa directrice, Emer Cooke. « Nous avons été la cible d'une cyberattaque ces deux dernières semaines (…) Je peux vous assurer que cela n'impactera pas les délais prévus pour la livraison des vaccins et nous sommes entièrement opérationnels », a-t-elle ajouté.