La fièvre des recommandations suisses frappe le Canada

Publié par olivier-seronet le 13.05.2008
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De Montréal, notre correspondant Albert Martin de l'association Fréquence VIH, fait le point sur le débat en cours suite aux nouvelles recommandations suisses.

Il y a peu, deux événements, tenus à Montréal, ont démontré que les recommandations de la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida de la Suisse ont encore de beaux jours de polémique devant elles. Elles énoncent ce fait : « Les personnes séropositives ne souffrant d'aucune autre MST et suivant un traitement antirétroviral efficace ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle ». Devant le tollé que cette phrase provoque, comment ne pas penser à la vertueuse réplique du Tartuffe de Molière « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » ? Un Institut d'apprentissage de CATIE (23 et 24 avril) et le 17e Congrès canadien annuel de recherche sur le VIH/sida (CAHR) (24 au 27 avril), tenus successivement, ont abordé de front l'épineuse question soulevée par les médecins suisses. Comme l'a si bien résumé Darien Taylor de CATIE, à la fin du Congrès CAHR, cet enjeu « suisse » a souligné à grands traits la différence culturelle entre francophones et anglophones du Canada, tout au long des présentations et des échanges.

 

D'une part, les médecins et chercheurs du Québec ont une attitude prudente mais ouverte sur la question, certains allant même jusqu'à féliciter le courage des Suisses et le soulagement que ce « dévoilement » apporte aux personnes séropositives, sans parler des perspectives nouvelles sur la prévention qu'elles suscitent. D'autre part, les responsables de la santé publique de partout au Canada, le Québec inclus, sont apeurés par les dérapages que cette annonce risque de provoquer dans les comportements sexuels de tout un chacun. Se joint à eux une bonne majorité du milieu VIH du Canada anglais (médecins, chercheurs, activistes, organismes). Les recommandations de nos amis helvètes ont suscité des propos enflammés : « recommandations irresponsables », « contraires à l'éthique », « basées sur des opinions et non des faits scientifiques ». Ces dernières affirmations doivent se lire dans la langue de Shakespeare pour la plupart. Pendant que d'autres affirmations, faites en français surtout, disaient plutôt « enfin une bonne nouvelle pour les personnes atteintes », « désormais, il faudra bien aborder la prévention sous l'angle de la réduction des risques ». Gros malaise quoi !

 

Mais il faut féliciter le « fair-play » britannique de ces deux entités majoritairement anglophones que sont CATIE et CAHR. Elles ont osé brasser la cage et provoqué à l'échelle de tout le Canada une réflexion nécessaire. Ce résultat positif, chacun des camps « ennemis » l'a reconnu. D'ailleurs avec un humour pince-sans-rire, l'organisation du CAHR avait programmé un débat sur la question, un combat de coqs, entre les docteurs Mark Wainberg dans le coin droit pour attaquer le « fromage suisse plein de trous » et, dans le coin gauche, le redoutable Dr Mark Tyndall qui protégeait bec et ongles l'honnêteté de la position suisse. Un combat sans vainqueur décisif à l'applaudimètre tant chacun des pugilistes avait lancé des arguments massue propres à ébranler l'adversaire. Au-delà du caractère facétieux de l'entreprise, ce débat aura démontré à quel point les recommandations suisses soulèvent les passions et à quel point il faut s'éloigner des passions et des a priori pour y réfléchir. Espérons que le Dr Hirschel ne souffre pas d'insomnie parce que je connais quelques personnes au Canada qui se réveillent la nuit pour le détester. Il est hautement souhaitable qu'il nous rende visite, d'abord au Québec où on l'attend avec une impatience chaleureuse et puis au Canada anglais, une fois qu'on les aura calmés.

Note : ce compte-rendu vaguement ironique n'engage que moi. Dans un tel climat, je préfère le préciser.