La Guyane… au régime expéditif

Publié par jfl-seronet le 13.10.2011
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"Les expulsions se multiplient à une cadence effrénée en Guyane", dénonce la Cimade dans un communiqué (5 octobre). Aujourd’hui, la majorité des étrangers est placée en rétention dans la soirée pour être expulsée à l’aube suivante, avant l’arrivée de l’équipe de La Cimade ou du service médical. Du coup, il est impossible aux personnes ainsi placées en rétention de faire valoir leurs droits.
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La Cimade est une des principales associations de défense des droits des étrangers. Il s’agit d’un service œcuménique d'entraide qui se consacre à l'accompagnement des étrangers migrants, en voie d'expulsion, de demandeurs d'asile ou des réfugiés. A ce titre, la Cimade intervient dans les centres de rétention administrative pour y soutenir, conseiller, défendre les personnes étrangères qui y sont placées. Ce rôle est reconnu par l’Etat qui a donné son agrément à la Cimade pour qu’elle y réalise ses missions. La Cimade n’a pas pour habitude de mâcher ses mots. C’est ce qu’elle fait aujourd’hui en dénonçant des "interpellations et des expulsions [qui] ont lieu (…) en toute illégalité [en Guyane, ndlr], sans qu’aucun tribunal ne puisse les contrôler, faute de temps". Comment cela est-il possible ? De façon, assez simple, les personnes étrangères en situation irrégulière sont interpellées, placées dans les centres de rétention dans la soirée et expulsées à l’aube suivante. Ainsi, la Cimade n’a pas le temps d’intervenir et de lancer les demandes qui stoppent obligatoirement les procédures d’expulsions. Dans son communiqué du 5 octobre, la Cimade donne un exemple de cette technique qui permet d’augmenter la cadence des expulsions. "Le 30 août, un Brésilien est interpellé vers 11 heures. Emmené au poste de la police aux frontières pour un contrôle d’identité, il reste jusqu’à 19 heures. Un délai particulièrement long. Pourtant dès 14h20 lui ont été notifiées une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de retour de trois ans. Mais placé dans le centre de rétention à 19h30, ce n’est qu’à cette heure-là qu’il peut demander à voir la Cimade. On lui répond (sans doute pour cause d’heure tardive) qu’il va devoir attendre jusqu’au lendemain. Evidemment, on "oublie" de lui préciser la date ou l’heure de son expulsion. "Devant les grilles du centre de rétention, sa compagne et mère de son enfant de 10 mois attendent de 15h à 20h. Sa compagne a l’autorisation de le voir pendant 5 minutes le temps de lui remettre quelques affaires", indique la Cimade. Son expulsion a lieu le lendemain matin à 7 heures, il est renvoyé au Brésil sans avoir pu voir La Cimade. Ce Brésilien voulait pourtant faire un recours pour demander la suspension de son placement en rétention et de l’interdiction de retour, au nom du respect de sa vie familiale, mais l’administration s’est arrangée pour qu’il ne puisse mettre en œuvre ce droit.
"Comme lui, des centaines d’étrangers sont expulsés sans argent, sans vêtements de rechange, sans leurs traitements médicaux, etc., dénonce la Cimade (5 octobre). Les retenus ne sont prévenus que quelques minutes avant le départ des bus vers le Brésil ou le Suriname" (pays frontaliers de la Guyane). "De plus en Guyane, les recours ne sont pas suspensifs, rappelle l’organisme. Le peu d’étrangers qui réussissent à obtenir une audience au tribunal peuvent donc être expulsés avant celle-ci (…) Pire, ces pratiques d’expulsion express ne concernent plus seulement les ressortissants des pays limitrophes. Depuis peu, les Guyanais (habitant du Guyana) et les Chinois sont ainsi reconduits en quelques heures au Suriname au motif qu’ils seraient entrés en Guyane depuis le Suriname". La Cimade considère que ces pratiques se déroulent dans "l’illégalité la plus flagrante" puisque les personnes concernées sont expulsées sans passeport, ni document de séjour ou de voyage établi par les autorités consulaires. Au Brésil ou au Suriname, ces hommes et ces femmes se retrouvent donc de nouveau sans papiers, au risque de se faire interpeller et enfermer une nouvelle fois. Quotidiennement l’équipe de la Cimade fait face à ces déferlantes de reconduites sans règle ni logique et au mépris des droits de ces hommes et femmes. Les intervenantes arrivent le matin pour assister, impuissantes, au départ de bus remplis en direction du Brésil ou du Suriname puis passent la journée dans un centre quasiment vide qui se remplira le soir après leur départ", dénonce l’association.