"La lutte contre le VIH est une responsabilité communautaire"

Publié par Mathieu Brancourt le 18.07.2013
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Sexualitéréduction des risques sexuelsPortugalGAT

L’Europride 2013, c’est aussi l’occasion de confronter les réalités de la prévention à travers le continent. Ricardo Fuertes, pair-éducateur en prévention auprès de gays pour l’organisation portugaise GAT, revient pour Seronet sur les difficultés à faire converger les luttes contre les discriminations. Entretien.

Comment votre organisation a-t-elle structuré son action auprès des personnes vivant avec le VIH ?

Le GAT (Groupe d’activistes  pour les personnes séropositives) a été créé en 2001 afin de porter les questions de santé et de droits et apporter des réponses à l’épidémie de sida au Portugal. Nous menons un plaidoyer pour un meilleur accès aux services de soins, aux traitements antirétroviraux, mais aussi aux nouveaux outils de prévention, comme le dépistage rapide en 2011. Ces « checkpoints » ont permis d’être actif dans la communauté homo, d’apporter une réponse effective en phase avec la prévention de ses membres. Et cela sans dépendre des politiques mises en place par ailleurs.

A quelle difficulté se heurte la lutte contre le sida au sein de la communauté LGBT ?

Il y a un véritable problème sur la question du VIH chez les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). Malgré une forte prévalence du virus et des études faites au sein de cette population, il est toujours compliqué de lier la question du sida avec les enjeux de la communauté LGBT. Certains ne saisissent pas l’ampleur de la problématique. Mais ce n’est pas parce que l’on ne veut pas le voir que le problème n’existe pas. Et avec le temps, cette question a été invisibilisée chez les gays et de fait a invisibilisé les gays séropositifs. Pourtant, la lutte contre le VIH est une responsabilité communautaire. Car c’est avec et pour nous que on peut mieux répondre, mobiliser et ainsi avoir un impact réel sur l’épidémie. C’est aussi un problème d’information, car quand les personnes ont connaissance de nos actions, elles deviennent demandeuses de telles initiatives.

Pourquoi le concept de santé sexuelle vous paraît pertinent dans la prévention ?

La santé sexuelle permet de prendre tous les outils que nous avons à notre disposition pour être plus efficace. Car il faut, au sein des populations vulnérables, promouvoir la capote et le gel mais aller au-delà. Dans le cadre d’un travail réel contre les discriminations, il faut que les personnes qui n’utilisent pas systématiquement la capote soient être acceptées. Nous devons être pragmatiques face à cette réalité et proposer des réponses pertinentes, avec la promotion de la réduction des risques sexuels et une information adaptée à leurs pratiques. En cela, le dépistage est un outil fondamental pour permettre aux séropositifs de le savoir et de pouvoir ainsi bénéficier d’un suivi. Sans oublier la vaccination contre l’hépatite B et le dépistage et traitement des IST (infections sexuellement transmissibles, ndlr).

Quelles sont les actions à mener pour promouvoir une lutte efficace au Portugal ?

Déjà, il faut des véritables politiques publiques contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. Cela passe par une éducation qui valorise la différence. L’homophobie est un problème que l’Etat doit prendre à bras le corps. En tant qu’association, nous avons également besoin de financements et de soutien qui font de plus en plus défaut depuis que la crise économique a commencé. Car le GAT a son rôle à jouer en tant qu’acteur auprès des minorités, possédant une véritable expertise sur les populations les plus affectés par le VIH et la stigmatisation. Il y a bien évidemment un socle à mettre en place au niveau de la population générale, mais face à la pénurie de défenseur des droits ces groupes vulnérables, notre organisation doit se concentrer sur le travail  pour des stratégies de prévention spécifiques et adaptées à des comportements qui leur sont propres.

En cela, une réponse collective européenne est primordiale non ?

Tout à fait. Grâce à l’étude EMIS (Etude européenne sur les HSH via internet) qui a collecté plus de 180 000 réponses, nous savons qu’au Portugal plus de 15 % des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes sont nés dans un pays autre que celui dans lequel ils résident. Et surtout, 25 % des répondeurs à ce questionnaire ont eu du sexe en dehors de leur pays Cette mobilité intra-européenne, notamment pour les travailleurs du sexe, montrent que pose des frontières sur ces questions ne marchent pas. Les questions de santé sexuelle se posent donc autant au Portugal qu’ailleurs. Il faut veiller à ce que l’accès aux dispositifs de prévention ne subisse plus les inégalités territoriales, pour ne laisser personne de côté. Il y a eu des opportunités de mise en place de stratégies à l’échelle européenne. C’est une chance à saisir pour avoir une dynamique collective pour défendre et promouvoir des politiques d’intervention spécifiques.

Propos recueillis par Mathieu Brancourt.