La santé sexuelle : les activistes européens s’y intéressent

Publié par Stéphane Vernhes le 04.12.2016
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Sexualitésanté sexuelle

L’Euro HIV Edat, plateforme de mise en commun des connaissances sur le VIH s’est réunie pendant trois jours à Ljubljana en Slovénie. Ce séminaire avait pour but d’aider les activistes à créer une "boîte à outils" pour soutenir et développer la mise en place de centres de santé sexuelle "LGBT" en Europe. Plus de vingt participant-e-s, du continent, au sens large, y sont intervenus. Stephan Vernhes, présent au nom de SPOT Paris (AIDES), représentait la France avec la directrice adjointe du CheckPoint Paris, Nelly Reydellet, autre centre de santé sexuelle parisien. Stephan Vernhes revient pour Seronet sur cette expérience et les enjeux discutés sur place.

"Toolbox", c’est la traduction de boîte à outils. Pendant un week-end,  des activistes de Serbie, Belgique, Albanie, Pologne, Roumanie, Chypre, Danemark, Grèce, Slovénie, Espagne, Portugal, Autriche et France se sont réunis pour en trouver les différents ustensiles et compartiments. Pour en arriver à cinq éléments fondamentaux : "populations clés et approche communautaire", "viabilité et durabilité des financements, counseling, accompagnement", "empowerment" [aide et apport qui permettent de monter soi-même en capacité, ndlr], "plaidoyer", "suivi et évaluation du projet". J'ai été le témoin du respect et de la reconnaissance qu'ont beaucoup de nos collègues européens sur le travail réalisé par AIDES et Coalition PLUS. Ceci a permis de riches échanges et ce fameux "empowerment" mutuel.

Chemsex, sujet central en Europe

Quatre points m'ont particulièrement marqué. Cette expérience m'a d’abord permis de voir tout le travail qui reste encore à faire dans certains pays sur les combats portant sur l'accès et le déploiement du Trod (tests à résultat rapide d’orientation diagnostique) et du TPE (traitement post-exposition ou traitement d’urgence). En effet, le Trod n’est pas autorisé partout (en Roumanie, par exemple, où l’accès est encore très compliqué) et certains pays ne remboursent pas le TPE en cas de prise de risques (en Serbie ou en Autriche où les mutuelles privées ont cessé de rembourser le traitement post exposition). Sur ces points précis, la France a beaucoup d’avance en termes de dépistage et de prévention. Il y a encore beaucoup de défrichage à faire sur la PrEP (prophylaxie pré-exposition). A la différence de Durban (ville sud africaine où s’est déroulée, cet été, la Conférence mondiale sur le sida), où il y avait consensus entre activistes autour de la PrEP, des freins demeurent chez certains de nos collègues européens, en grande partie par manque d'information (questionnements sur l’abandon du préservatif, le coût, la recrudescence des IST, etc.). Il y a un vrai travail explicatif et informatif à déployer, notamment sur la mise en place de consultations de PrEP et les résultats de l’essai français ANRS-Ipergay qui montrent l’efficacité du dispositif de PrEP à la demande et ceux d’autres études d’ailleurs.

Nous avons aussi beaucoup parlé de "chemsex", notamment de sa forte émergence en France. J’ai constaté qu’il y a un fort intérêt sur cette thématique qui semble devenir centrale un peu partout (beaucoup de pays voit le phénomène se développer à une plus ou moins grande échelle). La présentation de notre approche communautaire, en particulier des futures soirées "Chill out Chemsex" au "Spot Beaumarchais" à Paris a suscité beaucoup de curiosité et d’intérêt. Beaucoup souhaitent savoir comment elles vont se développer pour alimenter leur propre réflexion.

Enfin, nous avons eu aussi des échanges très animés sur les entretiens menés lors des Trod. La France est, par exemple un des seuls pays à ne pas dépister les couples en même temps. Les raisons et conséquences ont beaucoup été débattues : rendu de résultats différents, ou encore la confidentialité.

Cette expérience, aussi enrichissante professionnellement qu'humainement, m'a permis de vérifier le rayonnement du travail militant que nous réalisons dans nos programmes. Au-delà du combat pour mettre un terme à l’épidémie du VIH, ce week-end a démontré l’intérêt d’un travail transversal d’échanges et de partage de pratiques en Europe. Nous avons des cultures de travail et des cultures de vie différentes, mais des valeurs communes qui permettent de créer un socle solide, riche et dense, qui nous permettra de vaincre l’épidémie et de combattre les discriminations. Cette boîte à outils sera finalisée dans le premier semestre de 2017, dans l’optique de préparer un prochain séminaire.