La taxe Robin sort… enfin du bois !

Publié par jfl-seronet le 15.03.2012
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Après avoir longtemps entretenu le flou, le gouvernement est enfin un peu plus précis sur le fonctionnement de la taxe sur les transactions financières, définitivement votée le 29 février. De son côté, Eva Joly a répondu à l’interpellation des associations sur cette taxe… Seronet fait le point… en questions et réponses.
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Quand la taxe sur les transactions financières a-t-elle été votée ?
C’est tout récent : le 29 février 2012. Cette mesure fait partie du budget rectificatif pour 2012. Ce texte avait été rejeté au Sénat (à gauche) le même jour dans l’après-midi. La loi a été votée définitivement le 29 février par l'Assemblée Nationale qui a le dernier mot dans le vote des textes de loi. C’est rapide, mais le gouvernement n’avait pas le choix puisque les travaux parlementaires s’achèvent le 5 ou 6 mars du fait des élections législatives en juin prochain. Ce projet comprend deux mesures phares : la TVA sociale et la taxe sur les transactions financières. Cette loi a été votée à 53 jours du premier tour de l’élection présidentielle.

En quoi consiste-t-elle ?
Cette taxe sur les transactions financières ne concerne que la France. Il s’agit d'une taxe d'un taux de 0,1% qui s'appliquera à partir du 1er août 2012 sur les transactions réalisées sur des actions de sociétés cotées dont le siège social est en France et dont la capitalisation est supérieure à un milliard d'euros. Le gouvernement espère, comme cela a été le cas pour Unitaid, que d’autres pays emboîteront le pas. En parallèle, le gouvernement dit poursuivre ses efforts pour "qu’une taxe similaire soit instituée au niveau européen, basée sur une assiette plus large. Comme l’a montrée la Commission européenne, sa mise en place au niveau européen permettrait de récolter des montants très significatifs" : des milliards d’euros. "Aujourd’hui, ce sont 9 pays en Europe, 13 pays en Afrique, et au total 24 pays dans le monde, qui se sont ralliés à l’idée de cette nouvelle forme de solidarité internationale. Notre ambition à terme est de créer une taxe mondiale. Nous avons fait un travail de plaidoyer de fond et gagné l’aval de nombreux partenaires. C’est en très large partie à l’engagement sans faille du Président, de son gouvernement et de la société civile de notre pays que nous le devons", écrit le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, dans une tribune publiée le 1er mars dans "Libération".

Qu’en disent les organisations non gouvernementales qui ont défendu cette taxe ?
Jusqu’au vote définitif, les organisations non gouvernementales ont craint le double échec : une taxe peu efficace dont le produit irait combler les déficits budgétaires. Oxfam France, AIDES et Coalition PLUS, celles qui ont le plus défendu cette taxe l’ont d’ailleurs expliqué dans un communiqué (29 février). "Tout d’abord, en la criblant d’exceptions supplémentaires, cette taxe ne permettra pas de lutter contre la spéculation financière, alors que le montant global des transactions financières journalières dans le monde atteint aujourd’hui 8 000 milliards de dollars", avançaient-elles. Mais ce qui posait le plus problème était qu’en "laissant de côté son but principal, lutter contre la pauvreté et le changement climatique dans les pays en développement, cette taxe ne permettra pas de dégager les financements nécessaires pour atteindre les objectifs internationaux de développement". En fait, les associations n’avaient aucune assurance que le produit de cette taxe ne serait pas détourné de son objet initial avant la publication de la tribune d’Henri de Raincourt, ministre de la Coopération, dans "Libération" (1er mars 2012)

Justement… à quoi le produit de cette taxe sera-t-il finalement attribué ?
C’est le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, qui l’a expliqué dans "Libération" : "Je confirme ici qu’une partie des recettes provenant des financements innovants ira bien aux pays les plus démunis pour couvrir de nouveaux besoins. En 2012, l’objectif est de créer cette taxe et de rallier un nombre grandissant de pays. A compter du 1er janvier 2013, chaque année, une partie croissante des recettes de cette taxe sur les transactions financières devra être affectée au développement des pays les plus pauvres et à la protection des biens publics mondiaux, en particulier à la lutte contre le changement climatique". C’est la première fois qu’un engagement aussi clair est pris.

Les organisations non gouvernementales sont-elles rassurées ?
Pas vraiment, elles estiment que l’assiette (la base du prélèvement) est insuffisante. Un point de vue qui est partagé par certains experts et des politiques. "Si elle sert d'exemple, l'initiative française pourrait s'avérer totalement contre-productive", explique la sénatrice socialiste Nicole Bricq, rapporteur de la commission des Finances, citée par Donald Hebert dans "Le Nouvel Observateur" (1er mars). Le taux de 0,1% est jugé trop bas. Il est ainsi plus bas que celui de la taxe (0,5% pour le Stamp duty) qui existe depuis des années en Grande-Bretagne. Par ailleurs, du fait des critères retenus, elle s’appliquerait à un nombre très limité de sociétés françaises : une centaine environ. Autre reproche, la taxe "épargne l'essentiel des transactions sur les marchés financiers : les devises, les emprunts d'Etat et autres obligations, les produits dérivés". Enfin, le projet, indique Donald Hebert, prévoit de "taxer au taux de 0,01% certains CDS [credit default swap ou couvertures de défaillance, ndlr] sur les dettes souveraines, ces assurances contre le défaut de paiement d'un pays, cibles de choix des spéculateurs". Problème : les CDS doivent être interdits en Europe cet automne.


AIDES, la Coalition PLUS et Oxfam France sont critiques : "L'assiette de cette taxe a été un peu plus réduite et les exemptions ont été multipliées au point de vider cette taxe de tout sens. Au final, sous couvert d’exempter les "petits épargnants", les exceptions créées concerneront, en fait, principalement les plus riches investisseurs et spéculateurs". Les ONG ne sont pas naïves… Elles accueillent les annonces d’Henri de Raincourt comme une avancée, une bonne nouvelle, mais entendent rester vigilantes et veilleront aux engagements chiffrés et détaillés sur l’assiette, le taux et le pourcentage des fonds recueillis par la taxe versés aux grands enjeux internationaux de développement (climat, santé, etc.).

Que dit la droite des financements innovants ?
Henri de Raincourt, dans sa tribune de "Libération" a évidemment taillé un costard à la gauche. Il a ainsi rappelé que "les financements dits "innovants" ont toujours été adoptés par des gouvernements de droite" : Jacques Chirac et la taxe sur les billets d’avion pour Unitaid, Nicolas Sarkozy avec Gordon Brown et la Facilité internationale pour le financement de la vaccination, qui vise à faciliter l’accès à la vaccination des pays en développement et aujourd’hui la taxe sur les transactions financières. C’est vrai. La gauche ne s’est jamais saisie sérieusement de ces questions de développement et de financements innovants… Ce n’est pas inutile de le rappeler à l’occasion de la campagne présidentielle… comme une invitation à ne pas renouveler cet oubli en cas d’alternance.

Que dit la gauche sur cette taxe ?
Candidate d’Europe Ecologie les Verts à la présidentielle, Eva Joly a répondu aux trois organisations non gouvernementales AIDES, la Coalition PLUS et Oxfam France qui l’avaient interpellée. Dans un courrier (29 février), elle rappelle qu’elle a "personnellement défendu auprès de [ses] partenaires européens l’instauration d’une taxe sur les transactions financières afin qu’elle soit un véritable outil de lutte contre la spéculation et surtout qu’elle dégage des ressources financières considérables permettant de répondre à l’appauvrissement grandissant et aux effets dévastateurs du changement climatique dans les pays en développement". Eva Joly critique le projet du gouvernement : "l’assiette s’est réduite en peau de chagrin, excluant la taxation des produits dérivés les plus nocifs et à la source de la crise déclenchée en 2008. La rondeur du milliard dégagé par cette taxe ne doit pas cacher qu’elle pourrait rapporter 12 fois plus selon les experts (…) Une aide renouvelée à la solidarité internationale est aujourd’hui plus qu’indispensable. Ainsi, alors que les scientifiques viennent de trouver le moyen de débarrasser la planète du sida, pour un coût inférieur à 0,05% du PIB des 7 pays les plus riches, on nous explique que rien n’est plus possible, car les caisses seraient vides". Eva Joly s’engage à "créer une véritable taxe sur les transactions financières" au niveau français et européen et à "consacrer au développement des pays les plus pauvres 0,7% de son revenu national brut, ceci d’ici 2015". François Hollande s’est lui aussi exprimé dans une tribune (27 février) dans "Libération", en réponse aux interpellations des organisations non gouvernementales.