L'Afravih met la pression contre les hépatites

Publié par Rédacteur-seronet le 07.04.2018
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ConférencesAfravih 2018

Troisième journée dense pour la conférence Afravih où il a été beaucoup question du changement d'échelle dans la lutte contre les hépatites virales B et C avec notamment la Déclaration de Bordeaux, mais aussi de Prep, d'épidémiologie, de mobilité des personnes migrantes et des enjeux de santé. Les sujets n'ont pas manqué et il en ira de même vendredi 7 avril avec les dernières sessions orales et déjà la clôture de cette 9e édition.

L’appel de Bordeaux est officiellement lancé

Pour un coup d’accélérateur au niveau des hépatites virales. Il existe un énorme retard par rapport à la lutte contre le VIH, alors que nous avons des outils remarquables (un vaccin contre le VHB, des traitements hautement efficaces contre le VHC, etc.) et la possibilité de guérir de l’infection VHC, malgré des traitements encore beaucoup trop chers. La professeure Coumba Touré Kané, co-présidente de cette 9e édition de l’Afravih explique : "Cet appel de Bordeaux est issu du décalage et du retard entre lutte contre le VIH et celle contre les hépatites. Il plaide pour une intensification à l’accès au dépistage, notamment en Afrique. Il faut aussi un engagement politique et la promotion de l’information pour obtenir le même résultat pour les hépatites que pour le VIH. Et l’Afravih veut avoir son rôle pour lancer et relayer cet appel, pour réussir à relever les défis" que posent les hépatites virales au nord comme au sud. Ces défis, le professeur François Dabis (ANRS), président de la 9e Afravih, les a mentionnés lors du lancement officiel (vendredi 6 avril) de cet appel, en rappelant quelques chiffres : 1,4 million de morts par an du fait des hépatites virales, 328 millions de personnes infectées dans le monde, 9 % des personnes vivant avec le VHB (0,3 % en Afrique) qui connaissent leur statut sérologique, 20 % de celles vivant avec le VHC (6 % en Afrique) qui connaissent leur statut sérologique ; 8 % des personnes diagnostiquées avec une hépatite B sont traitées et 7 % de celles ayant une hépatite C. Enfin, a rappelé le professeur Dabis, quatre nourrissons sur dix reçoivent la vaccination contre le VHB dès la naissance et un sur dix en Afrique. L'appel de Bordeaux comporte six mesures ou pistes dont la première est un appel à la mobilisation politique afin que les hépatites B et C figurent dans toutes les politiques nationales de santé et que soient instaurées des stratégies conjointes de prévention, de dépistage et de prise en charge des infections VHB, VHC et VIH. Sont abordés le renforcement des politiques de prévention, une stratégie active de dépistage, un accès aux traitements pour tous, une mobilisation mondiale pour le financement de ces programmes, l'intensification des efforts de recherche vers la guérison du VHB et un renforcement des politiques d'information des citoyens, de respect des personnes et de formation des professionnel-le-s. Cet appel a d'ores et déjà été signé par des acteurs dans le plaidoyer, des experts et médecins (Philippe Morlat, Christine Katlama, François Dabis, Isabelle Andrieux-Meyer, etc.) et six ministres de la santé francophones (dont ceux du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire, présents à Bordeaux). Cet appel reste ouvert à la signature jusqu’au 15 mai, journée nationale des hépatites. Hier, lors de la conférence de presse de la conférence Afravih, les responsables de l'événement avaient rappelé que l’hépatite B ne doit pas être le fardeau de l’Afrique et le dépistage doit permettre de balayer l’ensemble des pathologies : tuberculose, hépatites, IST et VIH.

L'hépatite virale C : essais cliniques et stratégies

Les hépatites virales, il en a été longuement question lors d'une session orale (jeudi 5 avril) consacrée au VHC avec pas moins de sept présentations. C'est sur la question des médicaments génériques anti-VHC, efficacité et gestion des échecs, qu'est intervenu Alain Attia (CHU de Youpogon, Côte d'Ivoire). Il a rappelé que l'objectif est l'élimination du VHC et que cela était possible en augmentant le dépistage, en proposant un parcours de soin simplifié et avec des traitements nettement moins coûteux. C'est le cas des médicaments génériques qui ont le même principe actif que le médicament princeps. Les excipients diffèrent, mais l'efficacité est identique. Les prix sont variables selon les pays et tous les agents antiviraux directs ne sont par génériqués. Par ailleurs, ils ne sont pas disponibles en pharmacies de ville selon les pays. Quoi qu'il en soit les résultats avec les génériques sont similaires à ceux obtenus avec les médicaments de marque quels que soient la combinaison et le génotype. Par ailleurs, la réponse virale soutenue (RVS) est identique chez les personnes transplantées. En cas d'échec : les résistances disparaissent en deux ans. Iil n’existe pas de générique pour les nouvelles molécules NS5A.

Dépistage du VHC : quelles populations, quelles procédures ?

Françoise Roudot-Thoraval (Hôpital Henri Mondor, Créteil) a rappelé le contexte : l'infection est curable, le diagnostic facile, le traitement efficace et bien supporté. En France : on comptait 74 000 personnes non dépistées en 2015. On peut prendre en charge 15 à 20 000 personnes par an ; Or si on a un taux de dépistage + ou –4 % /an, on ne réunit pas les conditions permettant une disparition de l’épidémie , il faut augmenter le dépistage à 10 % pour envisager vraiment une fin de l’épidémie en 2030 en ayant traiter tout le monde.

Les populations concernées par le dépistage sont celles les plus exposées aux risques d'infection. On doit donc cibler en fonction des facteurs de risques, dépister tous les adultes au moins une fois dans leur vie et proposer des Trod pour les personnes hors parcours de soins. Il faut s'appuyer sur un tryptique : dépistage, diagnostic, traitement pour tous (personnes injectrices, personnes en détention, personnes migrantes...), proposer des consultations avancées (dans les Csada et les Caarud), renforcer le dépistage, délocaliser le traitement pour une élimination d’ici 2025. A ce jour, on est toujours dans l'attente de validation du dépistage universel par la Haute autorité de santé, ainsi que des moyens pour généraliser le dépistage des populations à risques. Il faut donc cibler le dépistage, sans pour autant faire l'impasse sur la population générale puisque 15 à 20 % des infections par le VIH sont dues à des transfusions (anciennes, lorsque le système était moins sûr qu'aujourd'hui) ou des infections nosocomiales (examens médicaux invasifs, actes chirurgicaux...). Enfin, dans les pays à prévalence élevée le dépistage par ARN direct serait coût/efficace, mais pas d’étude à ce jour.

De son côté, Françoise Renaud (OMS) a planché sur les moyens d'élargir l’accès aux nouveaux traitements dans le monde, et présenté les données de l'enquête OMS 2017 sur le mode obstacles et opportunités. 71 millions de personnes vivent dans le monde avec une hépatite C chronique. On recense 400 000 décès par an. En Egypte et au Pakistan, la moitié des personnes vivant avec le VHC sont traitées par agents antiviraux directs. On note des progrès au Brésil, en Argentine, au Maroc, au Rwanda, en Chine, en Mongolie, en Ukraine, en Roumanie et en Georgie. Plus de trois millions de traitements ont été donnés en 2017, mais seulement une personne sur cinq est diagnostiquée dans le monde (20 %). Ce qui est trop bas pour en finir avec l'hépatite C. Par ailleurs, l'accès aux traitement est inégal selon les pays, même si on a un accès aux génériques dans les pays à faible revenu (traitement à 200 dollars). On constate un manque de transparence dans les pays à revenu intermédiaire, qui, eux, ne bénéficient pas toujours d'accords favorables avec les laboratoires pharmaceutiques.

Sujet clinique dans la présentation de Fabrice Carrat qui portait sur l'absence d’augmentation à deux ans du risque de carcinome hépatocellulaire (cancer du foi ou CHC) après traitement du VHC (cohorte ANRS CO22 Hepather). Dans cette cohorte, 8 000 personnes traitées par agents antiviraux directs étaient suivies. Il y a une analyse des décès : carcinome hépatocellulaire, décompensation de cirrhose … Selon les données : 60 % des personnes aux stades de fibrose F3 et F4 ont plus de risque de faire un CHC (cancer du foi) ; la mortalité est plus importante chez les patients traités, mais la survie globale améliorée par le traitement. On note un risque accru de décompensation cirrhotique en début de traitement par AAD (agents antiviraux directs). En cas de RVS (réponse virologique soutenue) : moins de décès, moins de CHC et un risque abaissé de décompensation de cirrhose. Des données sur les consommations de soins, extraites de cette cohorte, seront à venir en 2018.

Intérêt de l’ARN et de l’antigène VHC dans le diagnostic de l’hépatite C aigüe chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes sous Prep. Les recommandations françaises préconisent le dépistage tous les trois mois pour eux puisqu'ils sont fortement exposés au VHC et aux infections sexuellement transmissibles, comme le rappelle Nadia Mahjoub (Hôpital Saint-Louis, Paris). Les tests directs de l’ARN sont plus performants avec un diagnostic précoce de l’hépatite C aiguë par rapport aux tests classiques (détection des anticorps), positifs deux mois avant la détection des anticorps. On retrouve les génotypes 1 et 4 du VHC, les plus courants chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes.

Prep : un session riche et dense

Prep. Sobriété pour le titre de la session orale consacrée à la prophylaxie pré-exposition. Un titre sobre et un message simple : "La Prep c'est efficace !". C'est avec ce postulat indiscutable qu'a démarré cette session, particulièrement intéressante qui a surtout évoqué les femmes et les populations éloignées du soin. La première intervention, assurée par Christian Laurent (IRD, Montpellier) a abordé la Prep aujourd'hui, de façon globale. Il est recommandé d'utiliser des tests de 4e génération pour les personnes prenant la Prep, et ce afin d'éviter les résistances. Cependant, il y a très peu de résistances au VIH liées à la Prep, plus faibles que les risques liés aux antirétroviraux des personnes non protégées par la Prep. Quid du risque de relâchement des comportements sexuels ? Les résultats sont complexes à analyser : il n'y a pas de lien établi entre la Prep et le risque de relâchement des comportements sexuels. Quant aux IST, une étude récente montrerait que parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes prepeurs, il y aurait une recrue des infections sexuellement transmissibles, mais des études supplémentaires permettraient d'affiner les résultats. L'étude CohMSM-Prep qui vient de démarrer a, quant à elle, pour objectif d'étudier l'acceptabilité à la Prep, l'observance, l'incidence des infections sexuellement transmissibles et du VIH, l'émergence de résistances... parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes dans des centres communautaires dans quatre pays d'Afrique de l'Ouest. Les participants ont le choix entre la Prep à la demande ou quotidienne et peuvent changer au cours de l'étude en fonction de leur besoin. A suivre.

Au menu de cette session : quatre présentations dont une consacrée à la "Prep au féminin" assurée par Béa Vuylsteke (Institut de médecine tropicale, Anvers). La Prep concerne les personnes à hauts risques... donc la Prep concerne aussi les femmes. En Afrique du Sud par exemple, la prévalence est systématiquement plus haute chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, il y a des populations clés au sein des femmes, par exemple les travailleuses du sexe. Quelle efficacité de la Prep chez les femmes ?

Les études pour démontrer l’efficacité de la Prep chez les femmes sont assez contradictoires à la différence de celles faites chez les hommes qui ont clairement démontré cette efficacité que la prise soit continue ou à la demande. Pourquoi cette différence ? Il y a deux principales pistes d’explication. D'une part, le fait que l’efficacité de la Prep est très liée à l’observance et les écarts d’observance ont plus de conséquences chez les femmes que chez les hommes en terme d’efficacité. L'autre piste est liée à l’anatomie physiologie des femmes. Pour atteindre un effet protecteur dans le tractus génital féminin il faut sept jours de traitement continu, cet effet protecteur est seulement de 65 % après deux jours de prise chez une femme alors qu’il est déjà, au bout du même temps, de 98 % chez un homme. Des modélisations projettent qu’avec une observance parfaite, la Prep serait efficace à 99 % chez un homme et de 94 % chez une femme. En l’état actuel de la recherche, ces éléments de discussion sont en faveur de la nécessité de prise continue chez les femmes, avec efficacité au bout de sept jours de prise. Des expérimentations sont en cours sur la Prep sur anneau vaginal (avec dapivirine) et sur des combinaisons Prep et contraception.

Quelle couverture dans le monde ?

Au niveau mondial, il y a environ 200 000 personnes qui prennent de la Prep, dont 153 000 utilisateurs aux Etats-Unis. Sur ce dernier chiffre : il y a seulement 15 % de femmes parmi les personnes qui prennent la Prep aux Etats-Unis ; c'est moins de 5 % en Europe. Et Bea Vuylsteke de citer l'exemple de la Belgique : 1 000 personnes sous Prep dont trois femmes.

C'est en Afrique qu'il y a le plus haut pourcentage. Elles sont ainsi 22 000 au Kenya à prendre de la Prep, notamment des femmes travailleuse du sexe. Dans sa présentation, la médecin belge a aussi abordé la question de la compensation du risque, la fréquences des IST... Un sujet toujours controversé. En Afrique du Sud , une étude à montré que 50 % des filles qui ont débuté la Prep dans l'essai avait une IST, et cela n'a pas beaucoup baissé, mais ce sont des IST asymptomatiques qui prennent de plus en plus d'importance... Les tests sont donc primordiaux, et à renforcer pour les femmes. Ce qui est important, c'est de tester des produits combinés pour les femmes. En conclusion, la Prep est un outil efficace pour prévenir le VIH aussi chez les femmes, mais en continu... Pour l'intervenante, il n'est plus éthique de faire des études sur la Prep à la demande chez les femmes. Par ailleurs, elle estime que la mise à l'échelle des programmes Prep pour les femmes est faisable, comme cela s'est d'ailleurs fait au Kenya.

Elargissement de l'offre de Prep à de nouveaux publics

En France, le public concerné est surtout celui des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) avec un profil très homogène (blanc, inséré). En Seine Saint-Denis, du fait de parcours plus complexes et insécurisants, les publics sont plus divers et hétérogènes, comme l'a expliqué le docteur Pauline Penot (Hôpital André Grégoire, Montreuil) dans une présentation efficace, édifiante et très personnelle. Par exemple, les femmes migrantes qui sont traitées pour le VIH sont majoritaires dans la file active de Montreuil, mais ultra-minoritaires parmi la "file active" de Prep.

Quelle est l'acceptabilité de la Prep et la faisabilité du suivi par ces populations ? 
- Les femmes migrantes victimes de violences multiples, avec des parcours extrêmement complexes. Ce sont, en fait, des situations de médicalisation de la précarité... Il n'y aurait pas forcément besoin de Prep (et d'autres prescriptions) si ces femmes n'avaient pas à subir des violences, ces parcours migratoires si durs.
- Les hommes migrants d'origine subsaharienne : une partie sont des migrants victimes de violences, d'autres plus sédentarisés, enfin des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes non identitaires (rapports homosexuels cachés) et du coup fortement à risque.
- Les femmes nigérianes victimes de la traite, ce sont des travailleuses du sexe dans le bois de Vincennes, rencontrées hors les murs : elles viennent tard à la Prep et n'y restent pas longtemps.

Les contraintes de logement, de transports, le titre de séjour, les enfants, l'homophobie, le chemsex, la question des ressources viennent à l'encontre de la prise de Prep. Pour Pauline Penot, la Prep est un outil et doit être positionné en tant qu'outil... Ce n'est pas une fin en soi. Il permet de servir de base de discussion et d'échanges, d'entrée dans le soin... Aujourd'hui c'est un soutien et une impulsion politique qui sont nécessaires pour lutter contre tous les obstacles opposés aux personnes les plus précarisées !

La cohorte Dat'Aids

Ce que montre l'étude présentée par Isabelle Poizot-Martin (CHU Marseille Sainte-Marguerite), c'est que l'épidémie de VIH est toujours active en France et les contaminations ont lieu chez des sujets jeunes, HSH qui ont déjà eu une IST, dans plus de la moitié des cas détectés en phase de primo-infection. L'étude portait sur les opportunités manquées de Prep. Il s'agissait de voir les cas des personnes infectées récemment (à partir des données de la cohorte Dat'Aids) et de voir en fonction de la date d'infection, alors que la recommandation temporaire d'utilisation s'appliquait déjà, qui était éligible à la Prep selon les critères retenus et n'en avait pas bénéficié. Ce sont quelque 118 patients qui ont été retenus par les auteurs de l'étude, infectés récemment par le VIH : 93 % étaient éligibles à une Prep et ne l'ont pas eue. Par ailleurs l'âge moyen de prise de Prep pendant la RTU était de 38 ans... Or, les nouvelles contaminations concernent beaucoup les jeunes HSH, selon les indications d'Isabelle Poizot-Martin. Ecart intriguant.

Pourquoi les HSH continuent à se contaminer ?

Cette enquête a été menée par Annie Velter (Santé publique France) auprès de 18 000 hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH). Elle vient interroger les pratiques de prévention comme le recours au dépistage et l’utilisation des outils de protection de la contamination : Prep, préservatif ou Tasp. D’après les résultats, le dépistage reste insuffisant avec 17 % des HSH qui n’ont jamais fait de dépistage de leur vie et seulement 53 % des personnes interrogées qui ont fait un test dans l’année. Un vrai décalage entre les recommandations officielles et la réalité des pratiques. Selon elle, la protection des rapports anaux par le préservatif reste insuffisante et les outils de prévention diversifiée trop peu connus et utilisés. Dans les couples stables, pour les personnes qui se disent séronégatives, le taux d’utilisation du préservatif est inférieur à 20 %, tandis qu’il montre à 58 % pour les partenaires occasionnels. Il y a urgence à augmenter le recours au dépistage pour réduire le délai entre contamination et diagnostic, ainsi que d’augmenter la connaissance de l’ensemble des outils de prévention.

Contamination des HSH au Burkina-Faso

Il n’y a pas de loi homophobe, mais la stigmatisation reste très forte et la riposte spécifique au VIH très limitée. L’étude a cherché à observer les freins sociaux à la prévention chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Globalement, il n’y a pas assez de politiques de protection des personnes à cause des condamnations publiques de l’homosexualité et le traitement médiatique homophobe. Les discriminations à l’emploi et les violences homophobes favorisent le tabou et l’absence de structures spécifiques de prise en charge des HSH. La société reste dans la dénégation de l’homosexualité par des voies religieuses et politiques. Demeure également une hostilité de l’organisation de la société civile sur la question du VIH chez les HSH. La loi ne pénalise pas, mais ne protège pas et ne lève pas les obstacles pour faire de la prévention pour cette population.

Les bisexuels sont-ils plus exposés que les HSH ?

Une présentation de Joseph Larmarange (IRD, Paris) a établi un passage en revue sur la mesure et l’observation de la bisexualité en Afrique subsaharienne dans la littérature scientifique du VIH. Sur les 92 références bibliographiques apparaissent une très grande variété des mesures et des indicateurs sur l’orientation déclarée, l’attirance sexuelle et encore les pôles d’activités sexuelles. On a mesuré les taux de prévalence du VIH chez les hétéros/bis et les homosexuels exclusifs. Déjà on parle davantage de la transmission vaginale pour les hommes que des contaminations par pénétration anale entre hommes. Mais au final, les hommes bisexuels sont globalement mois infectés que les homos exclusifs. Les facteurs explicatifs sont le nombre inférieur de rapport sexuel strictement HSH, des pénétrations plutôt insertives et donc moins à risque, une entrée sexuelle avec un homme plus tardive et, au final, moins de partenaires masculins. Par exemple, au Kenya, le taux de prévalence du VIH chez les hommes qui déclarent des rapports bisexuels est de 5 % contre 35 % chez les HSH exclusifs. Ce qui expose au VIH n’est pas la manière dont on se définit, mais les pratiques sexuelles et le nombre de partenaires. Faire donc une catégorie binaire est réducteur. Les HSH ne sont pas homogènes et les bisexualités sont multiformes et la décontextualisation des données avec entrée par le prisme LGBT très européen n’a pas de sens anthropologique en Afrique. Il faut des approches différenciées, pour cibler les plus exposés et avoir des stratégies complémentaires pour ceux qui sont en périphérie des groupes les plus vulnérables.

Traitement ARV chez les HSH en Afrique de l’ouest

Etude via la cohorte Co-MSM dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest chez des HSH âgés d’au moins 18 ans, avec l’inclusion de séronégatifs et des personnes découvrant leur séropositivité à l’inclusion. Au final, 87 séroconversions durant l’observation et 168 HSH séropositifs à l’inclusion, soit 255 HSH mis sous traitement immédiat en moins de sept jours en moyenne. 70 % avait moins de 500 CD4 et une charge virale élevée au départ. Ils ont été traités avec efavirenz + 3TC. Le taux élevé de résistances à des classes d’ARV est inquiétant, mais n’a pas eu d’impact délétère sur l’initiation immédiate du traitement ARV, qui apparait faisable et acceptable chez les HSH. Il faudra néanmoins une observation de la bonne réponse aux traitements ARV par la suite.

Tuberculose chez les usagers de drogue en Côte d’Ivoire

Il y a eu 10 000 nouveaux cas de tuberculose à Abidjan, avec des usagers de drogues principalement inhalateurs de crack et de cocaïne dans des fumoirs improvisés. L’étude de Médecins du Monde s’est faite via des tests réalisés dans deux fumoirs de la ville, avec des pairs éducateurs. 10 % de femmes, ce qui est concordant avec la répartition chez d’autres usagers de drogues. Après dépistage, 10 % des usagers de drogues sont effectivement positifs à la tuberculose et 5 % pour le VIH et près de 15 % de coinfectés. Les déterminants favorisant une contamination à la tuberculose sont d’être précaire, chômeur et ou séropositif au VIH. Il y a très bonne acceptabilité du test, mais la prévalence de la tuberculose reste alarmante, avec un taux 40 fois supérieur à population générale. Et 17 % des personnes contaminées à la tuberculose ont une forme résistante. Il faut selon les auteurs de l’étude que cette population spécifique des usagers de drogue soit considérée comme vulnérable et prise en charge.

Prise en charge des usagers de drogues à Alger

Une étude observationnelle dans une clinique de prise en charge des personnes consommatrices de produits qui ont été dépistées à l’occasion de leur prise en charge. Sur 205 usagers observés, il y a 136 cas positifs à au moins un virus : 103 cas pour le VHC (soit 50 % de prévalence), 21 cas pour le VIH (10 % de prévalence) et neuf cas pour le VHB (soit 10 %). 100 % des femmes UDI de la cohorte déclarent avoir recours au travail du sexe. Il est urgent de mettre en place de la réduction des risques sur le terrain et offrir un dépistage adapté. D’après la présentatrice de l’étude, un programme de réduction des risques va se mettre en place bientôt. Au vu des chiffres, il y a urgence. Il n’existe aucun programme de RDR en Algérie, alors qu’il n’y a pourtant pas d’obstacle législatif mais pas non plus de mobilisation sur le terrain. Et le nombre de personnes pris en charge reste très faible comparé au nombre de personnes infectées.

Acceptabilité de la PrEP au Maroc chez les HSH et les TDS

Une étude, mise en place par l’ALCS, a suivi mensuellement pendant neuf mois dans trois villes marocaine l'acceptabilité de la Prep. Il y a eu 400 personnes incluses, dont 300 hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) et 100 travailleuses du sexe (TDS). On observe une grosse déperdition au cours du premier mois, avec un taux de rétention de 60 % chez les HSH et 40 % chez les TDS. Après ce délai, la déperdition monte à 85 % chez les HSH et 60 % chez les TDS. Selon les auteurs, on peut affirmer une bonne acceptabilité de la Prep. Une étude qualitative ultérieure montre la volonté forte des participants de continuer la Prep après l’étude. Et le taux d’abandon s’explique par une faible perception du risque des personnes elles-mêmes (peu de partenaires et utilisation régulière du préservatif). Cette étude va être prise en compte et va permettre une stratégie nationale du ministère pour donner accès à la Prep à ceux qui la demandent. Le taux d’abandon peut aussi s’expliquer par la précarité, notamment chez les TDS, avec des obstacles économiques et de la stigmatisation sociale.

Infection VIH et co-infection VHC et VHB en IDF

Ces données sont tirées des différents Corevih franciliens. La file active est de 50 000 personnes en Ile-de-France. La création d'un groupe épidémiologique inter-Corevih a été décidée pour décrire et caractériser les personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France. L'étude a inclus 93 % de la file active. La file active est la suivante : 1 % de personnes trans, 36 % de femmes, 63 % d'hommes et 47 % ont plus de 50 ans. La durée d'exposition au VIH est de plus de 16 ans pour 40 % de la file active. Les hommes sont principalement nés en France, les femmes plutôt en provenance d'Afrique subsaharienne, les personnes trans plutôt en Amérique du Sud. 90 % ont en charge virale indétectable et 11 % avaient des anticorps anti VHC en 2016. Quant à l'hépatite B, 30 % avait une absence d'immunité.

Dynamique et déterminants de l'infection VIH après la migration

L'étude Parcours (ANRS) a montré qu'entre 30 et 40 % des personnes vivant avec le VIH migrantes d'Afrique subsaharienne ont été infectées après leur arrivée en France. La précarité et le multiple partenariat avaient été relevés comme facteurs de risque. Ce sont pas moins de 75 structures de santé qui ont été incluses dans cette étude qui a permis d'avoir des données précises : 42 % ont acquis l'infection après la 6e année de vie en France. Les facteurs de risques sont l'arrivée à un âge jeune en France, le fait d'être arrivé avec un titre de séjour long/stable en France. Le profil des personnes qui s'infectent à leur arrivée en France est donc différent, où la situation de précarité est le facteur de risque principal. Les réponses et actions à mener sont donc à différencier selon les parcours spécifiques des personnes.

Migrations et mobilités

Annabel Desgrées du Lou (IRD, Paris) y est intervenue sur un thème qu'elle connaît très bien : "Migrants africains : les femmes réfugiées sont particulièrement vulnérables. Apports de l’enquête Parcours". L’enquête Parcours-ANRS, menée en 2012-2013 auprès des migrants-es subsahariens-es vivant en Ile-de-France, livre de nouveaux résultats concernant la situation de particulière vulnérabilité que connaissent les femmes réfugiées au sein de cette population. Les données collectées permettent, en effet, de comparer la situation des femmes qui ont fui leur pays car elles y étaient menacées, avec celle des migrants-es qui ont quitté leur pays d’origine pour d’autres motifs. L’hypothèse selon laquelle les conditions de départ et d’arrivée modèlent le processus d’installation se trouve pleinement vérifiée. Les principaux résultats, présentés par Annabel Desgrées du Lou, mettent en évidence les difficultés d’installation plus importantes que connaissent à leur arrivée en France les femmes qui ont migré en raison de menaces dans leur pays d’origine. Elles accèdent moins rapidement à un titre de séjour et à un logement que les autres populations migrantes, mais se démarquent cependant par un accès plus rapide à l’emploi. Ces femmes apparaissent également plus vulnérables aux risques d’infection au VIH et à l’hépatite B, en raison d’une plus grande fréquence de relations sexuelles occasionnelles ou transactionnelles. En outre, elles sont plus souvent victimes de violences sexuelles que les autres personnes migrantes. Enfin, les données mettent en évidence des symptômes anxio-dépressifs plus fréquents chez elles. Cette vulnérabilité particulière des femmes réfugiées doit être pris en considération dans l’élaboration des stratégies de lutte contre les épidémies du VIH et des hépatites B et C, et ce d’autant plus qu’une analyse des données par cohorte d’arrivée montre qu’elles sont de plus en plus nombreuses dans cette situation.

Démédicaliser, le fil rouge des activistes

Démédicaliser, pourquoi faire ? Pour un meilleur accès aux soins, au dépistage et à la prévention, partout. Pour atteindre le fameux objectif 90-90-90. Pour la reconnaissance de l’expertise communautaire. Pour plus de synergie entre professionnels de santé, actrices et acteurs communautaires et personnes concernées, Coalition PLUS invite à signer l'appel qu'elle a lancé en faveur de la démédicalisation. Coalition PLUS a choisi de mettre la démarche communautaire et le partage des tâches entre professionnel-le-s de la santé et acteur-rices communautaires pour accélérer la riposte, au cœur de sa mobilisation pour cette grande conférence francophone. Elle le fait à travers un mot d’ordre : "Pour un monde sans sida, démédicalisons !" et un texte : "l’Appel à la démédicalisation pour un monde sans sida" qui demande la reconnaissance et l’implication communautaire dans l’ensemble du continuum des soins de l’infection à VIH.