L'AME, ils en parlent

Publié par jfl-seronet le 29.12.2008
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couverture sociale
Brigitte est originaire de Côte d'Ivoire. Elle est arrivée en France en 2002. Aujourd'hui, elle habite à Nancy. Anthony, lui, vit en France depuis 2006. Il habite dans l'Est de la France. La remise en cause de l'AME leur causerait beaucoup de problèmes.

“Je suis venue en France pour voir ma sœur aînée et je suis restée quelques mois. A un moment, je suis allée voir une gynécologue en consultation avec la  carte de sécurité sociale de ma sœur. Durant l'examen, elle a trouvé que j'avais beaucoup d'hypertension, près de 21 et m'a dit qu'il fallait que je sois soignée. C'est là que j'ai fait une demande pour avoir l'aide médicale d'Etat. Depuis mon arrivée en France, j'ai toujours travaillé mais, comme je n'avais pas le droit de le faire, j'ai travaillé avec les papiers de quelqu'un d'autre. Je bossais, mais je ne cotisais pas et je n'avais pas de numéro de Sécurité sociale. Lors d'une consultation, le médecin généraliste m'a dit qu'il trouvait que j'avais perdu pas mal de poids. Il m'a dit que ce serait bien de faire un frottis ainsi qu'un test de dépistage. C'est à cette occasion que j'ai découvert que j'étais séropositive. C'était en 2006. En 2007, j'ai démarré une trithérapie. C'est très important pour moi d'avoir l'AME. Sans cela, je n'aurais jamais pu me soigner. Je serais morte ! Grâce à une assistante sociale, j'ai fait une demande de carte de séjour pour raison de santé. J'ai, pour le moment, une autorisation provisoire de séjour de six mois [qui lui donne droit à la Sécurité sociale, ndlr]. D'autant que le système n'est pas parfait. Une fois, mon médecin traitant m'a dit qu'il ne prenait pas les personnes en AME. Il m'a dit qu'il ne prenait pas “ça” parce que l'Etat ne le remboursait pas. Il m'a donc demandé de payer. J'ai trouvé cela injuste et méchant. J'ai aussi eu un problème dans une pharmacie dans une petite ville de la région. “C'est quoi, çà”, m'a demandé la pharmacienne. Elle a réagi devant l'attestation comme quoi j'avais l'AME, comme si je lui présentais un faux que j'avais moi-même fabriqué, comme si j'essayais de l'escroquer… Aujourd'hui, je suis suivie par un spécialiste à Paris et un médecin traitant à Mulhouse. Ça se passe bien. La pharmacienne où je vais maintenant me donne sans problèmes mes médicaments, même si je sais qu'elle n'est pas payée ou avec retard par ceux qui devraient le faire. Elle m'a dit qu'elle allait continuer à me donner mes médicaments et continuer la guerre avec les organismes publics pour se faire payer.”

“Je n'avais aucune ressource à l'époque. C'est grâce à une assistante sociale que j'ai pu obtenir l'AME, mais ça n'a pas été facile. Il a fallu monter le dossier, avec la photocopie de mon passeport. Le dossier n'est pas compliqué, mais c'était lent administrativement. J'étais allé voir un médecin qui m'avait renvoyé vers l'assistante sociale. Moi, je n'allais pas bien du tout et comme l'assistante sociale ne voulait pas laisser crever un malade, elle m'a fait un bon de caisse que j'ai présenté au médecin lors de la première consultation. Elle a même été obligée d'en faire un second pour une autre consultation et des examens en attendant que j'obtienne l'AME. Je suis arrivé en France pour un court séjour, une mission professionnelle, mais cela n'allait vraiment pas. J'étais très fatigué. J'ai pensé que c'était une maladie qui ne nécessitait pas un traitement très important; J'ai passé des tests de dépistage. J'étais séropositif au VIH et au VHC. Aujourd'hui, je suis suivi par trois médecins : un spécialiste pour le VIH, un médecin traitant et un médecin pour l'hépatite. Je n'ai pas de difficultés avec eux et pas non plus pour avoir mes traitements. La remise en cause de l'AME me causerait beaucoup de problèmes. Je ne perçois que l'allocation aux adultes handicapés [logiquement, Anthony devrait relever de l'assurance maladie, ndlr]. C'est déjà difficile avec ça. Comment je peux m'en sortir, si je dois payer des soins avec de telles ressources. Aujourd'hui, je vis dans un foyer et je suis aidé par une association.”

Illustration : Juanita Banana