L'AP… la paix ?

Publié par jfl-seronet le 12.04.2010
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AP-HP
La polémique sur la réorganisation de l'Assistance publique/Hôpitaux de Paris aura au moins eu un mérite : celui de pousser sa direction à s'expliquer et à accepter la concertation qui faisait défaut jusqu'alors. Défaut avec les syndicats sur l'avenir des hôpitaux parisiens, défaut avec les malades et professionnels de santé sur l'organisation de la prise en charge VIH, particulièrement visée par la réforme. Aujourd'hui, l'AP-HP fait, ce qu'elle aurait dû faire depuis longtemps : consulter, écouter et réfléchir. Une première réunion de travail avec les associations a débouché sur des annonces.
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Il n'y a pas de quoi ouvrir le champagne, mais une chose est sûre, dans un contexte particulièrement difficile et pénible pour les personnes vivant avec le VIH en Ile-de-France, la réunion de travail (fin mars) entre les associations de lutte contre le sida (Actif Santé, AIDES, Act Up-Paris, Arcat, Sidaction), l'Unals et TRT-5 et le Collectif des patients citoyens (COPACI) et le directeur de l'AP-HP Benoît Leclercq a été salutaire. Salutaire parce qu'elle prend enfin en compte l'avis des premiers intéressés, un avis dont, curieusement,  l'AP-HP pensait pouvoir se passer. Etonnamment, personne dans cette instance ne s'est dit qu'il y avait un gros problème à vouloir modifier de fond en comble la prise en charge du VIH en Ile-de-France sans consulter les personnes malades… ni même les médecins. Fort heureusement, la vraie vie les a rappelés à la réalité ! Soucieux d'une qualité des soins adaptée aux besoins des personnes touchées par le VIH, alarmés par les réorganisations brutales touchant les services de plusieurs hôpitaux, ulcérés de l'absence totale de concertation, les associations et le Collectif se sont mobilisés ces dernières semaines pour interpeller les décideurs politiques et administratifs pour que la parole des personnes touchées soit enfin prise en compte. En tête de liste, Jean-Yves Fagon, le directeur de la politique médicale de l’AP-HP qui a ouvert le bal en recevant les associations avec les présidents et vice-présidents des COREVIH, le 18 mars, suivi par le directeur général de l'AP-HP  Benoît Leclercq, le 26 mars, en présence de représentants de la mairie de Paris. Dans un communiqué (7 avril), les associations et le Collectif parlent d'une "réunion ouverte et constructive". Constructive car plusieurs engagements ont été pris.

D'après le communiqué, l'AP-HP s'est engagée à "suspendre immédiatement tous les projets de réorganisation, les réductions de moyens et les annonces désordonnées". Il s'agit d'un préalable à toute concertation.  L'AP-HP s'est également engagée à "inclure un chapitre spécifique sur le VIH/sida dans son plan stratégique 2010-2014". Bizarrement, alors que la moitié des personnes séropositives en France sont suivies en Ile-de-France, la version actuelle de ce plan n'en fait quasiment pas cas. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que des représentants de personnes malades et les COREVIH  (Coordinations régionales de lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine) d'Ile-de-France seront associés à sa rédaction. L'ambition de ce document est de dessiner les grandes lignes des besoins et des évolutions attendues de la prise en charge. Bref de faire de la prospective, ce qui ne semblait pas la priorité de l'AP-HP… du moins en matière de VIH. Autre annonce, l'AP-HP pourrait contribuer (mais rien n'est assuré) à l'organisation en 2010 d'Etats généraux du VIH/sida en Ile-de-France. Ces Etats généraux seront réalisés, sous l'égide de l'Agence régionale de santé, en partenariat avec les COREVIH, les personnes malades et leur représentants, des personnels soignants et non soignants ainsi que les institutions nationales impliquées dans la lutte contre le sida ou l'organisation des soins. La mairie de Paris pourrait soutenir l’organisation de ces Etats généraux. C'est un point majeur d'engagement car l'objectif de ces Etats généraux est que leurs conclusions servent aux groupes hospitaliers pour s'adapter aux besoins des personnes. L'AP-HP s'est d'ailleurs engagée "à prendre en compte l'ensemble de ces travaux dans les décisions qui résulteront de la mise en œuvre de son plan stratégique". Une façon de s'assurer que l'offre de soin sera bien faite en fonction des besoins des personnes et pas uniquement pour répondre à des logiques financières d'économies. Pour forts et précis qu'ils soient ces engagements sont accueillis avec une satisfaction prudente par les associations et le Collectif. Tous comptent bien rester vigilants sur le respect des engagements. Ils écrivent d'ailleurs dans leur communiqué : "La façon dont seront tenus ces engagements montrera si une logique de santé publique est enfin prise en compte dans la réflexion sur l'avenir de l'Hôpital public, et non, comme il apparaît depuis quelques mois, une vision strictement comptable déclinée en plans d'économies et de suppressions d'emplois !" Associations et Collectif poursuivent leurs démarches auprès d'autres interlocuteurs Agence régionale de santé et Mairie de Paris notamment.

Si la concertation avec les associations et le Collectif semble bien engagée, du côté des discussions avec les syndicats, le bilan est nettement moins positif. Syndicats et direction de l'AP-HP se sont rencontré trois fois pour évoquer l'avenir de l'AP-HP dans son ensemble et surtout la question des 3000 à 4 000 postes dont la suppression a été annoncée, il y a plusieurs mois. Selon "Le Nouvel Observateur" (8 avril 2010) : "La concertation sur l’avenir des hôpitaux parisiens est dans l’impasse". Chacun semble camper sur ses positions et on voit mal comment les parties vont se mettre d'accord pour la mi-mai (le calendrier initial). Ce qui bloque, c'est le plan stratégique 2010-2014 de restructuration voté le 3 juillet 2009 par le conseil d’administration de l'AP-HP.  Adopté par 34 voix contre huit et deux abstentions, ce plan met en œuvre une réforme du siège de l'AP-HP (moins de salariés), des services généraux (moins de salariés…) et réorganise les 37 hôpitaux actuels en douze groupes hospitaliers (moins de salariés…). C'est cela qui débouche sur les regroupements de services ou leur suppression, les fusions entre hôpitaux, etc. Un phénomène qui touche tout particulièrement la prise en charge du VIH… même si, pour le moment, tout est gelé. On a donc d'un côté les syndicats qui exigent le retrait de ce plan ou plus précisément celui du principe du groupement hospitalier. Pour faire simple, le groupement hospitalier consiste à regrouper plusieurs hôpitaux au sein d'un groupement hospitalier. Au passage, on regroupe les services de chaque hôpital concerné suivant cette équation : "1 service + 1 service doit être inférieur ou égal à 1,5 service". "Le principe du groupement hospitalier est la colonne vertébrale du plan stratégique. Il conditionne toutes les suppressions d’emplois (3000 à 4000 d'ici 2012), les rapprochements de service et autres rationalisations. Le refus de la direction de le suspendre le temps de la concertation démontre qu’elle n’est prête à aucune concession, si ce n’est à la marge", dénonce un responsable de Force Ouvrière de l'AP-HP dans "Le Nouvel Observateur".

Du côté de la direction, on n'est évidemment pas près à lâcher sur le cœur même de la réforme et on dit aux syndicats qu'il va falloir discuter avec les douze directeurs de groupes hospitaliers. Pas simple, le débat se complique davantage encore avec l'arrivée, disons officielle,  de l'Agence régionale de santé (ARS) dans le jeu. Celle de la région Ile-de-France est dirigée par Claude Evin, l'ancien ministre socialiste de la Santé, dont le leitmotiv est de dire qu'il y a des "progrès à faire" en matière de gestion et donc des économies. Soyons clair, la mission de l'ARS, c'est de faire en sorte que le déficit de l'AP-HP soit réduit (il est de 96 millions pour 2009) avant, un jour ou l'autre, d'absorber complètement l'AP-HP, cet Etat dans l'Etat en matière de santé. L'AP-HP, c'est environ 90 000 salariés et des recettes qui s'élèvent pour 2009 à 6,4 milliards d'euros !


L'Agence régionale de santé est donc un interlocuteur important, notamment pour les associations de lutte contre le sida et le Collectif des patients citoyens. Leurs représentants seront d'ailleurs reçus par Claude Evin le 14 avril. Ils ont été auditionnés par la Mairie de Paris (12 avril) qui a créé un groupe de travail sur l'avenir de l'AP-HP principalement composé d'élus (tous partis confondus) dont Jean-Marie Le Guen, adjoint de Bertrand Delanoë à la santé et président délégué de l'AP-HP. Suite aux auditions, une séance du conseil de Paris aura lieu, le 10 mai prochain, à l’Hôtel de Ville sur l’avenir de l’AP-HP. La question du VIH et de l’avis des personnes malades elles-mêmes devrait y être débattue. Jusqu'à juin prochain, date d’un premier positionnement de l’AP-HP sur les restructurations, et la tenue des Etats généraux, les rendez-vous de travail devraient se multiplier. A suivre.
Plus d'infos sur http://www.aides.org/
Plus d'infos sur http://www.trt-5.org/
Plus d'infos sur http://www.collectif-de-patients.com/

Illustration : Yul-Studio