Le 1er décembre, c'est quoi pour vous ?

Publié par jfl-seronet le 24.11.2008
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1er décembre
Il y a 20 ans, l'Organisation mondiale de la Santé créait la Journée mondiale de lutte contre le sida. Un symbole pour montrer la spécificité de cette maladie, un symbole pour rendre hommage aux personnes disparues, un symbole pour montrer la mobilisation contre le VIH/sida et ses conséquences partout dans le monde. Au fil des ans, cette Journée a considérablement changé de nature. Seronet a proposé aux séronautes de parler de cet événement sur le forum. Alors le 1er décembre : vous en pensez quoi et qu'est-ce que vous faîtes ?
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Du pour, du contre, du très pour, du très contre… le moins que l'on puisse dire, c'est que le 1er décembre, qu'on le déteste ou qu'on le commémore, fait pas mal parler et parfois dans des termes forts voire décapants.

"Aux chiottes le 1er décembre !", affirme ainsi Sebastyen. "Pour moi, le 1er décembre est une journée comme les autres. Les emmerdes sont toujours là. Rien ne change. Je ne vais pas manifester et je ne célèbre pas cette journée. Maintenant, il y a une journée à tout. La fête des grands-mères, des secrétaires, des poivrots (St Patrick, lol) et j'en passe. Le sida n'est pas présent que le 1er décembre, mais tous les jours, toutes les nuits. Il habite nos corps 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Cette journée me parait tellement hypocrite ! On la fait histoire de faire, mais en fait on s'en b........ pas mal. C'est pour se donner bonne conscience. Pathétique. Je n'ai pas envie de cette journée pour, une fois de plus, être "rabaissé" ou tout simplement inspirer de la pitié ou de la compassion au regard des autres." "Moi aussi ça m'inspire la chasse d'eau", indique Youyou qui dit rejoindre Sebastyen "mot pour mot".

"Désolée, mais le 1er décembre me fait gerber. Tout comme le Téléthon et compagnie. Ce sont des dates qui donnent bonne conscience à ceux qui discriminent les handicapés tous les autres jours. En plus, à chaque fois, c'est le choc ! Et oui les malades du sida ne sont pas tous politiquement corrects. J'ai l'impression, à chaque fois, de me prendre un flash d'appareil photo dans les yeux et le temps de les cligner, il fait nuit à nouveau.", explique Saraconor.
Même sentiment partagé par Fekomunra : "C'est quoi cette connerie de 1er décembre… A faire vomir !"

De son côté, Nathan a une double approche de cette Journée. Une, disons gourmande et sans doute ironique. "C'est pas le premier jour de l'Avent qui précède Noël avec le calendrier qui comporte un chocolat pour chaque jour avant Noël ? On ouvre une fenêtre chaque jour, à partir du 1er décembre, et on prend le chocolat qu'on découvre. Hummmmm !", affirme t-il.


L'autre approche fait davantage gamberger puisqu'elle propose à chacun de réfléchir sur le sens de cette journée à partir d'un extrait de "Mythologies" de Roland Barthes. "Je m'inquiète d'une société qui consomme si avidement l'affiche de la charité, qu'elle en oublie de s'interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice". Pour Nathan, cet extrait de "Iconographie de l'Abbé Pierre" (dans "Mythologies" de Roland Barthes) est un bon moyen de s'interroger : "1er décembre, charité et justice ?"
On dirait presque un sujet de bac !

Pas de raison de tergiverser pour Romainparis qui résume cette Journée d'une phrase : "Séropo un jour... séropo toujours." Même volonté de faire court pour Moajdi qui résume, d'une phrase, son sentiment : "Le jour mondial de mon petit malheur à moi...". Ecceomo, lui, considère qu'il y a déjà eu "beaucoup, beaucoup trop de 1er décembre comme des rides à l'espoir…" "Avant les trithé, les 1er décembre étaient des jours de combats, de solidarité, de mobilisation et de commémorations pour hurler lucidement : ‘Oui, on va mourir, mais on est vivant !’ C'étaient des jours de visibilité pour dire ce que ce virus révèle de la société. Les manifs interassociatives étaient très conséquentes dans Paris (plusieurs dizaines de milliers de participants). Le boulevard Sébastopol entier était couvert de personnes couchées au sol dans le silence, pour un die in, vers 19 h alors qu'au loin Paris vivait. Depuis il a fallu réapprendre à penser aussi avec l'avenir et personnellement j'ai toujours posé un acte d'importance ce jour-là, celui du désir de vivre... mais la magie n'a pas marché ! La mort (bébé), la solitude sont incrustées graves... Faut s'obstiner car la machine à baffes n'est pas désamorcée ! J'ai vraiment beaucoup de rendez-vous avec la mémoire ce jour là. Je vais peut-être essayer de sauter du 30 au 2 direct. Quand au 1er décembre "officiel", je reste à l'écart, discret. Trop intime pour être mis au même niveau que la dinde reine d'une autre date commémorative."



"Oui, c'est triste. Oui, c'est carrément lugubre parfois, mais pas seulement", explique Lea-mûre-trans qui dit aimer "aux larmes" le 1er décembre. "C'est le jour où je montre qui je suis, où je rencontre d'autres "comme moi" dans la rue, et parfois j'ai envie de les serrer dans mes bras (…) C'est le jour où je retrouve les vieux copains, les vieilles copines, et qu'on se regarde : chacun sait ce qu'est la lutte de l'autre. C'est le jour où j'ai l'impression que le petit cimetière portatif que je trimballe avec moi devient visible. C'est le jour où je sors mes morts (…) C'est le jour où mon petit moi devient du collectif (…) Maintenant, je comprends que certains veulent oublier, que certains jouent, une fois de plus, les autruches (…) Je comprends que certains n'aient pas envie de défiler à côtés des vieux séropos lypodystrophiés, que c'est un miroir qui les angoisse ou (…) que certains ne se trouvent rien en commun avec les mères de famille africaines qui sont venues se soigner ici. On peut rester dans son coin et attendre de bénéficier de ce que les activistes optiendront (…) Moi je marche, avec les autres."

"Mais merde, c'est pas seulement pour nous SEROPOS, mais pour les jeunes générations, ce jour là, on informe, on fait de la prévention, explique Gys. Ils ne connaissent même pas le VIH/sida, si je vous assure ! Le jour où cette journée disparaîtra (…) il y aura du souci à se faire (…) Moi, j'ai des enfants, des petits enfants, je n'ai pas envie qu'ils soient ‘plombés’, si nous continuons à parler de la contamination, alors peut-être ça évitera à 1 % de l'être. C'est déjà ça de gagné ! C'est l'occasion de se retrouver, côte à côte, séronegs engagés, séropos découragés… Et là, on se sent utile. On lutte pour une cause commune et on se marre aussi, et on s'enrichit. Et oui ! Bravo à tous ceux qui luttent, qui s'exposent, qui ne baissent pas les bras, qui agissent au lieu de se lamenter sur leur sort, à ceux et celles qui ont des couilles et qui le montrent. Banzaï !"

Le 1er décembre est un jour particulier pour Tounka : "Le 1er décembre, c'est une bonne chose, même si beaucoup ne savent même pas que c'est la Journée mondiale de lutte contre le sida, et que dans beaucoup d'endroits, il ne se passe absolument rien ce jour là (…) Le 1er décembre, c'est aussi mon anniversaire ! (…) Donc, je vois ça comme un signe d'espoir, un petit clin d'oeil du destin ! (…) Il y a des années où je participe à des actions, et d'autres années où je ne fais rien…"


"Je n'ai rien contre le 1er décembre. Oui c'est utile…mais (…) après douze années de militantisme et de témoignages dans des lycées, dans des médias, sur le terrain... J'en ai juste marre que l'on vienne chercher des ‘malades’ uniquement parce que c'est le 1er décembre et qu'il faut absolument que tout le monde s'en charge a ce moment là ! Témoigner, c'est aussi s'en prendre plein la gueule parfois (…) Il y a aussi les gentils journalistes qui téléphonent aux associations pour demander, à la dernière minute, si elles n'auraient  pas sous la main un séropo… si possible un peu marqué par la maladie (…) Pour moi, le 1er décembre, on rabâche des choses, on réclame, on revendique et au final, par exemple dans les lycées tu reviens d'année en année sans qu'un seul distributeur de capotes soit mis en place !", critique Vincent58. Il dénonce aussi une autre hypocrisie de cette "Saint Sida" qui, souvent, dénonce "le méchant qui ne se protège pas, qui contamine ses partenaires... On le montre du doigt. On lui dit qu'il est stupide, assassin… Bon enfin normal quoi ! Cela permet d'éviter de parler réellement de sexualité et de pratiques", du besoin aussi de "Jouir sans entrave".

"Créer ou soutenir une Journée mondiale pour une cause, c'est la considérer comme perdue. Vous en voulez des journées des causes perdues ou de commémorations inutiles qui ne sensibilisent que 24 heures ?", s'interroge Balthazar. Traitdunion estime que cette journée doit permettre "dans l'intérêt de chacun (…) de continuer à stimuler les professionnels qui sont engagés dans notre combat de vie. Je pense que de leur côté, ça ne doit être pas facile non plus ! Le 1er décembre, je penses à tous les personnels de santé... pour qu'on leur donne un peu la paix !"

"Le 1er décembre, est (…) une journée de rappel que le sida n'a pas lâché prise et que, malheureusement, il est plus que jamais d'actualité, avance, pour sa part, Pamelos. Une journée où les homos, les hétéros,  les transgenres, les femmes et les hommes contaminés de longue date ou nouvellement devraient faire corps et défiler au coude à coude, visage couvert ou découvert  pour donner à cette pandémie virtuelle ou illusoire pour certains, la teneur  réelle de la vérité existante (...) Le rappel est nécessaire, mais néanmoins très insuffisant, car nous savons, à juste titre, que la contamination se vit (survit) 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours sur 365. Et sans nous laisser de répit car l'infiniment petit souhaite devenir grand, guettant nos moindres faiblesses. Sacrément vicieux puisqu'il s'empare de nos vies, vole notre identité, viole notre intimité en employant l'amour, se faisant véhiculer par nos sangs, espérant nous réduire à néant ! (…) Ce n'est qu'une journée certes mais (…) le 1er décembre est un pavé dans la mare…"

Commentaires

Portrait de sonia

Très belle analyse, objective, neutre et fidèle merci Seronet!
Portrait de Zagadoum

Le premier décembre en principe c'est la saint florence qu'il me semble; Ben non , pour toute les Florence c'est la Saint Sida. Alors une fois par an , on passe un brave , ou une brave dans le prisme d'une camera , car coté profil , il correspond à l'enjeu du jour. C'est difficile de faire représentatif dans une maladie comme celle-ci , mais bon nous somme en France et il faut bien remplir les cases. Donc vous l'aurez compris , sincèrement , du fond du cœur , ça m'indiffère totalement.

Limite je regarde avec une attention distraite , mais cette journée me déloge rarement de mon indifférence. Et en même temps sachez le , loin de moi , en écrivant sur ce site qui constitue un espace dédié aux personnes ayant le VIH , d''ennuyer qui que ce soit avec mon ennui. Mais au fond je crois que " Vivre avec le VIH " est devenu pour moi , d'une routine absolue. Au fond ça se limite à : Cachet repas , bilan tous les trois mois , cachets à chercher une fois par mois , doc à voir une fois résultats du bilan obtenus. Le seul moment ou je me suis bien marré c'est quand j'ai mis en avant les qualités humaines que j'attribue à mon expérience avec le VIH lors d'un entretien de recrutement. Au fond le premier décembre c'est jamais novateur. C'est toujours misérabiliste , bon à quand un premier décembre dédié à nos amis suisses? Allez j'arrête c'était ma dernière coquinerie :) J'irai à la messe honorer les saints , va :)