Le 8 mars… de A à Z !

Publié par jfl-seronet le 08.03.2019
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Initiative

Des enjeux de santé (tout particulièrement dans le domaine du VIH et de la santé sexuelle), des citations à méditer, des ouvrages à découvrir, des spectacles à voir pour mieux saisir les ressorts du féminisme et même en rire, des trucs pour cogiter ou se mettre en colère, des choses à revendiquer, des figures historiques à saluer, des combats menés à poursuivre… C’est sous la forme d’un abécédaire que Seronet vous propose de commémorer cette nouvelle Journée des droits des femmes.

A comme Aram… Sophia

Dans son dernier spectacle, À nos amours, la chroniqueuse de France Inter et comédienne revendique son féminisme et affirme que l’égalité profitera à tous, femmes et hommes. Dans une récente interview sur Télérama (20 février), interrogée sur le fait que l’affaire Weinstein avait aussi eu pour effet de voir « se multiplier les spectacles féministes, Sophia Aram expliquait : « C’est effectivement dommage, mais les violences faites aux femmes ne constituent pas a priori un sujet très porteur d’humour. Pourtant, notre rôle est aussi d’essayer d’éveiller les consciences d’une manière ou d’une autre. On a souvent péché, autrefois, par le silence, alors mieux vaut peut-être trop en parler maintenant que pas du tout ». Dans cette interview, l’artiste revient sur son engagement féministe… de longue date, parle droit à l’IVG et autre sujets graves. Des sujets graves qu’elles traitent avec un humour aussi fin qu’efficace dans son spectacle jusqu’au 30 mars, du mardi au samedi à 20 heures au Palais des Glaces (37 rue du Faubourg-du-Temple - 75010 Paris).

B comme beurk

Bah, la ligue du LOL, par exemple !

C comme cancer du col de l’utérus

D’ici 25 à 50 ans, selon les pays (du moins ceux qui sont industrialisés), on devrait pouvoir éliminer le cancer du col de l'utérus. Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a d’ailleurs appelé à agir en 2018 pour éliminer le cancer du col de l'utérus. Des chercheurs-euses australiens-nes ont fait des projections sur l'incidence de ce cancer à travers le monde, en fonction de différents scénarios de dépistage et de vaccination contre le papillomavirus humain (HPV), cause de ce type de cancer. Si on en reste à la situation actuelle en matière de dépistage et de vaccination : il y aura 44,4 millions de cancers du col dans le monde dans les 50 prochaines années (2020 - 2069), dont près des deux tiers dans les pays en développement ou émergents, occasionnant 15 millions de décès dans ces pays. En revanche, comme l’explique un article du Quotidien du Médecin (20 février), si on renforce le dépistage et l’offre vaccinale (augmentation très rapide de la couverture vaccinale, qui atteindrait 80-100 % d'ici à 2020 avec le vaccin large spectre à 9 valences), on arrivera à moins de quatre cas de cancers du col de l’utérus pour 100 000 femmes dans le monde d'ici à la fin du siècle. Côté français, la vaccination contre le HPV par Gardasil 9 est recommandée, mais la vaccination est chère (135 euros) et le prix reste dissuasif pour les femmes sans complémentaire santé. AIDES milite pour la prise en charge à 100 % de ce vaccin, limitée à 65 % aujourd’hui, pour en assurer l’accès à toutes les femmes… ainsi qu’aux hommes d’ailleurs.

D comme Despentes

« Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air ! » Une citation de l’écrivaine Virginie Despentes qui dit tout !

E comme État

En matière de féminisation des postes, l’État n’arrive pas à tenir ses promesses, rappelait récemment Le Monde (20 février). Selon les éléments que le quotidien du soir a recueillis, il ne parvient plus, pour la première fois depuis 2012, à respecter le quota assurant l’égalité entre les femmes et les hommes dans les nominations aux plus hauts postes de l’administration. Ainsi, en 2018, parmi les 696 personnes nommées aux emplois les plus prestigieux (directeurs d’administration centrale, ambassadeurs, préfets, recteurs ou encore des chefs de services), ceux pourvus en Conseil des ministres ou sur décret du président de la République, seules 33 % était des femmes. En 2017, le taux était de 34 %. Bien sûr, la loi impose un taux minimum de 40 % de personnes de chaque sexe parmi celles nommées pour la première fois à l’un des 6 000 plus hauts postes de l’administration, mais force est de reconnaître que cela ne marche pas.

F comme Faust

Parcours atypique pour cette écrivaine américaine qui, avant de se lancer dans la littérature (catégorie romans noirs), a travaillé dans les peep-show à New York et dans le monde du porno (comme actrice et comme réalisatrice), puis comme travailleuse du sexe (catégorie dominatrice). C’est dans l’univers du porno qu’elle a choisi de situer l’action de son premier roman, Money shot, sorti en France en 2011 et récemment réédité chez Gallmeister. On y suit Gina Moretti. Angel Dare de son nom d’actrice, qui après quelques années d’interruption de carrière et la création d’une agence de casting pour actrices de X, décide de retourner pour dépanner un pote réalisateur. Le plan s’annonçait facile et rémunérateur, il tournera au cauchemar. Christa Faust n’a pas son pareil pour vous accrocher avec cette histoire à la fois drôle (c’est vraiment amusant), prenante (il se passe beaucoup de choses) et terriblement marquante… le roman est fond comme forme très violent. Une très bonne découverte dont le courage des femmes constitue, derrière une action échevelée, la vraie trame. Money shot, par Christa Faust, traduit par Christophe Cuq. Collection Totem, éditions Gallmeister.

G comme Gloria Steinem

Aujourd’hui âgée de 83 ans, Gloria Steinem est une icône féministe américaine, inscrite au Women’s national hall of fame. Journaliste, écrivain, elle a fondé le magazine féministe Ms. et, avec Jane Fonda et Robin Morgan, le Women’s media center, une organisation qui se bat pour rendre les femmes plus présentes et plus visibles dans les médias. Elle a aussi participé aux campagnes présidentielles de Hillary Clinton et de Barack Obama. Ses mémoires viennent d’être publiées en français sous le titre : Ma vie sur la route. Il s’agit du récit extraordinaire, profondément humaniste, d’une femme qui a passé sa vie à sillonner les États-Unis et à militer. Cette autobiographie qui épouse la forme d’un road trip se lit comme la passionnante chronique de cinq décennies d’histoire américaine, depuis le discours de Martin Luther King jusqu’à l’évolution des droits de la communauté LGBT en passant par l’avortement ou la cause amérindienne. L’ouvrage sera disponible (à partir du 13 mars) avec une préface de Christiane Taubira. Ma vie sur la route, par Gloria Steinem, Édition Harper Collins. 352 pages, 19 €, en librairie le 13 mars.

H comme humour

L’humoriste Noémie de Lattre présente son nouveau spectacle : Féministe pour homme. Comment rester féministe en porte-jarretelle ! Entre théâtre, cabaret et tribune (façon conférence), entre confession, stand-up et manifeste, l'esprit libre et cocasse de Noémie de Lattre marque ce « spectacle show bouillant et bouleversant » !  Noémie de Lattre a des faux seins. Elle danse, change souvent de couleur de cheveux et écrit des lettres d'insultes aux «  gros cons » des rues. Elle parle des hommes et des femmes, aux hommes et aux femmes ; elle parle de carrière, de famille, de publicité, de sexe et de quotidien, indique le théâtre dans la présentation qu’il fait du spectacle. Noémie de Lattre porte des robes fourreaux, des talons de 12 et des décolletés plongeants. Et pourtant, Noémie de Lattre est féministe ! Elle, pour qui ce mot était synonyme de vieilles filles aigries à aisselles velues, va vous raconter comment elle en est arrivée là, et comment ça va vous arriver à vous aussi ! Féministe pour homme, écrit, mis en scène et interprété par Noémie de Lattre, les lundis et dimanches à 19 heures à la Pépinière Opéra (7 rue Louis le Grand -75002 Paris. Tél. : 01 42 61 42 53).

I comme intellectuelle

Emmeline Pankhurst fut une femme politique, mais aussi une théoricienne du féminisme… Son nom n’est pas très connu en France, mais elle figurait en 1999 dans la liste des 100 personnalités les plus importantes du 20e siècle, selon le Time. On lui doit la création en 1903 du Women’s social and political union (WSPU), une structure qui a permis, après des années de lutte, l’instauration du droit de votes des femmes en Grande-Bretagne. En fait, ce fut la figure de proue des Suffragettes. Célèbre pour ses formules, elle expliquait : « Nous devons libérer la moitié de la race humaine, les femmes, afin qu’elles puissent nous aider à libérer l’autre moitié ».

J comme je sors ce soir… au théâtre

Pauline Bureau aime croiser théâtre et questions sociétales. Pour sa première création à la Comédie Française, Hors-la-loi, elle a écrit une pièce à partir du « procès de Bobigny », dont les répercussions ont contribué à l’adoption en 1975 de la loi Veil sur l’IVG. « Pardonnez-moi, Messieurs, mais j’ai décidé de tout dire ce soir. Regardez-vous et regardez-nous. Quatre femmes comparaissent devant quatre hommes... Et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses, et d’avortements ! Croyez-vous que l’injustice fondamentale et intolérable n’est pas déjà là ? Ces quatre femmes devant ces quatre hommes. » Cet extrait de plaidoirie prononcée par Gisèle Halimi pour la défense de Marie-Claire, 16 ans, qui a avorté clandestinement, date de 1972. Sur le banc des prévenues à côté de l’adolescente, sa mère, ses collègues de la RATP et la « faiseuse d’ange ». Avec leur accord, l’avocate transforme la défense en une tribune publique pour dénoncer l’injustice de la loi de 1920 interdisant l’avortement. C’est cet événement qui fait la matière de ce spectacle dont on peut attendre beaucoup. Mon Cœur, le précédent spectacle de Pauline Bureau, autour du scandale du Mediator, était un très grand moment de théâtre, d’émotion et de réflexion.
Hors-la-loi, écrit et mis en scène par Pauline Bureau, Comédie Française, Théâtre du Vieux-Colombier du 24 mai au 7 juillet 2019. Réservations au 01 44 58 15 15, du lundi au samedi 11h-18h ou en ligne.

K comme Keyah

Elle pourrait s’appeler Keyah ou porter un autre prénom africain… Elle serait originaire d’un pays d’Afrique subsaharienne. Elle serait migrante en France et connaîtrait assurément des problèmes d’accès aux droits et à la santé. En France, les femmes nées à l’étranger, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, sont le deuxième groupe le plus touché par le VIH/sida. Les femmes hétérosexuelles nées à l’étranger représentent 23% des découvertes annuelles de séropositivité au VIH. C’est désormais démontré (enquête ANRS- Parcours), la difficulté des conditions de migrations et l’insécurité qui marque les premières années de vie en France aggravent le risque de contamination au VIH. Près de la moitié des femmes vivant avec le VIH originaires d’Afrique subsaharienne ont été contaminées après leur arrivée en France. Les femmes migrantes sont majoritairement dépistées tardivement, à un stade avancé de la maladie. Ce sont 35 % des femmes hétérosexuelles nées à l’étranger vivant avec le VIH qui sont diagnostiquées à un stade avancé contre 18 % pour les femmes hétérosexuelles nées en France. Parmi les populations les plus exposées aux risques de contamination, les femmes étrangères trans et travailleuses du sexe cumulent les facteurs de vulnérabilité. Les violences sexuelles subies en France sont quatre fois plus fréquentes chez les femmes qui ont contracté le VIH après la migration. AIDES milite pour un accès facilité à un titre de séjour pérenne pour l’ensemble des personnes dès leur arrivée en France et un raccourcissement des procédures. L’association demande aussi un accès effectif à un droit au séjour pérenne pour les personnes malades étrangères et demande l’égalité en matière de droits sociaux et d’accès à la santé pour toutes les personnes résidentes sur les territoires français.

L comme linguistique

Une commission paritaire d’académiciens-nes… présidée par un homme, a rendu (28 février) un rapport sur la féminisation des métiers, titres, grades et fonctions. Le Figaro (20 février) est allé interviewer Dominique Bona, académicienne et membre de cette commission, sur ce dossier qui agite l’Académie française depuis 30 ans. « Il ne s'agit pas d'un rapport radical mais très ouvert, plein de tolérance pour un vocabulaire qui est en pleine mutation », a expliqué Dominique Bona au Figaro. Une mutation très lente qui remonte au milieu des années 80 et qui a été très contrariée (critiques acerbes contre les propositions de féminisation faites par Lionel Jospin, en 1989). « L'institution est soucieuse de l'évolution des mœurs concernant les femmes qui exercent de plus en plus de métiers, élevées à de hautes fonctions ou des grades importants », a rappelé Dominique Bona. « Il est donc nécessaire de répondre à des demandes de femmes qui ne savent plus comment se nommer dans le monde du travail ». On devrait donc voir reconnu des mots comme auteure ou autrice, écrivaine, rabbine… et la pharmacienne ne serait plus la femme de… L’Académie n’a évidemment « aucun pouvoir législatif » (vu sa composition et son mode de désignation, c’est plus prudent). Elle va donc « donner un avis sur l'évolution du langage » et attendre que le gouvernement s’en saisisse. Le rapport déposé doit maintenant être votée par l’Académie française… où l’on ne compte que 5 femmes sur 36 membres.

M comme misogynie

La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ne s’embarrasse pas toujours de précautions oratoires et ne craint pas non plus l’adversité. Elle a accordé récemment une interview à Valeurs actuelles, un hebdo réac qui la déteste presque autant qu’il ne détestait l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem. Elle en a profité pour décocher une flèche dont elle a le secret ; en l’occurrence, elle voit une « convergence idéologique » entre la Manif pour tous et les « terroristes islamistes ». L’argument a fait bondir le mouvement homophobe, mais l’interview a surtout suscité, sur le site de Valeurs actuelles (très coulant sur la modération des propos), des commentaires d’une rare misogynie, comme celui de cet internaute : « Ce qui gêne d'abord chez cette femme, c'est sa voix d'adolescente qui garde tous les accents d'une cour de lycée, qui ferait passer Belloubet [la ministre de la Justice, ndlr] pour Jeanne Calment. Secundo, elle ne s'exprime pas comme un ministre (pardon « ministresse » ?), mais comme une militante à côté de laquelle une Femen aurait presque l'allure d'un député de droite. Enfin, on voit bien se profiler derrière ce visage quelque peu ensorceleur la bête immonde de la PMA-GPA, aboutissement d'une pensée obnubilée par les choses du sexe, et de la chose pour faire court. Sa personnalité dégage on ne sait quelque impression d'indécence, d'outrance mesurée, avec des regards de lumière noire. Parfaite dans son rôle de grande prêtresse de la cause, non pas des femmes, mais des ultraféministes déjantées comme produit ce siècle de déchéance et de permissivité ».

N comme Nicole

Nicole est travailleuse du sexe. Elle a fait partie des femmes travailleuses du sexe qui ont témoigné, à l’initiative de la Fédération Parapluie rouge, de l’impact de la pénalisation des clients sur les conditions de vie et de travail, en amont de l’avis du Conseil constitutionnel sur cette disposition. Voici ce qu'elle expliquait, en janvier dernier : « Cette loi est vraiment néfaste pour nous. Nous avons perdu un nombre important de bons clients. Je me prostitue de manière occasionnelle actuellement, mais je dois venir pour payer toutes mes factures. Je ne pensais pas être obligée de travailler autant pour aussi peu d’argent dans ces conditions. Depuis que je suis revenue, je suis dans un stress permanent de voir la police et arrêter mes clients. En plus, je travaille dans un quartier où on est toujours harcelées par la police parce qu’ils nous chassent. Donc on est dans le stress tout le temps. Cette loi n’a donc rien arrangé car les clients eux aussi sont stressés et nous mettent la pression pour faire plus vite, moins cher parce qu’ils prennent des risques. C’est vraiment difficile par rapport à ce qui se passait avant la loi. Mais nous avons besoin de cet argent pour vivre ». D’autres témoignages sont consultables sur le blog Ma lumière rouge, animé par Thierry Schaffauser et Thelma Hell.

O comme Olivia Colman

C’est elle qui a eu, cette année, l’Oscar de la meilleure actrice. La comédienne anglaise de 45 ans a coiffé au poteau Lady Gaga et Glenn Close et s'adjuge la statuette dorée pour son rôle dans le film La Favorite, où elle campe une reine Anne d'Angleterre à la santé fragile et au caractère instable, au cœur d'une lutte de pouvoirs, mais aussi amoureuse, entre sa conseillère et sa servante, interprétées respectivement par Rachel Weisz et Emma Stone. Dans cette comédie dramatique se déroulant dans l'Angleterre du 18e siècle, Olivia Colman donne vie à ce monarque souvent oubliée grâce à une performance percutante. Il faut dire que le personnage historique lui-même n’est pas une mince affaire. Cette reine a connu d’importants problèmes de poids et de nombreux traumatismes. La reine Anne, malgré ses dix-sept grossesses, n'a pas vu un seul de ses enfants atteindre l'âge adulte. Et elle était d’une rare cruauté. « Elle se sent lourde. Elle se sent laide. Tout le monde meurt, tout le monde la laisse », a expliqué Olivia Coleman au Sunday Telegraph, à propos de son personnage. « Après toutes ces tragédies, je pense que vous pouvez tout vous permettre. Vous pouvez vous comporter de la manière la plus horrible qui soit parce que ce qui vous est arrivé est horrible ». Olivia Coleman a marqué les esprits il y a quelques années en interprétant Ellie Miller, inspectrice tenace et dévouée dans la série « Broadchurch », rôle pour lequel elle a obtenu plusieurs récompenses.

P comme pénalisation des clients

Dans les débats qui ont eu lieu en amont puis à l’issue de l’avis du Conseil constitutionnel sur la pénalisation des clients des travailleurs-euses du sexe, il a été difficile de faire entendre (et surtout accepter) une parole féministe en soutien aux droits des travailleuses du sexe. Et pourtant elle existe, forte, militante, mobilisatrice. Dans le contexte de la Question prioritaire de constitutionnalité, Médecins du Monde avait sollicité des paroles de féministes afin d’expliquer en quoi la mesure de pénalisation des clients était préjudiciable pour les femmes. Laurence Blisson (Syndicat de la magistrature), Eloïse Bouton (journaliste, ancienne Femen), l’avocate Caroline Mécary, l’avocate Amandine Le Roy, Carine Favier (Planning Familial) avaient répondu présentes.

Q comme querelle

On n’en finit plus avec la fameuse théorie du genre, poussant à l’extrême cette querelle très régulièrement. Le Figarovox a fait de sa dénonciation un de ses thèmes fétiches. Début février, il publie une tribune de Marcel Kuntz, chercheur en biotechnologie au CNRS, qui juge « que la théorie du genre tient désormais le haut du pavé au sein du prestigieux établissement », notamment en y imposant l'écriture inclusive. On savait déjà que l’Académie française ne goûtait pas cette pratique, expliquant ainsi que « la multiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu'elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l'illisibilité» et que «la langue française se trouve désormais en péril mortel ». Un jugement très nuancé donc. Le gouvernement avait indiqué ne pas être favorable à l’écriture inclusive… Du coup, Marcel Kuntz s’émeut que l’on trouve « dans des documents officiels de la recherche publique, du CNRS par exemple, des monstruosités grammaticales » liées à l’écriture inclusive, du genre : technicien.ne.s, ingénieur.e.s et chercheur.e.s. Mais le chercheur ne se borne pas à tempêter, il entend proposer sa lecture de cette revendication d’une écriture inclusive. Et c’est parti pour le grand jeu : « L'objectif affiché de l'écriture inclusive est d'imposer une égalité des « représentations » entre les femmes et les hommes. En réalité, il s'agit d'un champ de bataille idéologique, où resurgit la dialectique marxiste des rapports exploiteurs/exploités, oppresseurs/opprimés, revisitée par l'idéologie postmoderne - où la société est vue comme une juxtaposition de communautés, la plupart rangées en catégories victimaires (dont les femmes) ». Mais alors quel serait le « péril ». « L'introduction de l'écriture inclusive, en supprimant le neutre, prend le risque de communautariser les deux sexes, et d'aboutir non à une égale représentation, mais d'inciter les « victimes » à se vivre comme telles, et à faire endosser aux mâles (hétérosexuels) le statut de bourreau ». C’est déjà du lourd, mais ce n’est pas tout. Et Marcel Kuntz d’avancer à propos de l'écriture inclusive : « Son usage est porté par ce mythe constructiviste : l'être humain est à l'origine une page blanche et chacun pourra noircir sa page comme il l'entend (y compris choisir son genre) pourvu qu'il ne soit pas formaté par un héritage civilisationnel. Il s'agit en réalité d'un rêve despotique, peut-être doux, de bobos bien-pensants, mais une forme de despotisme quand même, portée par des inquisiteurs qui veulent nettoyer la grammaire et le langage et éliminer tout comportement non-politiquement correct ». C’est incroyable ce que le mot « chercheur.e » peut déclencher.

R comme reconstitution… du Fonds mondial

Un des grands enjeux de la lutte contre le sida en 2019 est la tenue de la conférence de reconstitution des ressources. Elle se déroulera en octobre prochain à Lyon. D’ores et déjà, des pays commencent à faire des annonces concernant leur investissement financier pour la période 2020-2022. C’est le cas du Luxembourg, de l’Irlande ; pays qui annoncent une hausse de leur contribution. En janvier dernier, le Fonds mondial a annoncé son objectif de collecte de fonds pour le prochain cycle triennal (2020-2022), expliquant qu’un montant minimum de 14 milliards de dollars « contribuerait à sauver 16 millions de vies, à réduire de moitié les taux de mortalité imputables au VIH, à la tuberculose et au paludisme, et à construire des systèmes de santé plus solides d’ici 2023 ». Plusieurs organisations non gouvernementales remettent en cause cette demande. Elles estiment que le montant demandé est insuffisant « pour répondre aux besoins de dizaines de millions de personnes directement touchées par le sida, la tuberculose et le paludisme ». Elles considèrent que cette demande « manque d’ambition » et qu’elle ne permettra, au mieux, que de maintenir les cibles actuelles de traitement, de prise en charge et de prévention au cours des trois prochaines années », alors que le Fonds mondial lui-même préconise d’accélérer la réponse. Accélérer la réponse est indispensable. Si on regarde les données internationales concernant les femmes que voit-on ? En 2017, 65 % des femmes adultes de 15 ans et plus ont eu accès au traitement, c’est mieux que les 53 % d’hommes adultes de 15 ans et plus y avaient accès, selon l’Onusida. En 2017, 80 % des femmes enceintes vivant avec le VIH avaient accès à des médicaments antirétroviraux pour prévenir la transmission du VIH à leurs bébés. Ces chiffres-là sont plutôt bons… mais d’autres pas du tout. Ainsi, chaque semaine, environ 7 000 jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont infectées par le VIH. En Afrique subsaharienne, trois nouvelles infections sur quatre parmi les adolescents âgés de 15 à 19 ans concernent des filles. Les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans sont deux fois plus susceptibles de vivre avec le VIH que les hommes. Plus d'un tiers (35 %) des femmes dans le monde ont subi des violences physiques ou sexuelles à un moment de leur vie. Dans certaines régions, les femmes victimes de violence sont une fois et demie plus susceptibles d'être infectées par le VIH. On imagine mal qu’avec de telles données (et nous sommes loin d’être exhaustifs) certains pays donateurs hésitent encore à accroître leur contribution au Fonds mondial. À suivre.

S comme Santé Sexu’elles

Cette brochure, réalisée par AIDES, qui a pour objectif de renforcer les capacités des femmes à agir sur les principaux déterminants de santé sexuelle vient d’être réédité. Elle s’adresse à toutes les femmes, vivant ou non avec le VIH. Qu’est-ce qui change dans cette nouvelle version ? Les pages consacrées au Tasp (traitement comme prévention) et à l’accès aux soins pour les femmes étrangères et sans-papier ont été revues. Il y a une nouvelle page sur la Prep (prophylaxie pré-exposition) et une sur les principales IST. Cette brochure est distribuée gratuitement dans les lieux de mobilisation de AIDES.

T comme tampons

Le magazine 60 Millions de consommateurs a mené l’enquête : les protections intimes féminines ne sont toujours pas sans risque pour la santé. En effet, en dépit des recommandations officielles, des résidus de substances chimiques indésirables (glyphosate, phtalates, etc.) sont toujours présents dans les tampons et serviettes périodiques, y compris chez des marques pourtant labellisées bio. Cette enquête suit de quelques mois un rapport de l'agence de sécurité sanitaire (Anses). L’Anses y relevait la présence de substances chimiques « en très faible concentration » dans les protections féminines, tout en soulignant que cela ne présentait pas de risque pour les utilisatrices. Pour autant, l'agence avait recommandé, par précaution, aux fabricants d'« améliorer la qualité de ces produits afin d'éliminer ou de réduire au maximum la présence des substances chimiques ». « Les marques mises en cause ne sont pas forcément les mêmes [que celles de l’enquête faite par 60 Millions de consommateurs, il y a trois ans], mais le constat demeure. Les jeunes filles et les femmes qui portent des protections périodiques à usage unique peuvent être au contact de résidus pour le moins indésirables de manière chronique », conclut le magazine. Rappelons que la TVA sur les tampons et serviettes périodiques était au taux de 20 % jusqu’en 2016, où elle a été ramenée au taux de 5,5 %.

U comme Un meilleur accès… à la Prep

Cela ne devrait surprendre personne, mais les femmes, elles aussi, sont vulnérables face aux épidémies de VIH et d’hépatites virales ; pourtant les modes de prévention et les dispositifs de dépistage ne sont pas forcément adaptés à leurs besoins spécifiques, pas toujours facilement accessibles voire insuffisamment pris en charge par la sécurité sociale. Par exemple, la Prep est aussi pour les femmes (du moins dans les recommandations). Portant aujourd’hui, seulement 1 % des personnes sous Prep sont des femmes. AIDES demande un meilleur accès à la Prep pour les femmes. Pour ce faire, l’association demande que la primo-prescription puisse être faite par les gynécologues et par les sages-femmes afin d’en faciliter l’accès en dehors des hôpitaux et des Cegidd (Centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH et les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles). Une autre avancée en matière de prévention pour les femmes serait le remboursement des préservatifs internes par l’assurance maladie. Aujourd’hui, seuls les préservatifs externes (de deux marques) le sont.

V comme VIH

Dans le monde, le VIH touche les femmes de manière disproportionnée. C’est surtout vrai en Afrique subsaharienne. Selon les données recueillies dans le cadre des enquêtes démographiques et de santé réalisées entre 2009 et 2017 (un programme qui recueille et diffuse des données sur la santé et les populations dans les pays en développement), au cours des dix dernières années, la prévalence du VIH a été jusqu’à trois fois plus élevée chez les femmes âgées de 20 à 29 ans que chez les hommes dans certains des pays qui présentent la plus forte incidence du VIH en Afrique occidentale et centrale. C’est particulièrement le cas au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Ghana, rappelait récemment l’Onusida. Les données pour la tranche d’âge 20-29 ans montrent l’importance de la transmission du VIH par voie sexuelle. Étant donné que les hommes ont tendance à avoir leurs premiers rapports sexuels plus tard que les femmes, les données relatives aux personnes âgées de 20 à 29 ans couvrent mieux à la fois les hommes et les femmes actifs sexuellement. « Il est évident que toute la gamme de possibilités de prévention du VIH dont les femmes de la région ont besoin pour ne plus être infectées par le VIH par voie sexuelle ne les atteint pas », constate l’Onusida qui appelle « les gens sur l’impact disproportionné que l’épidémie de VIH a eu, et continue d’avoir, sur les femmes de cette région ».

W comme Wittig

« C'est que la catégorie de sexe est une catégorie totalitaire qui, pour prouver son existence, a ses inquisitions, ses cours de justice, ses tribunaux, son ensemble de lois, ses terreurs, ses tortures, ses mutilations, ses exécutions, sa police. Elle forme l'esprit tout autant que le corps puisqu'elle contrôle toute la production mentale. Elle possède nos esprits de telle manière que nous ne pouvons pas penser en dehors d'elle. C'est la raison pour laquelle nous devons la détruire et commencer à penser au-delà d'elle si nous voulons commencer à penser vraiment, de la même manière que nous devons détruire les sexes en tant que réalités sociologiques si nous voulons commencer à exister ». Cette pensée, extraite de La pensée straight (éditions Balland, 1992, puis éditions Amsterdam), un des grands ouvrages de l’écrivaine, théoricienne et militante du féminisme Monique Wittig, donne un bon aperçu de la pensée puissante et novatrice de cette très grande figure intellectuelle du féminisme. On ne peut qu’en recommander la lecture tant son œuvre frappe par son exigence, sa poésie (certaines formules des Guérillères - éditions de Minuit, 1969 - sont magnifiques) et son innovation. À découvrir notamment L’Opoponax (éditions de Minuit, 1964) un grand texte d’avant-garde sur la question du genre.

X comme Xena la guerrière

On a espéré, vraiment espéré (enfin pas tout le monde ; j’imagine) le retour de Xena la guerrière (rappelez-vous la princesse guerrière incarnée dans les années 90 par Lucy Lawless, six saisons au compteur). Il avait été évoqué une série sur la chaine américaine NBC, puis des rumeurs que la série pourrait voir le jour en 2018. Une écrivaine, Meredith Finch, avait même été recrutée pour cela. Elle expliquait d’ailleurs : « Dans une industrie remplie de super-héros féminins forts, Xena se distingue comme une femme qui tire ses super pouvoirs de sa force de volonté et de caractère. Elle a surmonté d’énormes obstacles pour devenir un phare d’espoir pour ses gens et ses lecteurs. Je ne pourrais pas être plus ravi d’avoir ainsi l’opportunité d’ajouter à sa mythologie ». Finalement, cela ne s’est pas fait. Dommage que l’on ne puisse pas suivre cette héroïne qui a réussi à nous réconcilier avec la mythologie grecque. Excusez-du peu !

Y comme Marguerite…

« Je ne méprise pas les hommes. Si je le faisais, je n'aurais aucun droit, ni aucune raison, d'essayer de les gouverner. Je les sais vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour réussir, pour se faire valoir, même à leurs propres yeux, ou tout simplement pour éviter de souffrir. Je le sais : je suis comme eux, du moins par moment, ou j'aurais pu l'être. Entre autrui et moi, les différences que j'aperçois sont trop négligeables pour compter dans l'addition finale. Je m'efforce donc que mon attitude soit aussi éloignée de la froide supériorité du philosophe que l'arrogance du César. Les plus opaques des hommes ne sont pas sans lueurs : cet assassin joue proprement de la flûte ; ce contremaître déchirant à coups de fouet le dos des esclaves est peut-être un bon fils ; cet idiot partagerait avec moi son dernier morceau de pain. Et il y en a peu auxquels on ne puisse apprendre convenablement quelque chose. Notre grande erreur est d'essayer d'obtenir de chacun en particulier les vertus qu'il n'a pas, et de négliger de cultiver celles qu'il possède ». C’est de Marguerite Yourcenar, extrait de Mémoires d’Hadrien (Folio).

Z comme Zahavi

« Voici l’histoire de Bella qui se réveilla un matin et s’aperçut qu’elle n’en pouvait plus ». Cette phrase ouvre le roman le plus connu de l’écrivaine anglaise Helen Zahavi : Dirty week-end. Ce roman est un polar inventif qui n’a de cesse de vous bousculer, avec humour, un incroyable aplomb et une grande violence. Bella en a assez. Bien que discrète, presque réservée, la jeune femme ne supporte plus le voyeurisme forcené de son voisin, la main baladeuse d’un commerçant du quartier. Elle ne supporte pas non plus les comportements malsains qu’elle se voit contrainte de subir en tant que femme dans les transports en commun. Et puis un jour, tout bascule ; et la calme Helen décide de mettre un terme à ces conduites sexistes et à ces atteintes sexuelles en s’engageant dans la manière la plus radicale qui soit : l’élimination de tous ces mâles déviants. Publié pour la première fois en 1991, ce roman est un des livres les plus violents qui soient sur les rapports de domination et a même fait l’objet, l’année de sa sortie, d’une demande d’interdiction pour « immoralisme » à la chambre des lords. Un incontournable pour frémir et réfléchir. Dirty week-end, par Helen Zahavi, traduit de l’anglais par Jean Esch. Collection Libretto, éditions Phébus.