Le charme discret de votre microbiote…

Publié par Fabien Sordet le 18.02.2016
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Thérapeutiquemicrobiote

Qu’est-ce que le microbiote humain ? Si le lien avec le VIH n’est peut-être pas évident d’emblée, il constitue cependant l’un des volets les plus dynamiques et les plus prometteurs dans le domaine de la recherche médicale, notamment en ce qui concerne le système immunitaire. L’avenir de la médecine humaine passera sans doute par une meilleure connaissance et utilisation de ce qu’est notre microbiote.

Notre corps contient dix fois plus de cellules de microbes que de cellules humaines. Ces microbes sont divers : plus de 5 000 espèces de microbes différents (plus d’espèces différentes que ne contient le plus grand zoo du monde !). Chaque gramme de selle contient 100 milliards de microbes. Ces microbes constituent 50 % du volume de nos selles. De plus, l’ensemble de ces microbes de notre organisme contiennent 150 fois plus de gènes que notre génome humain lui-même. C’est abyssal !

L’ensemble des gènes de ces microbes que notre organisme abrite s’appelle le microbiome. Ces microbes sont absolument vitaux, indispensables à notre survie. Pas de vie humaine possible sans ce portage microbien gigantesque et complexe… que tout le monde a.

Ainsi on peut dire que :
- L’être humain n’existe pas en tant qu’être vivant isolé, indépendant. Un être humain, c’est une imbrication intime et interdépendante de cellules multiples, et c’est ce "tout" qui permet la vie ;
- Avec environ 1,5 kg de microbes chez chacun d'entre-nous, le microbiote humain est le plus gros organe de notre corps !
Un organe à ce jour encore quasi inexploré.

Depuis quand parle-t-on de ce nouveau domaine de recherche ?

Ce n'est qu'en décembre 2007, qu'a été lancé aux Etats-Unis un vaste projet scientifique dénommé Human Microbiome Project (le projet du microbiome humain) visant à analyser tous les gènes (génome) des microbes vivant normalement chez l'homme. Cette analyse est faite à partir d'échantillons, prélevés dans la bouche, la gorge et le nez, sur la peau, dans le tube digestif, et les voies génitales de la femme. Les chercheurs ont montré que le microbiome humain est personnel. Chacun a le sien propre, même s'il est aussi influencé par l'alimentation et qu'il se diversifie en vieillissant. Ce microbiome est si personnel qu’il pourrait servir de moyen d’identification, un peu comme nos empreintes digitales. Les auteurs de ces études mettent cependant en garde contre d'éventuels problèmes éthiques. Certaines informations personnelles pourraient être exposées, comme la présence d'une infection sexuellement transmissible qui pourrait être détectée à partir du microbiome d'une personne, sans son consentement.

Mais le principal enjeu d'une meilleure compréhension du fonctionnement des microbiomes est la santé humaine car les déséquilibres ou "maladies du microbiome" semblent aussi pouvoir affecter la santé des hôtes. Par exemple :
- La production par la flore intestinale de certaines vitamines.
- L’altération de notre système immunitaire, car c’est lorsque le nouveau-né — initialement parfaitement stérile — va être confronté à ses premiers microbes qu’il va mettre au point un système de défense capable de détruire les pathogènes, tout en laissant tranquilles les microbes utiles.
- Les risques d’allergies ou d’asthme peuvent aussi être la conséquence d'anomalie du microbiote intestinal.
- Les problèmes de transit intestinal, mais aussi le risque d'obésité et l’impact du microbiome dans l’utilisation des aliments que l'on absorbe.
- Un risque accru de maladies de type diabète, troubles du foie, maladies cardiovasculaires ou neurologiques, en lien avec une flore intestinale appauvrie ou modifiée, avec sécrétion de substances toxiques.
- Le lien entre "neurologie" et "microbes intestinaux", avec la sécrétion anormale de neurotransmetteurs, est particulièrement analysé. Des applications seraient possibles dans certaines maladies psychiatriques comme la dépression, l'autisme ou la schizophrénie.
- Notre intestin est tapissé de bons microbes, qui nous protègent des mauvais : lorsque l’on ingère un microbe et qu'il arrive dans le tube digestif, "la place est prise" par notre microbiome et le microbe est rejeté dans les selles sans causer de problème. Sans microbiome, nous ferions des infections intestinales à répétition !
- Enfin, pour citer un autre microbiote : la santé sexuelle (microbiote vaginal et rôle du microbiote du prépuce et du pénis).

Bref, les répercussions dans notre fonctionnement sont innombrables…

Quelques exemples concrets de l’utilisation médicale des microbiomes

- Pour lutter contre certaines infections intestinales, on a mis au point des techniques de "greffe fécale". On va prendre les selles d’une personne ayant une bonne flore intestinale, on va les filtrer pour récupérer un concentré de "bons microbes". On va faire ingérer ces bons microbes à la personne malade, de façon à ce que ces microbes, en grand nombre, puissent se ré-ancrer et prendre la place des mauvais… Plusieurs centaines de personnes ont déjà bénéficié de cette technique en France, avec d'excellents résultats.
- Cette même technique est actuellement étudiée pour rétablir la flore intestinale dans les intestins de personnes ayant des maladies inflammatoires chroniques telles que le maladie de Crohn.
- Enfin, on pourrait envisager des "autogreffes fécales" en récupérant et en congelant les selles saines d'une personne avant une intervention médicale (chimiothérapie, par exemple) susceptible de modifier et d'altérer sa flore intestinale. Il n'y aurait plus qu'à lui faire ingérer des extraits de ses propres selles après le traitement par chimiothérapie. Une équipe américaine a présenté une étude intéressante à l'Icaac (conférence scientifique de San Diego, septembre 2015), montrant que les personnes présentant des altérations de leur microbiome après un traitement par chimiothérapie étaient plus à risque que les autres de faire une infection généralisée.
- Une altération de nos muqueuses (maladie auto-immune, etc.) va modifier l’environnement local. Cela va aussi modifier le microbiome au niveau de la muqueuse altérée. L’analyse du microbiome pourrait ainsi être un moyen de diagnostiquer une maladie.
- Il s’avère que certains microbiotes peuvent synthétiser des antibiotiques, des enzymes, des vitamines, des anti-radicaux libres, sans doute même des médicaments anticancéreux. Mieux connaître ces données alimentera la recherche, et des "greffes de microbiotes" — du type des "greffes fécales" décrites ci-dessus — pourraient permettre de contrer certains manques en enzymes, en vitamines, etc.

Quid de la notion de microbiome dans le VIH ?

Les études dans ce domaine sont encore extrêmement préliminaires. On sait néanmoins que le microbiote des personnes vivant avec le VIH est sensiblement différent de celui des personnes séronégatives. Cela a notamment été démontré pour les microbiotes de la bouche et du tube digestif. On sait, par ailleurs, que l'infection par le VIH est à l'origine d'une profonde altération des défenses (lymphocytes CD4, etc.) au niveau intestinal qui favorise les passages de bactéries du tube digestif vers la circulation sanguine, et ce dès les premières semaines de l'infection. Ce phénomène s’appelle la translocation bactérienne. Il semble mettre l'organisme en état d'hyper stimulation inflammatoire permanente. Une action sur ce microbiote altéré pourrait donc constituer une voie de recherche intéressante et limiter la translocation bactérienne.

L'étude Bite, conduite par l’équipe du Dr Clerici, vise à étudier l'impact d'un complément nutritionnel comprenant des probiotiques, sur la perte des CD4 au cours de l'infection à VIH. Les probiotiques sont des bactéries et des levures qui aident à la digestion des fibres, du lactose, et stimulent le système immunitaire. Ces auteurs montrent que le microbiome digestif est modifié par l'utilisation de leur produit. Dans cette étude, la modification de la répartition de certaines populations microbiennes est associée de manière significative à une diminution de la fréquence de l'activation des CD4 et à une moindre diminution des CD4 dans le sang.

Microbiote : C’est ce que l’on appelle parfois la flore (flore intestinale, vaginale, cutanée…). Autrement dit, c’est l’ensemble des microbes que nous hébergeons. Le microbiote est constitué de milliards de bactéries, de champignons, de virus, qui tapissent notre tube digestif, nos muqueuses sexuelles, notre peau… et nous permettent de vivre.
Microbiome : C’est l’ensemble des gènes qui constituent tous ces microbes. Au final, notre corps contient plus de gènes de microbes que de gènes humains !

Les probiotiques sont des microbes vivants (bactéries ou levures) qui pourraient avoir des effets positifs sur la santé par l’amélioration de la digestion, le traitement de certaines diarrhées ou la stimulation de notre système immunitaire. On en retrouve dans les yaourts, les laits fermentés (Kéfir, lait Ribot, Yorik, etc.), les lassis indiens, etc. Par ailleurs, les pharmacies, Internet et certaines épiceries spécialisées (bios notamment) proposent un large choix de probiotiques (Kéfir, Immunostim, Yakult, Ultra-levure, Probiotus 7000, etc.). Tous les experts ne s’accordent pas sur leur intérêt réel, mais nombre de personnes utilisatrices témoignent du bienfait qu’elles ont ressenti, avec notamment une sensation de "légèreté intestinale". A prendre en poudre ou en gélules, le matin à jeun avec un grand verre d’eau tiède. Testez, vous verrez bien !
Les prébiotiques : Ce sont de petites molécules de sucre (ex : l’inuline) qui permettent la stimulation de certaines bactéries de notre microbiote intestinal. On les retrouve naturellement dans les fruits et les légumes, mais aussi dans le miel. De façon générale, si vous voulez booster votre microbiote : mangez des fibres (fruits, légumes, céréales, etc.) et limitez les graisses !