Le coronavirus en huit points

Publié par Fabien Sordet le 24.04.2020
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ThérapeutiqueCovid-19

On en apprend quasiment chaque jour sur le virus qui provoque aujourd'hui, partout dans le monde, une des plus grandes crises sanitaires à laquelle nous sommes confrontés-es. On redécouvre l'existence de cette famille de virus que sont les coronavirus. Seronet fait le point sur ce virus qui fait tant de mal... et tant parler de lui.

Parmi les sept coronavirus identifiés, trois seulement sont pathogènes pour l’homme :

  • le Sars-Cov (identifié en 2002), qui a donné le Sras ;
  • le Mers-Cov (identifié en 2012), qui a, lui aussi, occasionné une épidémie ;
  • le Sars-Cov 2 (identifé en 2020, à 80 % similaire au Sars-Cov, et responsable de l’épidémie actuelle de la maladie, nommée Covid-19).

Plusieurs raisons expliquent que ce dernier virus ait provoqué une pandémie, alors que les autres étaient restés à un niveau plutôt épidémique et localisé :

  • Très contagieux, il se transmet activement avant même l’expression de symptômes ;
  • Beaucoup de personnes sont asymptomatiques ou pauci-symptomatiques (peu de symptômes), donc ne se savent pas contaminées et ne peuvent pas, de ce fait, s’isoler ;
  • Le taux de mortalité est moindre que les deux autres virus, avec des malades contagieux-ses plus longtemps. Au global, il se transmet davantage, on parle d’un R0 de 3, qui signifie qu’une personne va contaminer statistiquement trois autres personnes. Les mesures de confinement visent à baisser ce R0 au-dessous de 1.

La période où l’on excrète le plus de virus (contagiosité maximale) est de deux jours avant le jour zéro (J0) des premiers symptômes, jusqu’à sept-neuf jours après J0 et l’apparition de ces symptômes. La transmission se fait par les gouttelettes (toux, éternuements) mais aussi les postillons (parfois invisibles) quand on se parle. Le virus est présent dans ces micro-gouttelettes, d’où la nécessité d’une distance de 1 mètre au minimum entre les individus (idéalement deux ou trois mètres, compte-tenu de la distance de projection des micro-gouttelettes en cas d’éternuement). En revanche, le virus ne se répand pas dans l’air.

Les masques chirurgicaux visent à éviter la projection de ces gouttelettes. Il est probable que de nombreux masques dits « artisanaux » ou « grand public » offrent le même avantage. En revanche, tous ces masques n’assurent pas d’éviter d’être contaminés-es. Il faut pour cela avoir recours à des masques spéciaux dits FFP2, et les changer régulièrement. Ce type de masque est, pour le moment, sur décision des pouvoirs publics, réservé aux professionnels-les de santé.

L’ARN viral est retrouvé en quantité non négligeable dans les selles des patients-es touchés-es, mais ces particules se sont, jusqu’à présent, avérées non-infectieuses (tests en laboratoires) et la transmission par voie oro-fécale est peu probable. La durée de vie du virus sur surface inerte (carton, plastique, métal…) est très mal connue. Elle dépend de multiples facteurs : température, humidité, exposition à la lumière, etc. La plupart des études disponibles font état de quelques heures à quelques jours. Mais elles sont peu informatives car même si l’on retrouve de l’ARN viral amplifiable par PCR, cela ne signifie aucunement que ces virus soient toujours infectieux.

Histoire naturelle du Sars-Cov 2

Après les cinq-six jours d’incubation, la maladie comporte deux phases :

  1. Une phase virale où le virus se réplique activement, jusqu’à sept-neuf jours après le début des symptômes. Les symptômes sont pour la plupart du temps peu spécifiques (fièvre, toux sèche, douleur musculaire, maux de tête, diarrhée…) mais certains sont pathognomoniques (1), comme la dysgueusie (perte de goût), l’anosmie (perte de l'odorat) et plus récemment des manifestations sur la peau (plaques rouges, espèces d’engelures aux doigts). Dans les formes modérées (> 80 % des cas) ces symptômes disparaissent généralement après deux semaines. Reste que des personnes témoignent de l'apparition de symptômes, puis de leur disparition, puis d'une réactivation après quelques jours, etc.
  2. Une phase inflammatoire où le virus engage l’organisme dans une voie d’hyper-inflammation dérégulée avec orage cytokinique. Cette dysrégulation peut se voir par dosage sanguin de certains marqueurs (CRP, D-dimères, ferritine, troponine, lactate déshydrogénase, IL6, TNFa…) dès les jours quatre à sept après le début des symptômes, alors que les patients-es sont cliniquement non différents-es de ceux-lle dont l’évolution sera favorable. Après sept à neuf jours après le début des symptômes, les deux groupes de malades se séparent, cliniquement.

Le décès est dû à un syndrome de détresse respiratoire, et/ou un accident cardiovasculaire (arrêt cardiaque, coagulopathie…). D’autres organes (rein, foie…) peuvent également être touchés. Certaines comorbidités s’avèrent être des facteurs majeurs d’une évolution défavorable : diabète, maladies respiratoires, maladies cardio-vasculaires, obésité, hypertension, etc. L’âge est intrinsèquement un facteur de risque, avec une sur létalité significative dès 60 ans et majeure après 80 ans.

Le taux de létalité, qui correspond au nombre de décès par rapport au nombre de personnes ayant été contaminées par le virus est, aujourd’hui, parfaitement inconnu. Il est probablement très en dessous de 1 %. Ce qui est actuellement connu, mais qui peut varier selon les populations considérées ou les pays en fonction de l’accès au dépistage, aux lits de réanimation, aux respirateurs artificiels et aux modalités de prise en charge, est le taux de mortalité, c’est-à-dire le rapport entre personnes décédées et personnes diagnostiquées. Les chiffres actuels évoquent une moyenne de 4 % (proche de zéro chez l’enfant à 15 % chez les personnes âgées de plus de 80 ans) mais la plupart des personnes sans symptômes ou avec très peu de symptômes, n’ont pas été prises en compte.

La séroconversion en anticorps anti Sars Cov-2 est détectable autour de 9-11 jours (avec les techniques actuelles) après le début des symptômes, soit environ 15 jours après la contamination. 

La réponse IgM (immunoglobulines sécrétées lors du premier contact de l'organisme avec un antigène) est globalement mauvaise et on exprime surtout des IgG (et IgA). La durée de protection, notamment à moyen/long terme, de cette réponse est encore incertaine. On l’estime d’au moins plusieurs mois actuellement. Même si on peut encore retrouver de l’ARN viral excrété 7-10 jours après le début des symptômes (notamment dans les expectorations/crachats), la plupart des tests ont révélé des virus non-infectieux. La raison pourrait être leur neutralisation par les anticorps.

Les tests actuellement disponibles repèrent la présence de génome viral par technique d’amplification PCR (polymérase chain reaction). L’analyse nécessite quatre à cinq heures, en laboratoire. Des tests sérologiques, détectant la présence d’anticorps dans le sang des personnes guéries, seront très prochainement disponibles. Possiblement des autotests, des tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), avec un résultat en quelques dizaines de minutes.

Plusieurs centaines d’études sont d’ores et déjà en cours pour évaluer différentes d’approches thérapeutiques et vaccinales. Sur le plan thérapeutique, on peut citer à titre d’exemples :

  • Des antiviraux : hydroxychloroquine (Plaquenil), qui pourrait limiter l’entrée du virus dans ses cellules cibles, en bloquant le mécanisme d’endocytose ; d’autres molécules inhibitrices d’entrée telles que le camostat ou des anticorps monoclonaux comme le méplazumab ; remdesivir, analogue nucléosidique inhibiteur de la polymérase virale, dont le but est de bloquer la réplication de l’ARN viral, tout comme le favipiravir premier médicament du Covid-19 enregistré en Chine ; lopinavir/ritonavir (Kaletra), qui pourrait bloquer certaines protéases virales.
  • Des anti-inflammatoires et immuno-modulateurs : corticoïdes ; anticorps monoclonaux (anti IL6, anti-TNFa) ; colchicine ; mais aussi possiblement l’hydroxychloroquine.
  • Des antibiotiques : azithromycine.
  • Des mesures complémentaires : héparine et autres anti-coagulants, pour limiter les risques de thromboses et d'embolies ; des méthodes diverses (y compris médicamenteuses) d’hyper-oxygénation.


Sur le plan vaccinal, moins de trois mois après l’identification du virus, trois candidats vaccins sont déjà en cours d’évaluation chez l’homme. C’est un record absolu de vitesse… Une application à large échelle n’est cependant pas attendue avant des mois.

(1) : On dit d'un signe clinique ou d'un symptôme qu'il est pathognomonique lorsqu'il caractérise spécifiquement une maladie unique et permet donc, à lui seul, d'en établir le diagnostic certain lorsqu'il est présent.