Le rose leur va si mal !

Publié par Rédacteur-seronet le 20.11.2012
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mariage pour tous
Gros succès pour la "Manif pour tous" du 17 novembre. Le "peuple" de droite catholique était de sortie pour dire tout le mal qu’il pense de l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. Eprouvant. Seronet y était.
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A vous faire détester le rose ! Le dress code de la Manif pour tous du 17 novembre dernier à Paris interdisait les carrés Hermès, les jupes écossaises et autres serre-têtes de velours (tout le monde n’a pas écouté) et préconisait de venir avec une tenue : "Bleu, blanc, rose !" Une overdose de rose donc… sur des chapeaux, des écharpes, des pulls, des foulards, des bannières, des flyers et des banderoles. Du rose qui résume si caricaturalement l’homosexualité. Du rose qui remplacerait le rouge du drapeau tricolore national si le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe passait… et ça pour les organisateurs de la "Manif pour tous", cela ferait trop mauvais genre !
 
Le gros livre rouge
Elle est arrivée sur son scooter avec un blouson Banana café (super clin d’œil !) et sa touche de rose… Toute en gouaille, Frigide Barjot était jusqu'à présent connue comme invitée de talk shows, catégorie : I love Benoît XVI. Elle est montée en grade et a désormais rang de passionaria cathodique contre le mariage pour tous. C’est une sorte de Christine Boutin télégénique qui, sous une allure bonhomme, déroule les mêmes arguments… en souriant.

"Où sont les élus ? Où sont les musulmans ? Et les juifs ?", lâche-t-elle pour réunir ses troupes pour la conférence de presse un peu foutraque, avant le départ du cortège. "Le mariage civil que nous défendons, c’est aussi le mariage de la mixité, de la diversité, de la parité… Il y a en ce moment des manifestations régionales avec des familles, des particuliers, des citoyens, mais aussi des divorcés, des célibataires, des familles recomposées qui viennent tous dire une seule chose : "Nous tenons à notre mariage civil, nous tenons à notre gros livre rouge, le Code civil". Et Frigide Barjot d’en sortir un exemplaire de son cabas avec des marque-pages un peu partout (comprendre qu’elle l’a lu attentivement).
 


A idées courtes, slogans simples !
"Ce que nous défendons, c’est notre code civil, rédigé par un homosexuel notoire : Cambacérès, qui institue la base même de la structure de la société à travers le mariage civil qui n’est pas un contrat d’amour, mais qui institue le lieu de la famille", explique Frigide Barjot. A idées courtes, slogans simples. Elle défend donc le mariage civil HF, à prendre dans ces deux acceptions : "Homme/Femme" et "Haute Fidélité". Elle défend aussi la "famille PME". "Eh oui, je sais que nous sommes en plein rapport sur la compétitivité. Eh bien, la famille, c’est compétitif… La famille PME, c’est la famille Père, Mère Enfant". Et puis pour faire bonne mesure : "Ce qui n’empêche pas que les familles homoparentales existent et que leurs enfants ont droit à la sécurité…" Mais bon, elle ne dit pas comment, ni ce qui pourrait être fait pour elles en l’absence de mariage. En fait, manifestement, elle s’en fout. Ce n’est pas son problème. Le sien, c’est d’éviter que les mentions "père" et "mère" ou "homme" et "femme" ne disparaissent du code civil, l’hypothèse la fait frémir.

"122 articles sont concernés", explique Marie-Thérèse Hermange, ancienne sénatrice UMP et "soutien de Frigide", qui porte une belle écharpe rose. Elle nous explique qu’on ne mesure pas encore ce qui se profile derrière le "mariage homosexuel : la gestation pour autrui". "Je ne me résous pas à ce que le corps de la femme soit loué ; le corps de la femme n’est pas un garage", avance-t-elle. Lorsqu’on lui fait remarquer que la gestion pour autrui ne fait pas partie du projet de loi, que François Hollande et le gouvernement y sont très opposés, elle lâche : "Je ne leur fais pas confiance".
 
Vox populi
Au point presse, les organisateurs ont invité des "élus de terrain" comme le maire du Chesnay. Philippe Brillault (DVD) est le premier édile à avoir fait adopter une motion contre le mariage pour tous… ce qui lui vaut l’honneur de la tribune. Il n’est pas venu seul. Sébastien Guerts, son adjoint délégué aux seniors et aux associations patriotiques, l’accompagne, écharpe tricolore (pas de rose !) en bandoulière. "Il est très important pour moi d’être présent. Ce qui m’a beaucoup touché, c’est la modification du code civil ; le rapport père et mère qui serait supprimé", avance l’élu. L’essentiel, selon lui, "c’est d’avoir un véritable débat. Certes un nouveau président de la République a été élu, c’est le choix du peuple français, mais sur un débat aussi sensible on ne doit pas tout référer à un numéro dans un programme politique on doit vraiment consulter le peuple". Les ministres concernés ont conduit des auditions, d’autres sont en cours à l’Assemblée Nationale… "Pas suffisant… On est dans une période où les gens doivent avoir essentiellement des repères. Moi, j’ai beaucoup d’amis homosexuels. J’en fréquente beaucoup parce que ce sont des gens très intéressants sur le plan culturel si j’ose dire et je peux vous dire qu’ils ne sont pas foncièrement pour le mariage", explique, très affirmatif, Sébastien Guerts.
 


Un kiss-in prolongé
Frigide Barjot parle beaucoup, c’est elle la tête d’affiche. Elle donne la parole aux autres lorsque deux jeunes femmes, Anaïs et Fanny-Neige, se hissent derrière elle à quelques mètres. Elles s’approchent et s’embrassent, fièrement. Un kiss-in prolongé, leur façon à elles de dénoncer la teneur de la manifestation. On glisse un mot à Frigide Barjot qui n’a rien vu de la scène. Elle se retourne et fait applaudir celles qu’un des organisateurs, Tugdual Derville, le délégué de l’Alliance VITA, cherche pourtant à cacher des objectifs des photographes et des caméras. Raté, on ne voit qu’elles ! Et Tugdual Derville se lance dans une discussion avec le couple. Il est question de "respect de l'enfant". "L'absence d'un papa et d'une maman est un problème. Les familles monoparentales sont accompagnées. La différence est de ne pas créer délibérément l'absence d'un père ou d'une mère pour un enfant. Sinon, il y a trois parents (…) Il ne faut pas dire à l'enfant qu'il a un nouveau papa ou une nouvelle maman qui vient remplacer le précédent. Vous croyez que c'est contre vous qu'on manifeste, pas du tout !", explique-t-il
 
"Non à l'homophobie du gouvernement"
"Nous n’avons rien contre les homosexuels, veut rassurer Frigide Barjot. Au contraire, aujourd’hui, nous venons dire aux personnes homosexuelles, aux homos, aux hétéros, nous vous aimons tous ! C’est une manifestation surtout contre l’homophobie… S’il y a le moindre dérapage, je vous assure que personnellement, mais aussi tout le service d’ordre… nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas un mot déplacé, pas une personne abîmée, molestée… qui qu’elle soit, d’où qu’elle vienne et évidemment, surtout, avant tout les homosexuels". Manifestement, Xavier Bongibault, président de "Plus gay sans mariage" et un des porte-paroles de la "Manif pour tous", a raté le briefing. Ouvertement gay, c’est lui qui est le plus homophobe et le plus border line de tous les intervenants. Depuis des semaines, il entretient des amalgames entre mariage pour tous, polygamie et inceste. A Denfert-Rochereau, il fait très fort en interviews et au micro. "Non à l'homophobie, non à l'homophobie du gouvernement, à l'homophobie des associations LGBT, non à l'homophobie des lobbys LGBT", éructe, au micro, Xavier Bongibault. "Toutes ces personnes jusqu'à celui qui est le premier d'entre nous, François Hollande, qui disent que tous les homos doivent être pour le mariage homo parce qu'ils sont homosexuels, c'est profondément homophobe. C'est nier le fait que les homosexuels sont des hommes, c'est nier que les homos sont des femmes. C'est mettre en avant leur sexualité, leur orientation sexuelle. C'est mettre en avant l'un des préceptes les plus dangereux et les plus homophobes que l'on ait jamais connus. C'est dire que les homosexuels sont incapables de réfléchir politiquement autrement que par leurs instincts sexuels. Merci à vous de dire non à l'homophobie !"
 


Affaires de symbole
Applaudissements polis au pays des lodens. "Qui a parlé ?", demande un homme à son épouse. "Je crois que c’est un homosexuel", dit-elle, d’un air pincé. Au fil des minutes, des milliers de personnes rejoignent le cortège. On a mis des blousons de couleurs différentes selon les fonctions des bénévoles, très jeunes et très nombreux. Ils se maquillent les uns, les autres : un papa sur une joue, une maman sur l’autre ! Tout ici est affaire de symbole. Affaire de symbole aussi l’affichage d’élus UMP de Paris en tête du cortège : Jean-François Legaret, maire du 1er arrondissement, Claude Goasguen, député, etc. Jean-François Copé a appelé à manifester et François Fillon a envoyé son représentant Gérard Larcher, sénateur UMP.

"Le mariage est une institution avec un homme et une femme. Cela a une responsabilité vis-à-vis des enfants et cette responsabilité vis-à vis des enfants, cela s’appelle la paternité et la maternité… Cela fait partie des choses que l’on ne peut pas bouleverser sans avoir profondément réfléchi et moi je suis attaché à la famille", explique le sénateur à Seronet. Gérard Larcher n’est pas étonné du succès de la manifestation (près de 100 000 personnes à Paris) : "Je n’ai jamais reçu… moi qui suis parlementaire depuis longtemps autant de courriers de la part des citoyens et des courriers qui ne sont pas toujours des courriers organisés mais des courriers spontanés… Pour moi, il y a une vraie question qui est au cœur de la société et de valeurs de la société et je ne suis pas étonné qu’il y ait tant de gens qui le manifestent aujourd’hui. C’est ce que je fais avec François Fillon. Nous voulons un débat que de toutes façons nous organiserons face à un projet de loi que nous combattrons au nom d’un certain nombre de valeurs et de principes". Mais que se passera-t-il une fois le texte voté ? "Ce qu’une loi a fait une loi peut toujours le défaire", menace le sénateur.
 
L’homophobie fait un carton
Evidemment, l’immersion dans une manifestation homophobe (quoi qu’en disent ses promoteurs) perd vite de son intérêt. Et on se lasse rapidement des vestes Barbour matelassées, des fleurs de lys brandies et de la contemplation de la gamme complète des vêtements Cyrillus… en sortie automnale. Cette manifestation a permis à la droite catholique de se compter, elle a réussi son pari. Elle a montré le visage d’une certaine homophobie qui s’appuie sur la religion et se rêve en sauveur de l’humanité. Le courage de la cinquantaine de militants LGBT, dont des militants d’All out, venus protester contre cette manifestation n’en est que plus fort. Fort de ce réel succès, la Manif pour tous n’entend pas en rester là, d’autant que les rassemblements régionaux, dont celui de Lyon, ont fait aussi un carton. Une nouvelle démonstration de force anti-mariage est prévue en janvier. Et les pro-mariage… c’est pour quand ?



Anaïs et Fanny-Neige : le Kiss-in pour tous !
Elles sont venues à la "Manif pour tous" pour la dénoncer. Elles se sont embrassées lors du point presse de Frigide Barjot… devant les caméras. Anaïs et Fanny-Neige reviennent pour Seronet sur leur geste politique et les réactions des organisateurs de la marche.
"Evidemment, leurs réactions prouvent bien qu'ils ne veulent pas que l'on soit là. C'est de mauvaise foi. On s'embrasse, on ne fait rien, c'est pacifique, on est derrière. Et là, ils nous cachent et nous déplacent et après prétendent nous applaudir et nous aimer". Comment réagissent-elles à la comparaison avec Hitler faite lors de son interview par Xavier Bongibault, un des porte-paroles de la marche ? "C'est d'une grande violence. C'est révoltant et cela prouve qu'il y a dans ce groupe, malgré ce qu'ils prétendent, énormément d'homophobes et d'homophobie. Ils ont beau l'enrober sous un discours de tolérance, ce type de sortie montre le vrai visage des personnes. Sous des discours égalitaires, ils affirment qu'ils ne veulent pas de nous dans la société". Anaïs et Fanny-Neige veulent-elles se marier ? "Nous, on veut avoir le droit, le droit à l'indifférence, on veut qu'on nous foute la paix. Qu'on ait les mêmes droits que tout le monde… après c'est un choix personnel et de couple. C'est tout ! On veut simplement la possibilité de le faire. En ce moment, nous avons les devoirs, mais pas les droits. Nous voulons la même chose que tout le monde".