Les CPAM contre l’AME… ?

Publié par jfl-seronet le 26.02.2014
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Droit et socialAMEaide médicale d'état

Des collectifs associatifs, le CISS et l’ODSE, ont mis en cause (21 février) la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (CPAM 93) et d’autres CPAM d'avoir écarté volontairement des demandes d'aide médicale d'Etat (AME) au cours des derniers mois, dans le but de désengorger leurs services. Le Collectif interassociatif pour la santé (CISS) et l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) s’en expliquent dans un communiqué. Le voici.

Le droit

Il est simple, robuste, connu de tous, mais nécessite manifestement un double rappel :
● Les étrangers en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois consécutifs peuvent accéder, sous conditions de ressources, à l’aide médicale d’Etat pour la prise en charge des frais que leur état de santé nécessite. Il leur faut en faire la demande auprès des caisses primaires d’assurance maladie qui gèrent le dispositif.
● Par ailleurs, les relations entre les citoyens et les administrations, qui ont fait l’objet de nombreuses lois en France depuis plus de trente ans, reposent sur des règles assez simples : toute demande doit faire l’objet d’un accusé de réception, la demande d’AME comme toute autre demande. Et l’absence de réponse au-delà de deux mois vaut rejet de la demande.

Le travers

Un certain nombre de caisses primaires d’assurance maladie, dont celle de Bobigny [Seine-Saint-Denis], ont diffusé une consigne aux termes de laquelle les demandes d’aide médicale d’Etat parvenues avant une certaine date, le 6 décembre 2013 en l’espèce pour la Seine-Saint-Denis, font toutes l’objet d’un refus implicite… alors qu’à l’évidence ce sont des rejets explicites. Pour une raison inavouable, que l’on se refuse à écrire, tellement elle est choquante et qui semble pouvoir s’énoncer comme suit : "On n’a eu ni le temps ni l’envie de traiter votre demande". Ladite consigne n’a évidemment pas été notifiée aux organismes sociaux, aux associations d’usagers du système de santé ni aux associations d’aide aux étrangers, et encore moins aux demandeurs eux-mêmes puisqu’on vous le dit : "C’est implicite".

La honte

Il est si facile d’adopter de telles attitudes face à des populations dont les conditions d’existence ne permettent évidemment pas la plus parfaite information sur leurs droits. Pourtant aucune règle du service public ne permet de considérer que, par nature, une catégorie de demandeurs n’a pas à être traitée avec les mêmes égards que les autres… au contraire et c’est tout le sens de l’égalité face aux services publics !

Comment accepter que ne soient pas affectés dans toutes les CPAM les personnels suffisants pour traiter les demandes d’aide médicale d’Etat ? Au moment où se négocie la convention d'objectifs et de gestion entre l'Assurance maladie et l'Etat, la garantie de délai de traitement des demandes d'AME doit y figurer. L'abandon des populations éligibles à l'AME ne peut pas être un choix de gestion. C'est à l'évidence une discrimination. Le CISS et l’ODSE réclament la levée des consignes décidant du non-traitement de certaines demandes d’aide médicale d’Etat et la prise en compte effective de ces demandes.

(1) : L’ODSE est composé d’Act Up-Paris, AFVS, AAIDES, ARCATt, Catred, Cimade, Comede, Comegas, Creteil-solidarité, Fasti, FTCR, Ligue des Droits de l’Homme, Gisti, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, Mouvement Français pour le Planning Familial, MRAP, Association Primo Levi, Sida info service, Solidarité sida.

L’ODSE écrit à Marisol Touraine :
"Madame la Ministre,Nos associations ont constaté une situation inquiétante à laquelle il parait urgent de remédier. En effet, nous avons eu confirmation orale qu’une note interne de la Caisse Primaire d’assurance-maladie (CPAM) de Seine Saint-Denis (93) demande à ses services de ne pas traiter les demandes d’aide médicale Etat (AME) déposées et non encore instruites au 6 décembre 2013. En refusant d’examiner les demandes des usagers, qui ne sont ni informés ni mis en position d’exercer des recours, la CPAM de Seine Saint-Denis démissionne purement et simplement de son obligation de service public, empêchant les personnes de se soigner, ou les laissant endettées à vie face à des factures hospitalières.
Une telle décision aboutit à un déni de droit inacceptable frappant les personnes les plus précaires sur le plan social et administratif. Elle constitue en outre une discrimination grossière, viole le principe d’égalité devant le service public et porte atteinte aux normes garantissant le droit fondamental à la santé :
- La technique du "déstockage des dossiers", par destruction ou archivage en bloc des demandes en cours, est illégale. L’argutie, consistant à considérer que l’administration a "le droit" de rejeter implicitement toute demande des usagers, est un contre-sens juridique qui retourne contre les citoyens les garanties acquises par les lois successives organisant les relations avec l’administration.
- Nous sommes inquiets du risque de pérennisation d’une telle pratique, comme mode de gestion de la charge de travail des Caisses, sur le dos des usagers les plus faibles.- Cette mesure nuit à l’intérêt général en portant atteinte à la santé publique et à l’accès aux droits de chacun : aujourd’hui la CPAM refuse arbitrairement de traiter les demandes d’AME. Mais combien de temps avant que cette pratique ne se généralise à l’ensemble des usagers ?
Face à l’urgence de la situation, il appartient à l’Etat qui est en charge du dispositif AME, d’exercer son pouvoir de contrôle sur la Caisse à qui il en a délégué la gestion. Il vous appartient en tant que ministre de la Santé de faire respecter les principes élémentaires de fonctionnement des services de santé et de protection maladie dans l’intérêt des personnes concernées et de l’ensemble des assurés. Certains de l’attention que vous porterez à notre interpellation, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.L’ODSE"
Une copie de ce courrier a été adressé au directeur général de la Caisse primaire d’assurance maladie, au directeur de l’Agence régionale de santé Ile-de-France, du Défenseur des droits, du préfet de la Seine Saint-Denis, etc.