Les plus précaires sont les plus mal soignés !

Publié par jfl-seronet le 08.11.2018
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Droit et socialprécaritéaccès aux soins

Nous n’y pensons pas souvent, mais il existe une Journée mondiale du refus de la misère. A cette occasion, Médecins du Monde a publié son dix-huitième rapport sur « l’accès aux droits et aux soins des plus démunis en France ». Le constat dressé par Médecins du monde est sans appel : « Les plus précaires sont les plus mal soignés ».

Le dernier rapport de Médecins du Monde (MDM) sur « l’accès aux droits et aux soins des plus démunis en France » est très clair : « Les plus démunis sont exclus du système de santé ». À travers ses 61 programmes, Médecins du Monde est un témoin direct de la précarité et de l’impossibilité d’accéder à des soins de qualité. En 2017, ce sont 24 338 personnes reçues dans les quinze centres de santé Caso en France, qui nécessitaient d’être soignées, écoutées et accompagnées juridiquement et administrativement, indique MDM. « Ces personnes vulnérables viennent d’horizons différents et ont chacune leur propre histoire : elles peuvent vivre dans la rue, en bidonville ou en habitat précaire, elles connaissent la précarité et les discriminations, certaines ont fui la guerre, les persécutions mais toutes sont exposées à de nombreuses violences ». Parmi les personnes rencontrées, Médecins du Monde s’inquiète tout particulièrement du sort réservé aux enfants et adolescents-es ainsi qu’aux femmes.

Les enfants et adolescents-es, particulièrement les mineurs-es non accompagnés, sont de plus en plus nombreux à se présenter dans les centres de soins de MDM pour bénéficier d’un lieu de répit, d’une écoute et d’un accès à la santé physique et mentale. En effet, ils ne bénéficient pas d’un dispositif d’accueil adapté en France. En 2017, ce sont plus de 1 700 mineurs-es non accompagnés accueillis par l’ONG.

Les femmes sont également confrontées à des conditions de vie et d’accès aux soins difficiles. Dans les centres de santé de l’ONG, une majeure partie d’entre elles est en situation de mal-logement. Ainsi 27 % des femmes enceintes ayant été reçues en consultation par Médecins du Monde sont sans domicile fixe. Le rapport indique aussi que « les problèmes de santé sont fortement associés aux conditions de vie et d’accueil en France. En 2017, 83 % des patients-es reçus en consultation nécessitaient un suivi et/ou un traitement, posant la question des modalités de prise en charge, dans un contexte où la plupart d’entre eux-elles ne disposaient d’aucune couverture maladie et vivaient dans des conditions d’extrême pauvreté.

Face à cette situation dramatique dénoncée très régulièrement, Médecins du Monde défend depuis des années la nécessité de mettre en œuvre un système de soins inclusif, qui permette à chaque personne présente sur le territoire français d’avoir accès à une assurance maladie et donc à des soins de qualité. En 2017, 87 % des patients-es reçus pour la première fois dans les centres de santé étaient dépourvus de couverture maladie alors que 70 % d’entre eux-elles pourraient théoriquement en bénéficier au regard de leur situation administrative. La complexité des démarches, les pratiques abusives fréquentes des administrations, la barrière linguistique, les difficultés financières et un désengagement des services publics sont les principaux obstacles au recours aux soins, note l’ONG.

Les recommandations de Médecins du Monde

Pour mettre fin à ce non recours aux soins, MDM continue d’exiger : la simplification des démarches administratives et de l’accès aux droits et aux soins pour tous par le biais notamment de l’intégration de l’Aide médicale d’État dans le régime général de la sécurité sociale. Il s’agirait de mettre en place une sécurité sociale universelle pour tous-tes. « L'aide médicale d'État doit disparaître au profit d'un régime général de la Sécurité sociale plus accessible et étendu à l'ensemble des personnes résidentes de notre pays », détaille le rapport. « Les bénéficiaires de l'AME arrivent souvent très malades quand ils viennent demander des soins », précise d’ailleurs Delphine Franget, de la direction des opérations de Médecins du monde. L'association propose de fusionner l’AME dans la PUMa (protection universelle maladie), et donc que les bénéficiaires de l'AME, les persones étrangères en situation irrégulières notamment, puissent être intégrées au régime général, précise Le Figaro. « Avec les lois de 1993 (dites Pasqua), on a isolé les sans papiers dans un système spécifique, précise Delphine Franget. Auparavant, l'accès à l'assurance maladie n'était subordonné à aucune condition de régularité du séjour. Nous aimerions donc supprimer cette condition » ; le renforcement des actions de proximité et du rôle de la médiation en santé ;​ la mise en place d’un véritable dispositif d’accueil répondant aux besoins primaires des enfants et adolescents non accompagnés et des migrants primo arrivants. « Il s’agirait de mesures de santé publique qui amélioreraient la prévention et la promotion de la santé pour tous », estime l’ONG.

Avec ce nouveau rapport, MDM entend placer au cœur du débat public la question de l’accès aux soins pour les personnes les plus vulnérables. Comme le rappelle le Dr Philippe de Botton, président de Médecins du Monde : « Chaque jour en France, Médecins du Monde rencontre des femmes, des enfants, des hommes, de tout âge, de tout horizon, qui n’ont pas accès aux droits et aux soins et qui sont rejetés et/ou isolés. Il est grand temps que face à cette urgence sociale, nos dirigeants ouvrent les yeux sur la misère qui est à nos portes et mettent en œuvre une véritable politique publique d’accueil et de santé pour tous ». « Les années passent et rien ne change. Le constat est le même : les plus précaires sont aussi les plus mal soignés. Les progrès sont faibles, les reculs et les menaces sont là. » a expliqué Yannick Le Bihan, directeur des Opérations France chez Médecins du Monde.

La pauvreté diminue en Europe
Selon l'institut Eurostat, près d'un quart de la population européenne est menacé de pauvreté ou d'exclusion sociale. Cela touche 113 millions de personnes, indique Le Figaro (17 octobre). Après avoir augmenté de 2009 à 2012, la pauvreté se réduit lentement dans l'Union européenne. En 2017, 22,5 % de la population des 28 pays membres étaient « menacés de pauvreté ou d'exclusion sociale », assure, l'office statistique de l'Union. Cela représente 3,1 millions de personnes de moins qu'il y a dix ans. Mais cela reste, avec 113 millions de personnes en situation délicate, un niveau très élevé. L'an dernier, une personne sur six vivant dans l'Union européenne était « en risque de pauvreté monétaire ».